VII Le système mondial autodestructeur en questions…
Quelle est la nature de ce système ? Le productivisme.(VII)
Quel est le cadre de ce système ? La mondialisation.(VIII)
Qui fait quoi dans ce système mondial ? Les acteurs de notre monde .(IX)
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VII Le système mondial autodestructeur en questions…
34-Historiquement d’où vient ce système productiviste ?
35-N’a-t-il pas quelque chose de totalisant ?
36-Le productivisme est-il accompagné d' une obsession ?
37-Quelles sont les logiques profondes de ce système mondial ?
38-Ce système n’a-t-il pas de nombreuses interactions ?
39-Quelles sont les formes d’autodestruction de ce système ?
40-Comment résumer la rencontre explosive du productivisme et de l’anthropocène ?
41-Un des fondements du productivisme n’est-il pas une omniprésence des marchés économiques nuisible à l’environnement ?
42-Un des fondements du productivisme n’est-il pas une puissance des marchés financiers nuisible à l’environnement ?
43-Comment le développement est-il remis en cause par les questions écologiques ?
44-Comment le productivisme fait-il main basse sur la nature ?
34-Historiquement d’où vient ce système productiviste ?
C’est une histoire très ancienne de plus de 500 ans.
Tour à tour voilà le marché des marchands (XVème et XVIème siècles), le marché des manufactures (XVIIème siècle jusque vers 1860), le marché des monopoles (1860-1914), enfin le marché mondial contemporain (1914 à nos jours).Ce système est donc né à la fin du Moyen- Âge(XVème), s’est développé à travers la révolution industrielle, puis il est devenu omniprésent, omnipotent, omniscient au XXème , dans les deux premières décennies du XXIème siècle et donc dans les débuts de la troisième décennie…
35-N’a-t-il pas quelque chose de totalisant ?
C’est effectivement un système totalisant.
- Le système productiviste est le système existant le plus global.
Un système c’est la combinaison d’éléments qui vont former un ensemble.
Le productivisme va bien au-delà de la simple tendance à rechercher systématiquement l’amélioration ou l’accroissement de la productivité, celle-ci étant un rapport mesurable entre une quantité produite (par exemple de biens) et les moyens (machines, matières premières…) mis en œuvre pour y parvenir.
Le productivisme est aussi plus global que le libéralisme qui est, à partir du XVIIIème, la doctrine économique de la libre entreprise selon laquelle l’Etat ne doit pas gêner le libre jeu de la concurrence.
De même le productivisme est plus global et beaucoup plus ancien que le néolibéralisme, doctrine qui apparaît dans les années 1970 et qui accepte une intervention limitée de l’Etat.
De même le productivisme, s’il a de nombreux points communs avec le capitalisme, en tant que système économique et social fondé sur la propriété privée des moyens de production, sur l’initiative individuelle et la recherche du profit, est aussi probablement( ?) quelque chose de plus vaste, lié non seulement aux dominants de la techno-science mais lié aux recherches et aux techniques elles-mêmes qui, loin de toujours libérer les êtres humains et le vivant peuvent contribuer aussi à les écraser.
Nous pouvons aussi qualifier l'ensemble du système de trio infernal dont les piliers s'appellent le productivisme, le capitalisme et l'anthropocène.
- Le système productiviste est totalisant dans l’espace.
Il est présent, à des degrés divers, à tous les niveaux géographiques, à travers tous les acteurs et dans toutes les activités humaines.
L’environnement va donc être logiquement atteint sur l’ensemble de la planète, même si cela existe de façon variable ou très variable selon les lieux, les formes, en intensité et dans le temps (destruction brutale ou lente).
Cela ne veut pas dire que des contre logiques et des ilots de résistance ne voient pas le jour, ils sont essentiels dans l’ensemble des activités humaines.
- Le système productiviste est totalisant dans le temps.
Son passé a au moins cinq siècles. Le productivisme est né à la fin du Moyen- Âge(XVème), il s’est développé à travers la révolution industrielle du milieu du XVIIIème en Angleterre et du début du XIXème siècle en France, est devenu omniprésent , omnipotent, omniscient au XXème et au début du XXIème siècle.
Il est tout puissant dans le présent, la mondialisation est elle-même un phénomène puissant (Voir sur ce blog nos articles sur « La mondialisation »).
Il hypothèque déjà l’avenir. Les générations futures, qui dans l’imaginaire collectif s’étalaient sur des centaines ou des milliers d’années, sont désormais directement menacées à court et moyen termes. Elles ne sont plus perdues dans des lointains inaccessibles mais là, juste devant nous. Elles nous regardent et nous disent « Que faites-vous ? ».
Le rapport sur « l’avenir de l’environnement mondial » GEO 5 du PNUE, en 2012, affirme que « plusieurs seuils critiques aux niveaux mondial, régional et local sont sur le point d’être atteints ou ont été dépassés. »
Deux études, menées chacune par une vingtaine de chercheurs de différentes disciplines, chercheurs travaillant dans une quinzaine d’institutions scientifiques (Revue Nature, 7 juin 2012), font plus que tirer la sonnette d’alarme, elles sonnent un véritable tocsin : «La biosphère est à la veille d’un basculement abrupte et irréversible »(…) Ces études mettent en avant « l’imminence d’ici à quelques générations d’une transition brutale vers un état de la biosphère inconnu depuis l’émergence d’homo sapiens c’est-à-dire 200.000 ans. »
36-Le productivisme est-il accompagné d' une obsession ?
Le productivisme c’est aussi une obsession qui l’accompagne.
Elle occupe de façon permanente le cœur du cœur de multiples discours personnels et collectifs : la compétition c’est la vie !
La logique de la compétition est élevée au rang « d’impératif naturel » de la société.
Elle est au dessus du « vivre ensemble » et au dessus du « bien commun ». Nous sommes entrés dans la révolution scientifique, il faut être novateur, notre droit à l’existence est fonction de notre rentabilité ( ! ) « Etre ou ne pas être compétitif » nous dit le système, si vous n’êtes pas compétitif – pays, région, ville, entreprise, université, personne…- vous êtes dans les perdants. « Malheur aux faibles et aux exclus » écrivait Riccardo Petrella dans son article sur « L’Evangile de la compétitivité » (Le Monde diplomatique, septembre 1991.)
« Chacun invoque la compétitivité de l’autre pour soumettre sa propre société aux exigences de la machine économique » écrivait également André Gorz ( Ecologica , éditions Galilée, 2008.L’ouvrage réunit sept textes parus entre 1975 et 2007).
37-Quelles sont les logiques profondes de ce système mondial ?
Quels sont donc ces mécanismes puissants ?
Existent au moins douze logiques profondes .
La recherche du profit, synonyme de fructification des patrimoines financiers, de financiarisation du monde, avec des opérateurs, à la fois puissants et fragiles, qui ont donc des logiques spécifiques.
L’efficacité économique, synonyme du moment où, cessant d’être au service de la satisfaction de véritables besoins, la recherche d’efficacité devient sa propre finalité.
Le culte de la croissance synonyme du « toujours plus », de mise en avant de critères économiques supérieurs aux critères sanitaires, sociaux, environnementaux, culturels, de surexploitation des ressources naturelles, de fuite en avant dans une techno science qui a tendance, ici et là, à s’auto reproduire et à dépasser les êtres humains. Croissance qui va reculer, se tasser, être en berne, mais qui va revenir, repartir, rebondir et qu’il faut soutenir, favoriser , éternel refrain de la relance ... Sainte croissance protégez-nous !
La course aux quantités synonyme d’une surexploitation des ressources naturelles, de surproductions, de créations de pseudos besoins alors que des besoins vitaux ne sont pas satisfaits pour la grande majorité des bientôt huit milliards d’ habitants de notre planète.
La conquête ou la défense des parts de marchés synonyme d’un libre-échange tout-puissant qui repose sur des affrontements directs, des absorptions des faibles par les forts, des efforts de productivité qui poussent à de nouvelles conquêtes de marchés.
La domination sur la nature synonyme d’ objet au service des êtres humains, ses ressources sont souvent exploitées comme si elles étaient inépuisables. Certains pensent même que l’homme est capable de se substituer peu à peu à la nature à travers une artificialisation totalisante, il commence à se dire même capable, après l’avoir réchauffée, de « mettre la Terre à l’ombre » par de gigantesques projets technologiques (géo-ingénierie).
La marchandisation du monde synonyme de transformation, rapide et tentaculaire, de l’argent en toute chose et de toute chose en argent. Voilà de plus en plus d’activités transformées en marchandises, d’êtres humains plus ou moins instrumentalisés au service du marché, d’éléments du vivant (animaux, végétaux) décimés, et d’éléments de l’environnement qui sont entrés dans le marché (eau, sols, air…).Dans ce système « tout vaut tant », tout est plus ou moins à vendre ou à acheter. (Voir mes articles « La marchandisation de la nature » sur mon site « au trésor des souffles. »)
La militarisation du monde sous de multiples formes en particulier des espaces militarisés, des recherches, des productions et des ventes d’ armements, des conflits armés, des grandes manœuvres, des éducations à la guerre, des administrations extrêmes de multiples peurs, des fabrications d’ennemis ( par exemple de nouvelles classes jugées dangereuses, les déplacés environnementaux. )
La priorité du court terme synonyme de dictature de l’instant au détriment d’élaboration de politiques à long terme qui soit ne sont pas pensées en termes de sociétés viables, soit ne sont pas mises en œuvre et disparaissent dans les urgences fautes de moyens et de volontés.
L’accélération synonyme de course omniprésente à travers, par exemple, une techno science en mouvement perpétuel, une circulation rapide des capitaux, des marchandises, des services, des informations, des personnes, une accélération qui a de multiples effets sur les sociétés et les personnes, une des hypothèses les plus probables étant celle d’une « course effrénée à l’abîme qui emportera un monde impuissant ».(Voir par exemple Harmut Rosa « Accélération », La Découverte, 2010.)
N’oublions pas que l’hypothèse la plus probable de la première cause des dominations des hommes sur les femmes a été leur vitesse de déplacement par laquelle ils se sont accaparés des pouvoirs, ainsi ceux de la chasse, les femmes étaient, dès le début de l’histoire de l’humanité, moins rapides à cause de leurs grossesses et des enfants portés sur le dos. La vitesse, facteur de répartition des pouvoirs, emplit l’histoire des sociétés, cela jusqu’à nos jours avec les fractures des inégalités numériques.
L’expropriation des élu(e)s et des citoyen(ne)s n’a-t-elle pas tendance, ici ou là, à apparaître ou à se développer ? Ainsi les marchés financiers n’entraînent-ils pas une expropriation du politique par le financier ? La primauté du libre-échange et la puissance des firmes géantes n’entraînent-elles pas une expropriation du social par l’économique ? La compétition n’entraîne-t-elle pas une expropriation de la solidarité par l’individualisme ? La vitesse n’est-elle pas un facteur de répartition des richesses et des pouvoirs qui défavorise ou rejette des collectivités et des individus plus lents ?
Enfin , douzième logique, la compétition synonyme, nous répète-t-on, d’ « impératif naturel de nos sociétés ». Elle alimente les onze logiques précédentes et elle est alimentée par ces logiques. Elle est omniprésente, omnisciente, omnipotente dans le système productiviste. Cette compétition en fait n’est pas « naturelle » contrairement à ce que l’on croit le plus souvent et nous fait croire presque toujours, elle est le produit de multiples histoires et peut avoir et a, ici et là, des alternatives.. (Voir notre série d’articles « La compétition » sur ce blog de Mediapart et sur notre site « au trésor des souffles. »)
Un petit conte, à partager de 10( ou un peu moins) à 110 ans(ou un peu plus) , inventé sur ce système autophage :
Aux personnes rencontrées par le Petit Prince de Saint-Exupéry on pourrait ainsi rajouter Erysichthon, qui se mangeait lui-même, évoqué par le poète Ovide en 30 avant notre ère dans « Les Métamorphoses », et l’identifier au productivisme.
« Que faites-vous ? » demande le Petit Prince.
« Je suis devenu un système autophage. Les pays, les marchés, les entreprises se dévorent, je dévore la nature, je dévore même mes limites. »
« Vous aimez çà ? » interroge épouvanté le Petit Prince.
«Au début j’y prenais goût, mais depuis longtemps je ne peux plus m’arrêter, j’ai toujours faim » répond l’autophage.
« A cette allure , dit le Petit Prince, vous souffrirez de plus en plus et vous allez vite disparaitre. Moi quand j’ai soif je marche tout doucement vers une fontaine.»
38-Ce système n’a-t-il pas de nombreuses interactions ?
Des mécanismes puissants compliqués et amplifiés par des interactions.
-Des interactions entre des domaines d’activités.
Ainsi par exemple les interactions entre la dégradation de l’environnement et les guerres qui sont destructrices de l’environnement, mais la réciproque est moins connue : une gestion injuste et anti écologique de l’environnement peut contribuer à des conflits voire à des conflits armés. L’environnement a besoin de la paix et la paix a besoin de l’environnement.
-Des interactions entre des éléments de l’environnement .
Depuis longtemps on sait que les éléments de l’environnement sont interdépendants, que des pollutions peuvent passer d’un milieu dans un autre, peuvent traverser des frontières, on sait que des catastrophes peuvent avoir des effets plus ou moins étendus.
Cependant on ne connait pas toujours la nature précise des interactions entre les phénomènes de dégradation de l’environnement. De plus en plus de scientifiques ont pensé que les interactions entre les changements climatiques et d’autres drames environnementaux sont lourds de conséquences.
Ainsi des interactions entre les changements climatiques et le déplacement de courants océaniques, entre les changements climatiques et l’extinction des espèces, entre les changements climatiques et la couche d’ozone…
-Des interactions entre deux grandes crises.
La crise climatique et la crise énergétique, si elles se rencontraient violemment , provoqueraient de multiples problèmes drames et menaces, par exemple des désorganisations amplifiées de nos sociétés.
Cette rencontre se produirait très probablement si au moins cinq éléments étaient réunis : une consommation de pétrole augmentant en moyenne chaque année (par exemple de 1,6% selon l’estimation de l’Agence internationale de l’énergie) d’ici 2030 ; un pic de production de pétrole puis un effondrement du pétrole vers 2040 (en 2050 le monde serait à 45 millions de barils produits par jour, autrement dit à la moitié de la consommation de 2020) ; des énergies fossiles représentant toujours la plus grande part des ressources énergétiques mondiales (80 à 85%) à la même période ; l’absence de volontés politiques, économiques et financières mondiales pour développer massivement et radicalement les énergies renouvelables ; enfin une absence de politiques de réductions massives des consommations d’énergies dans les pays développés et aussi dans les pays émergents.
Il est vrai aussi que l’on peut raisonner autrement et penser que cette rencontre pourrait provoquer et activer des remises en cause allant dans le sens de sociétés écologiquement viables. C’est ici entre autres ce que l’on appelle « la pédagogie des catastrophes » (Voir notre article « Des idées, des moyens, des volontés face aux catastrophes écologiques. » in « Les catastrophes écologiques et le droit : échecs du droit, appels au droit », sous la direction de Jean-Marc Lavieille, Julien Bétaille, Michel Prieur, éditions Bruylant, 2011.)
Mais la catastrophe n’est pas vertueuse en elle-même, elle est avant tout porteuse de souffrances et après les catastrophes on tire un peu, beaucoup ou… pas du tout de véritables leçons, celles qui doivent aller jusqu’aux remises en cause des mécanismes profonds.
39-Quelles sont les formes d’autodestruction de ce système ?
L’autodestruction se manifeste sous cinq formes.
-Première forme d’autodestruction : les périls communs, c'est-à-dire des séries de drames et de menaces, lesquels ?
Au nombre de quatre séries, ni plus ni moins. On passe souvent sous silence la seconde et surtout la dernière, ce qui est gravissime :
-La débâcle écologique tendant à dépasser des seuils d’irréversibilité (réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité , épidémies … Les épidémies, Covid 19 compris , ont en partie(laquelle ?) pour cause la place écrasante de l’homme dans la nature, des études scientifiques montrent en effet que les risques de contagion sont beaucoup plus élevés chez les espèces sauvages menacées ou en voie d’extinction. Sans compter, causée par le réchauffement climatique, la fonte du permafrost qui pourrait, nous dit-on, réveiller différents virus…
-Autres périls : les armes de destruction massive (nucléaires, biologiques, chimiques) dont les effets sanitaires et environnementaux sont incommensurables.
-Les inégalités criantes : sanitaires, alimentaires, environnementales, financières, économiques, culturelles… Deux chiffres criants parmi d’autres : en 2019 1 % de la population possède près de la moitié de la fortune mondiale et 1% est responsable de deux fois plus d’émissions de CO2 que la moitié la plus pauvre de l’humanité.
-Enfin dernier drame et menace à ne pas oublier : la techno science et les marchés financiers qui ont pris en grande partie la place des conducteurs (Etats, entreprises) et sont de moins en moins contrôlés par les êtres humains. Science dont les recherches sont loin de toujours donner priorités aux véritables besoins des êtres humains et du vivant, techniques qui nous sont souvent imposées avant de les avoir choisies, marchés financiers qui fonctionnent à la nanoseconde, à travers pour une part de robots et que l’on n’ose contrarier sous peine de mouvements incontrôlables.
-Deuxième forme d’autodestruction : l’ampleur des problèmes des drames et des menaces est impressionnante. A titre indicatif la faim dans le monde, les maladies ( cardiovasculaires, cancers, maladies infectieuses liées aux virus, bactéries et parasites,… ), les conflits armés, les terrorismes, la course aux armements, les atteintes aux droits des personnes, des peuples, et déjà des générations futures, la dégradation mondiale de l’environnement, l’urbanisation vertigineuse, l’explosion des inégalités, la pauvreté et la misère, le chômage, l’analphabétisme , l’endettement mondial, la criminalité financière internationale, l’explosion démographique…
-Troisième forme d’autodestruction : le productivisme nous dépasse et avance dans l’autodestruction.
Il nous dépasse par sa complexité, sa technicité, sa rapidité, trois facteurs qui font que la fatalité existe souvent, certes à des doses variables, mais elle correspond à l’impression profonde selon laquelle les marges de manœuvres de bon nombre d’acteurs diminuent et des politiques alternatives aux différents niveaux géographiques sont de plus en plus difficiles à penser et à mettre en œuvre.
D’autre part ce système a des pentes suicidaires à travers son insécurité (par exemple liée à la gigantesque course aux armements), ses inégalités (entre sociétés Nord-Sud, et à l’intérieur de chaque société), sa fragilité (en particulier écologique), trois facteurs qui baignent dans une compétition rapide et effrénée.
-Quatrième forme d’autodestruction : le productivisme ne réalise pas le bien commun.
Du point de vue démocratique, les citoyens et citoyennes peuvent de moins en moins se réapproprier leur présent et leur avenir, le système est pour une large part autoritaire.
Du point de vue environnemental le productivisme fonctionne sur l’utilisation forcenée de la nature, le système est pour une large part destructeur de l’environnement.
Du point de vue pacifique le productivisme est porteur de multiples formes de violences, il est pour une large part violent.(Voir la série d’articles « Les violences » sur site « au trésor des souffles. »)
Du point de vue de la justice le productivisme contribue à aggraver des inégalités et à en créer de nouvelles, il est pour une large part injuste.
-Cinquième forme d’autodestruction : le productivisme contribue aux confusions entre les fins et les moyens.
Cela signifie que les fins, c’est-à-dire les acteurs humains, en personnes, en peuples, en humanité, sont plus ou moins ramenées aux rangs de moyens,
plus ou moins domestiqués comme consommateurs,
expropriés comme producteurs,
dépossédés comme citoyens,
« marchandisés » comme êtres vivants…
Cela signifie aussi que les moyens, avant tout la techno-science et le marché mondial, ont tendance à se transformer en fins suprêmes.
40-Comment résumer la rencontre explosive du productivisme et de l’anthropocène ?
Après la dernière glaciation, les dix mille années de l’ère holocène étaient à une température stable et relativement chaude, c’est cela qui a permis l’apparition de l’agriculture et des civilisations.
Arrive donc l’anthropocène, nouvelle ère dominée par l’homme et liée au productivisme, elle a près de 170 ans si on la fait commencer vers 1850. Cette ère de l’anthropocène peut se ramener à trois éléments au cœur du productivisme :
D’abord l’utilisation massive des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz). En 1973 elles représentaient 86,7% de la consommation mondiale d’énergie primaire (et en 2015 81,4%.) ;
Ensuite l’explosion de la population qui au XXème siècle est multipliée par quatre , en 1900 :1,6 milliard d’habitants, en 2000 : 6,1milliards, (en 2022 : 7,8 milliards).
Enfin la consommation d’énergie multipliée par 8,3 , en 1900 : 0,9 milliards de tonnes équivalent pétrole(TEP), en 2000 : 8 milliards de TEP, (et en 2015 : 13,8 milliards de TEP).
C’est un système qui produit donc une nouvelle ère. Un système totalisant n’est peut-être ( ?) pas très loin (?) d’un système totalitaire. Ceci voudrait dire : « tout dans le productivisme, rien contre, rien en dehors ».
Ce géant est pourtant un géant aux pieds d’argile, il s’autodétruit. Une croissance et des pouvoirs qui se veulent infinis dans un monde fini constituent à la fois une domination totalisante et, en même temps, comporte les logiques de destruction par un système humanicide et terricide.
On le sait le roi Midas avait la capacité de transformer en or tout ce qu'il touchait, même sa nourriture et sa boisson. Ainsi la marchandisation et la financiarisation du monde n'ont-elles pas tendance à transformer toute chose et le vivant- humains, animaux et végétaux- en argent ? Tout vaut tant… (Voir sur ce blog « La marchandisation de la nature »).
41-Un des fondements du productivisme n’est-il pas une omniprésence des marchés économiques nuisible à l’environnement ?
Le productivisme a traversé quatre étapes qui correspondent à celles du capitalisme et qui ont des effets massifs sur l’environnement.
- Le marché des marchands (XVème et XVIème siècles).
Il est aux origines du colonialisme. Des marchands de Londres, Venise, Amsterdam redistribuent en Europe des marchandises précieuses ramenées d’Afrique et d’Asie. Ils ont peu à peu un monopole, c’est une des premières formes de la division internationale du travail qui s’organise, cela avec des dominants et des dominés. Les monocultures destinées à l’exportation portent atteinte à la justice, au social et à l’écologique.
- Le marché des manufactures (XVIIème siècle jusque vers 1860) .
Il se manifeste par le passage de l’atelier à la fabrique industrielle, donc des structures économiques qui changent et vont vers des concentrations qui ne seront, elles non plus, guère sensibles au social et à l’écologique.
- Le marché des monopoles (1850-1914).
Il fait apparaître des entreprises plus importantes qui absorbent de plus petites, ces monopoles sont les fils des concurrences, des crises, des guerres.
Cette tendance puissante à la concentration est, avec l’accélération, une logique très liée au productivisme, Elle est, pour une large part, mortifère.
- Le marché mondial contemporain (1914 à nos jours ,2022).
Ses acteurs essentiels s’appellent les firmes géantes, les marchés financiers, la techno-science, les complexes médiatiques, les deux cents Etats (très inégaux), les organisations internationales et régionales, les organisations non-gouvernementales, tout cela dans une croissance démographique, une urbanisation vertigineuse du monde et une consommation effrénée d’énergies fossiles. C’est à l’intérieur de ce marché mondial que vivent, survivent et meurent les acteurs humains (personnes, peuples, générations) et le vivant. La santé, le social, l’écologique sont le plus souvent subordonnés aux intérêts des acteurs essentiels et au commerce international.
Du point de vue du commerce international les négociations commerciales s’organisent, c’est le libre-échange qui se met en place à travers l’Accord général sur les droits de douane et le commerce (GATT, 1947) puis l’Organisation mondiale du commerce (OMC, 1995).Ce libre-échange laisse de côté, pour la plus grande part, les considérations sociales, sanitaires, environnementales.
42-Un des fondements du productivisme n’est-il pas une puissance des marchés financiers nuisible à l’environnement ?
-Un rappel de la mise en place du système financier international .
La Conférence de Bretton Woods (juillet 1944) et les statuts du FMI (adoptés en juillet 1944 et entrés en vigueur en décembre 1945) avaient mis en place un système basé sur des parités fixes, les monnaies avaient une valeur d’échange fixe en dollars ou en or, le dollar était convertible en or, la base était de 35 dollars pour une once d’or (28,3 grammes).Mais le déficit budgétaire des Etats-Unis prenant de l’ampleur, cet Etat ne voulait pas que ses stocks d’or s’effondrent, les autorités des Etats-Unis pensaient qu’ils ne pouvaient donc plus garantir la convertibilité du dollar en or.
Il y a l’avant et l’après 15 août 1971, jour où les Etats-Unis décident de mettre fin à la convertibilité du dollar en or.
Ainsi à partir d’août 1971 le dollar peut flotter, les spéculations sur les monnaies se multiplient, le système bancaire devient plus puissant, les marchés boursiers sont plus importants, les opérateurs internationaux ont des logiques spécifiques de fructification des patrimoines financiers, ils prennent peu à peu « la place du conducteur. »
- Le financement multilatéral de la protection environnementale est scandaleusement et criminellement dérisoire par rapport aux marchés financiers, à d’autres dépenses et aux besoins criants .
Ces marchés financiers comprennent six classes d'actifs : le marché actions, le marché obligataire, le marché monétaire, le marché des dérivés, le marché des changes, le marché des matières premières.
Deux chiffres symbolisent de cette force : en avril 2016 les transactions quotidiennes(!) sur le marché des changes étaient de 5100 milliards de dollars, pour l'année 2017 le gestionnaire américain d'actifs BlackRock gérait 6000 milliards de dollars et réalisait un bénéfice de 3,7 milliards.
A titre de comparaisons le chiffre d'affaires annuel en 2017 des dix premières entreprises du monde allait de 200 à 500 milliards de dollars, le PIB en 2017 était pour 139 (sur 193) Etats inférieur à 10 milliards de dollars dont 30 inférieur à 3. En 2017 le PIB des Etats-Unis était de 19362 milliards de dollars et celui de la France ( cinquième dans la liste des 193 Etats) de 2574.
Quant au budget bi annuel des Nations Unies pour 2018-2019 il était de 5,4 milliards de dollars.
Ce sont là quelques rapports de forces financiers qui en disent longs sur cet aspect de la vie internationale.
Quant à l’environnement pour comprendre le scandale(au regard de la mise sous tutelle des peuples) et le crime (à l’égard de l’humanité) prenons en compte les trois fonds multilatéraux les plus importants: le budget du PNUE pour l’exercice biannuel 2016-2017 était de 673 millions de dollars, le budget du Fonds pour l’environnement mondial était pour quatre ans de 2014 à 2018 de 4,43 milliards de dollars, le budget du Fonds vert pour le climat avec 10,2 milliards de dollars de promesses de contributions a débloqués 3,7 milliards en juin 2018.
Ces sommes pour la protection environnementale sont triplement dérisoires.
Sommes environnementales scandaleusement et criminellement dérisoires d’abord par rapport aux marchés financiers ci-dessus, d’où l’importance vitale de les taxer et de consacrer ces finances en particulier à la protection de l’environnement,
Sommes environnementales scandaleusement et criminellement dérisoires ensuite par rapport à d’autres dépenses, par exemple militaires mondiales ( en 2017 ce sont 5 milliards de dollars chaque jour, soit 35 en une semaine). On comprend que le productivisme, pour maintenir ses taux de profit, a besoin de renouveler ses stocks d’armements. Dans la compétition de la course aux armements, un des moyens massifs pour le faire est la production… de conflits armés lesquels permettent de détruire des armements et d’en expérimenter de nouveaux.
Sommes environnementales scandaleusement et criminellement dérisoires enfin par rapport aux besoins environnementaux criants en particulier par rapport aux 100 milliards de dollars qu’il faut trouver chaque année, à partir de 2020, dans le cadre de « l’adaptation » des pays du Sud aux changements climatiques.
43-Comment le développement est-il remis en cause par les questions écologiques ?
Ce système productiviste est, depuis ses origines, lié aux théories et aux pratiques de développement qui vont être interpellées par la crise environnementale.
- Les origines de la notion de développement se manifestent à travers quatre phénomènes.
- D’abord la colonisation qui est porteuse dans une grande partie de la « conscience occidentale » d’une conviction : la croissance et le progrès n’ont pas de limites. Ce discours est très enraciné encore aujourd’hui.
- Ensuite deux grands courants de pensée participent à cette idéologie. Le marxisme affirme que le développement scientifique et économique apporte le progrès mais à une condition : il faut qu’il remette en cause le capitalisme. L’humanisme affirme que le développement scientifique et économique apporte le progrès à une condition : il faut qu’il se fasse dans des conditions démocratiques libérales. Cependant, pour l’immense majorité des auteurs, le développement en tant que tel n’apporte ni incertitudes, ni dangers.
- La troisième origine du développement est constituée par les Nations Unies qui, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, lancent l’opposition « pays développés pays sous-développés » (ces derniers s’appelleront ensuite pays en voie de développement puis pays en développement) à partir de critères économiques que les dominants déterminent, le PNB est considéré comme le critère numéro un des nations. Cette opposition se substitue aux précédentes (pays civilisés-pays barbares, pays des lumières-pays obscurs, métropoles-colonies).
- La quatrième origine est très puissante, il s’agit de la techno science.
Elle s’accélère et se mondialise peu à peu à travers de grands réseaux, elle a même tendance à s’auto reproduire. Elle appelle dans son sillage à un développement continuel et rapide à travers de multiples applications.
Des recherches ne sont pas toujours orientées vers de véritables besoins, des technologies sont en route avant d’avoir eu le temps d’en mesurer tous les effets et de choisir des valeurs qu’elles peuvent contribuer à porter.
- La notion de développement va parcourir différentes étapes avec le productivisme.
- De 1945 à 1950 le développement est souvent perçu comme un ensemble de luttes contre le retard de la croissance. Les pays du Tiers-Monde sont en retard par rapport aux pays dominants, il faut donc les aider.
- De 1950 à 1955 le développement est souvent perçu comme un ensemble de luttes contre le blocage de la croissance, ces pays et ces peuples du Tiers-Monde ne sont pas en retard, ils sont bloqués par des pays dominants.
- De 1955 à 1968 le développement est souvent perçu comme une entreprise de libération politique, économique, culturelle, sociale. Les mouvements de libération se multiplient, souvent de lutte armée.
- A partir de 1968 dans les pays du Sud la notion de développement entre en crise.
Les pays du Sud, jusqu’aux années 2000, ne sont pas arrivés à remettre en cause l’ordre dominant. Les tentatives ont été pourtant nombreuses, citons simplement la création de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement(CNUCED) en 1964 à Genève en réaction contre le libéralisme économique du GATT, la Déclaration sur le nouvel ordre économique international(NOEI) en mai 1974 à l’Assemblée générale des Nations Unies, la tentative de création d’un Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication(NOMIC) en 1980 à l’UNESCO…
A partir des années 2000, dans ces pays du Sud, les pays émergents(en particulier la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud…) apparaissent sur la scène commerciale et monétaire internationale. Même sur le plan militaire le budget de la défense de la Chine, certes loin encore de celui des Etats-Unis, devient puissant.
Mais en même temps les problèmes, menaces et drames écologiques s'y multiplient, à l'image d'un productivisme autodestructeur. Une question centrale devient celle, en Chine et ailleurs, du partage du "gâteau mondial"(matières premières, commerce...) mais, aussi celle de « quel "gâteau? » Celui d'un productivisme terricide et humanicide ou celui d'une communauté humainement viable?
- Les pays du Nord ont eu, dans des proportions variables, tour à tour quatre vagues de contestations.
En 1968 une contestation des sociétés de consommation et de toute autorité, en 1970 l’avertissement des écologistes selon lequel « nous n’avons qu’une seule planète », en 1990 une dénonciation de l’exclusion dans les pays du Nord, à la fin de la décennie 1990 et au début du XXIème siècle les altermondialistes qui dénoncent la mondialisation néolibérale et sa marchandisation, « tout n’est pas à vendre », ils affirment aussi qu’« un autre monde est possible. »
Les Etats, à la Conférence de Rio sur l’environnement et le développement en juin 1992, mettent en avant la notion de « développement durable » à travers une Déclaration et un Agenda. Ce développement se veut respectueux de l’environnement, mais les brouillards ne se dissipent pas pour autant.
- Il y a ainsi trois types de théories et de pratiques relatives au développement qui se dégagent aujourd’hui.
Le développement productiviste avec la puissance du libre-échange, il est toujours dominant.
Le développement durable, plus ou moins teinté d’une certaine protection de l’environnement, mais qui ne donne lieu qu’à peu de remises en cause du productivisme.
Enfin une société écologiquement viable, qui remet en cause le productivisme à travers des résistances et des alternatives, qui prend une certaine importance dans des esprits mais rencontre de nombreux obstacles sur le terrain.
Malgré ces doutes, ces incertitudes, ces dénonciations, ces alternatives le discours et la domination du productivisme continuent : le marché est naturel, l’argent doit commander, la compétition est impérative, la croissance est sacrée, le libre-échange doit l’emporter sur tout le reste, la techno-science toute puissante est toujours porteuse de progrès…
44-Comment le productivisme fait-il main basse sur la nature ?
- Le système productiviste est hostile à l’environnement.
Il représente une forme d’expulsion de la nature : d’abord l’homme se veut maitre et possesseur de la nature qui est à son service, ensuite les richesses naturelles sont considérées comme plus ou moins inépuisables.
Et, même si la nature est détruite, certains pensent qu’il est possible de la restaurer. On peut même, affirment les plus radicaux, la recréer pour une large part artificiellement, ou même dans sa totalité. (Totalité, totalisant, totalitaire…)
Les défenseurs du système productiviste reconnaissent que l’écologie existe mais ils la considèrent comme devant être au service de l’efficacité économique. Le développement durable est interprété comme étant du développement qui doit durer. On peut le teinter d’un verdissement de l’économie, mais celui-ci ne doit en rien ralentir la bonne marche des affaires.
Etre ou ne pas être rentables, telle est, pour ce système, la seule question vitale.
- La course au profit multiplie les formes de marchandisation de la nature.
On comprend alors mieux les enjeux pour le capitalisme et le productivisme. De façon plus globale Ils mettent en œuvre au moins quatre stratégies pour préserver les taux de profit.
La première voie utilisée par le productivisme est une exploitation tous azimuts de ressources "déjà trouvées" dans la nature. Autrement dit il s’agit d’exploiter le plus possible les ressources existantes, c’est la course aux quantités des gisements en route ou en bout de course. Ce que le productivisme a emballé il l’achète et il le vend jusqu’à extinction des stocks.
La seconde voie utilisée par le productivisme est une exploitation tous azimuts de ressources "à trouver" dans la nature. Autrement dit il s’agit d’en découvrir de nouvelles, ainsi le gaz de schiste (avec de puissantes pressions de la course en avant des consommations d’énergie, d’industriels qui multiplient rapidement les forages par des moyens écologiquement inacceptables avec un silence ou une sous-estimation les effets écologiques dans les eaux, le sol, le sous-sol) , les richesses minérales aux pôles et d’abord en Arctique, mais aussi des recherches de nappes phréatiques, des « terres rares », de gisements de pétrole offshore… Ce que le productivisme découvre il le touche, il l’emballe, puis il le vend et l’achète.
La troisième voie utilisée par le productivisme est un marché tous azimuts des "services" de la nature. Autrement dit on met en place des services que l’on va échanger avec le plus de profit possible. Ce processus fait dire à des économistes critiques (ainsi Jean Gadrey , « Adieu à la croissance », éditions Alternatives économiques,2010) que « le capital financier veut découper la nature en services monnayables, puis en marchés dérivés pour qu’on puisse spéculer sur ces cours nouveaux ». Ce que le productivisme, en affirmant faire œuvre de protection, déclare « services » il va le découper et le monnayer.
La quatrième voie utilisée par le productivisme est une "artificialisation" tous azimuts de la nature. Autrement dit des entreprises, surtout des firmes multinationales, se sont lancées dans les productions d’organismes génétiquement modifiés, de biotechnologies, de nanotechnologies, d’utilisations de plantes en carburants, de nouveaux marchés rentables liés au bio mimétisme de la nature, et de plus en plus de projets de géo-ingénierie climatique…Ce que le productivisme commence à voir il va essayer de le modifier, de le transformer, puis il le vend et l’achète.
La cinquième voie utilisée par le productivisme est une géo-ingénierie conçue comme « Le grand remède miracle. »Il s’agit de techniques qui visent à manipuler et modifier le climat et l’environnement de la Terre et qui deviendraient une sorte de plan B pour arrêter le réchauffement et mettre la Terre à l’ombre. Autant des techniques de captage de CO2 peuvent avoir leur intérêt autant la géo ingénierie, aux mains de puissants groupes, non seulement est porteuse d’effets collatéraux mais surtout tendra à désengager les acteurs des luttes contre les changements climatiques.
Ce que le productivisme a détruit il prétend le sauver en utilisant des moyens productivistes en particulier sous la forme de techniques miracles qui vont sauver le monde.
Ainsi à grande allure, sous de multiples formes, la pente est prise : tout vaut tant. (Sur « La marchandisation de la nature » voir notre billet sur ce blog et notre article in Mélanges en l’honneur de Soukaina Bouraoui, Mahfoud Ghezali et Ali Mékouar, Hommage à un printemps environnemental, PUF, 2016.)
45-Ce système mondial n’est-il pas condamnable et condamné ?
- Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait en 2018 un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger ( guerres, maladies, misère…) et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers ont pris, depuis 1971 (fin de la convertibilité du dollar en or), une large partie de la place des conducteurs qu’étaient les Etats et les entreprises, autrement dit ,pour faire court, le politique et l’économique ?
Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que 6 milliards de dollars partent chaque jour en 2021 vers les dépenses militaires mondiales, et du seul fait, par exemple, que des activités humaines entraînent un réchauffement climatique qui menace l’ensemble du vivant (3°C à 6°C -ou plus- d’élévation de la température moyenne du globe vers 2100) et à cette même date un mètre -ou plus- d’élévation du niveau des mers ?
Ces deux petits passages ci-dessus, actualisés d’année en année, sont souvent repris dans mes écrits et mes interventions orales. Cela me fait penser à ce qu’un vieil ami disparu m’avait dit « L’amour n’a qu’un mot, il le redit sans cesse mais il ne le répète jamais, c’est l’amour. » De même on peut redire sans cesse que le productivisme a deux mots qui le qualifient « Condamnable et condamné. » On peut les redire sans cesse, mais on ne les répétera jamais… assez.
Dans sa compétition totalisante, terricide et humanicide, le productivisme n’est-il d’ailleurs pas l’un des contraires de ce que peuvent être l’amour, l’amitié, la fraternité ? Eux aussi peuvent être pris dans les filets de ce système inhumain, il faut alors beaucoup de forces, de chances, de solidarités pour les trouver ou les retrouver et pour participer à l’avènement d’un monde viable.