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Billet de blog 31 mai 2022

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Apocalypses écologiques(IIème partie)Les facteurs aggravants(chap4)

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Mediapart 14 Apocalypses écologiques : quelles causes massives ?(II ème partie)

Chapitre 4.Les facteurs aggravants.

Existent au moins trois séries de facteurs aggravants.

 Les interactions de toute sortes se sont multipliées sous l’effet principal de la mondialisation (A). L’accélération du système  est terrible pour la protection de l’environnement (B). Face aux intérêts, face à l’ampleur de la tâche et face  à la dilution des responsabilités, les volontés ne sont-elles pas souvent en récession ? (C).

A-Des interactions rendant très difficiles  les remises en cause pour la protection environnementale.

1-Les  interactions entre des éléments de l’environnement.

Depuis longtemps on sait que  les éléments de l’environnement sont interdépendants, que des pollutions peuvent passer d’un milieu dans un autre, peuvent traverser des frontières, on sait que des catastrophes  peuvent avoir des effets plus ou moins étendus. Cependant on ne connait pas toujours la nature précise des interactions entre les phénomènes de dégradation de l’environnement.

 De plus en plus de scientifiques pensent que  les interactions entre les changements climatiques et d’autres problèmes menaces et  drames  environnementaux pourraient être lourdes de conséquences.  Ainsi des interactions entre les changements climatiques et le déplacement de courants océaniques, entre les changements climatiques et l’extinction des espèces, entre les changements climatiques et la couche d’ozone. Ainsi la fonte des glaciers a désormais pour effet  la montée du niveau des mers. Ainsi l’accélération   des fontes de l’Arctique et maintenant de l’Antarctique agissent aussi sur ce niveau des océans, sur la circulation de l’océan global, sur les évènements climatiques extrêmes…

 2- Les interactions entre des domaines d’activités.

Deux séries d’exemples relatifs à la guerre et aux inégalités

a- Interactions entre environnement, paix et conflits armés.

Ainsi, par exemple, les interactions entre la dégradation de l’environnement et les guerres qui sont destructrices de l’environnement, mais la réciproque est moins connue : une gestion injuste et anti écologique de l’environnement peut contribuer à des conflits voire à des conflits armés. L’environnement a besoin de la paix et la paix a besoin de l’environnement.

b- Interactions entre environnement, égalités, inégalités.

Ainsi  par exemple les interactions entre les inégalités environnementales et les inégalités dans les autres domaines. Par exemple la « justice climatique » est aussi impérative que complexe, elle traverse les rapports entre les pays du Nord et du Sud, entre les pays du Sud et les pays émergents, entre l’ensemble des pays et les pays les moins avancés ainsi que les iles menacées par la montée des eaux.

3- Les interactions entre deux grandes crises.

a- La crise climatique et la crise énergétique.

 Si elles se rencontraient ces deux crises provoqueraient de multiples problèmes drames et menaces, par exemple des désorganisations amplifiées des sociétés.

Il est vrai aussi que l’on peut raisonner autrement et penser que cette rencontre pourrait provoquer et activer des remises en cause allant dans le sens de sociétés écologiquement viables. C’est ici ce que l’on appelle la pédagogie des catastrophes (voir l’article sur ce site : « Des idées, des moyens, des volontés face aux catastrophes écologiques. »)

Mais la catastrophe n’est pas vertueuse pédagogiquement en elle-même, on peut en tirer un peu, beaucoup ou pas du tout les leçons. (Voir  Actes du colloque, Les catastrophes écologiques et le droit, échecs du droit, appels au droit, sous la direction de Jean- Marc. Lavieille, Julien Bétaille, Michel. Prieur, éditions Bruylant, 2012.)

b- Cette rencontre se produirait très probablement si au moins cinq éléments étaient réunis : une consommation de pétrole augmentant en moyenne chaque année (par exemple de 1,6% selon l’estimation de l’Agence internationale de l’énergie) d’ici 2030 ;  un effondrement important du pétrole vers 2040 (en 2050 le monde serait à 45 millions de barils produits par jour, autrement dit la moitié de la consommation en 2013) ; des énergies fossiles représentant toujours la plus grande part des ressources énergétiques mondiales ( de l’ordre de 80%) à la même période ; l’absence de volontés politiques, économiques et financières mondiales pour développer massivement des énergies renouvelables ; enfin une absence de politiques  de réductions massives des consommations d’énergies  dans les pays développés et  les pays émergents.

Une seule donnée soulignée ici montre que la rencontre entre les deux crises  est en route. Selon l’Agence internationale de l’énergie, en 2017 les énergies fossiles continuaient à fournir l’essentiel de la consommation d’énergie primaire mondiale, soit 85,5 %, plus précisément 33 ,5 % pour le  pétrole, 28 % pour le charbon, 24 % pour le gaz naturel.

B-  Un facteur aggravant et terrifiant : l’accélération du système international.

 1-L’accélération mondiale se manifeste de multiples façons.

a- L’histoire de l’accélération  se déroule en quatre événements majeurs : les deux accélérations celle de la techno science et celle du marché mondial, l’explosion démographique (avec un accroissement-les naissances moins les décès- de la population mondiale de 226.000 personnes chaque jour ), l’urbanisation vertigineuse (plus de la moitié des générations présentes en 2018 vivent dans les villes).

b- Les causes de l’accélération s’appellent les logiques des fuites en avant du système productiviste, la généralisation du règne de la marchandise, la circulation rapide d’informations, de capitaux, de services, de produits et de personnes, l’arrivée des technologies de l’information et de la communication

c- Les manifestations  de l’accélération    se traduisent par une accélération des techniques, des rythmes de vie, par des accélérations sociales, culturelles, environnementales, politiques. L’urgence est devenue une catégorie centrale du politique, or moins on élabore de politiques à long terme plus on se trouve submergé par les urgences.

d-Les effets de l’accélération sur les sociétés : elle porte atteinte à la démocratie, Paul Virilio  écrit   tragiquement : « Quand il n’y a plus  de temps à partager il n’y a plus de  démocratie possible. ». L’accélération  a aussi des effets sur le travail, sur les contrôles, elle augmente le  poids de l’urgence au détriment du long terme, elle contribue au développement des inégalités, elle  a des effets sur l’argent- le temps c’est de l’argent et l’argent c’est du temps- elle a  des effets  sur les actualités, elle contribue à l’administration des peurs, enfin  compétition et accélération se tiennent embrassées.

e-Les effets de l’accélération sur les personnes : les rencontres sont souvent plus rapides, le présent est comprimé,  compressé, existe également un certain effacement de la diversité des tâches, les rencontres  du virtuel  et du réel sont en situations d’accélération, le temps  « mange l’espace » écrit  Paul Virilio , il y aussi une augmentation du nombre d’actions par unité de temps et une réduction de chaque épisode de vie, enfin sont souvent présents un stress et une nervosité, sans oublier  une atteinte à la capacité de comprendre.

 (Voir sur ce blog les quatre articles sur « L’accélération du système mondial », réflexions que nous avons présentées aussi  dans des universités du troisième âge)

 (Parmi les ouvrages à souligner : ceux de Paul  Virilio, l’un des plus grands penseurs de la vitesse dans nos sociétés,  voir par exemple « Vitesse et politique », (Galilée,1977), ou aussi Le Grand Accélérateur, Galilée,2010), Jean-Pierre Dupuy, « Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible devient certain. (Seuil,2002), Jean Chesneaux, « Habiter le temps »,(Bayard,1996), Harmut Rosa « Accélération », (La Découverte,2010), Nicole  Aubert, « Culte de l’urgence. La Société malade du temps. » ( Flammarion, 2013), Lamberto Maffei, « Hâte-toi lentement » (FYP, 2016)

 Le fait que le productivisme soit devenu comme une sorte de camion fou  se comprend particulièrement bien à travers la dégradation et la protection de l’environnement.

2) L’accélération, une machine infernale par rapport à l’environnement.

Pourquoi ? Parce que quatre mécanismes semblent,  en théorie et en pratique, terrifiants, le mot n’est pas trop fort.

Les quelques lignes, qui s’inscrivent dans ces quatre petits paragraphes qui suivent, sont intellectuellement particulièrement éprouvantes, déstabilisantes, terribles à intégrer dans les raisonnements.

 Beaucoup de personnes, en particulier de décideurs de toute nature, n’osent pas les mettre en avant et les passent sous silence, elles ont peur  d’avouer leur impuissance ou  peur de délégitimer leur action.

Nous pensons qu’il vaudrait mieux additionner de véritables faiblesses, les comprendre et essayer ensemble de  faire face , mesurer et faire connaitre les chemins restant à parcourir,  plutôt que de se draper dans de faux semblants, des orgueils mal placés ou de fausses victoires vite balayées.

 a- Le premier mécanisme est général : le système international s’accélère.

 On vient d’en énumérer quelques manifestations. Cette accélération est une vérité incontournable. Si l’auteur de ces lignes avait plus de force il aurait créé avec quelques amis une « internationale de la lenteur » qui coordonnerait les ONG pensant et agissant en ce sens. (Voir article plus haut cité sur ce blog). Ce ne serait pas un remède miracle mais un moyen pouvant être porteur. « Sois lent d’esprit » écrivait Montaigne.

L’environnement est emporté dans cette accélération générale.

b-Second mécanisme : penser  et mettre en œuvre  les réformes et les remises en cause environnementales prend du temps.

 Pourquoi ? Pour des raisons particulièrement nombreuses.

 A cause de l’introduction du  long terme, de la complexité des interactions, de l’ enchevêtrement des ordres  juridiques, de l’ inertie de systèmes économiques, des obstacles financiers, institutionnels, éducatifs, psychologiques et juridiques, à cause aussi des mises en œuvre de textes ,des actions trop tardives, des difficultés des remises en cause personnelles et collectives,  de la  complexité des rapports de force et des négociations, des retards dans les engagements, des obstacles dans les applications, de l’ inertie des systèmes économiques et techniques, sans oublier de  la lenteur de l’évolution des écosystèmes, enfin par dessus tout, à cause de la puissance des logiques productivistes.

 c- Troisième mécanisme : on agit pour une large part dans l’urgence .

 L’aggravation  des problèmes, des menaces et des drames de la dégradation environnementale  rend les urgences omniprésentes,  l’urgence devient une « catégorie centrale » du politique, elle fait d’ailleurs corps  avec le court terme qui constitue  une des logiques profondes du productivisme (voir sur ce blog les trois billets sur « Le productivisme ».). Il faut soulager des souffrances immédiates   à la suite de  catastrophes écologiques et  de  découvertes  de scandales  sanitaires  et écologiques.

On doit faire face à la fois aux urgences climatiques et à d'autres urgences, en particulier sociales. On doit aussi élaborer des politiques à long terme. En janvier 2010 dans les grands amphis du cours de « Grands problèmes politiques contemporains » nous avions dit qu'il fallait « à la fois répondre aux fins de mois et aux fins du monde »,(expression  qui a été souvent reprise depuis ), c'était aussi une façon de dire qu'il  fallait que la  politique écologique et la  justice sociale marchent côte à côte.

 d- Quatrième mécanisme : élaborer des politiques à long terme  demande du temps.

S’il est nécessaire de soulager des souffrances immédiates,   il est aussi non moins nécessaire de lutter contre leurs causes par des politiques à long terme, ce qui  demande du temps.

Un des exemples les plus criants est celui des déplacés environnementaux. Ce silence scandaleux  dans  l’Accord de Paris de 2015 sur le climat en dit long sur ce qui constitue  déjà, aux yeux de certains, de « nouvelles classes dangereuses » en voie d’explosion dans les décennies à venir  et qu’il faudra contenir au besoin,  par tous les moyens, même les pires ( ! ).

 Il faudrait d’ores et déjà adopter et appliquer un statut international, celui  par exemple élaboré par des universitaires de Limoges qui est considéré comme l’un des plus porteurs.

 Aujourd’hui il y a 15 à 20 millions de  déplacés environnementaux, vers 2100 on en attend au moins 150 à 300millions( ?). Des estimations vont maintenant  jusqu’à 1 à 2 milliards dans la mesure en particulier où  des mégapoles deviendraient irrespirables. (Voir  dans le livre 11 « Les déplacés environnementaux »).

Et on revient au premier mécanisme :

…  le système s’accélère. Autrement dit : il n’est pas sûr que les prochaines générations futures aient beaucoup de temps devant elles pour mettre en œuvre des contre-mécanismes nombreux, radicaux et massifs.

Ajoutons   à cela que, pour compliquer les situations en matière environnementale (comme dans tel ou tel autre domaine), il y a de véritables bombes à retardement. Elles mettent du temps à se préparer mais elles peuvent soit continuer sous la forme de  pollutions diffuses soit  exploser violemment et basculer dans l’urgence, ainsi très vraisemblablement par exemple de véritables Tchernobyls sous-marins qui sont en route. 

3-L’exemple du réchauffement climatique.

« Qui délibère trop oublie de vouloir.» C’est ce qui s’est passé face au réchauffement climatique.

 Il existe ainsi un divorce très impressionnant entre, d’une part , des données scientifiques, des avertissements d’auteurs de diverses disciplines et de militants d’ONG  et, d’autre part, les temps de réactions, de décisions et d’applications  de nombreux autres acteurs. Alors que la dégradation environnementale s’accélère  et atteint ici et là des seuils d’irréversibilité, il est fréquent de constater que des conférences internationales décident, selon les cas,  pour une part, pour une large part ou pour la totalité … que l’on décidera plus tard.

 Cela signifie que plus l’on attend plus  les solutions devront être  radicales et massives.

 Sans remonter à l’avertissement du scientifique suédois Arrhénius  en 1896, rappelons, exemple criant , que c’est en 1972 à la Conférence de Stockholm qu’est évoqué pour la première fois au niveau de tous les Etats le danger du réchauffement climatique, qu’il faut attendre 1992 pour voir une convention, 1997 pour qu’arrive son protocole, 2005 pour qu’il entre en vigueur, 2015 pour un nouvel accord célèbre (Accord de Paris sur le climat)qui est entré en vigueur en 2016, soit au total 44 ans !

 Quarante quatre ans  (1972-2016) pour faire les « premiers pas » !

Certes un chemin de mille pas commence par quelques pas, mais quel est le temps qui reste pour construire cet intérêt commun de l’humanité ?

  Les réformes et les remises en cause  pour casser cette machine infernale doivent être tellement titanesques  qu’il n’est pas sûr que nos générations et les prochaines   aient beaucoup de temps devant elles pour éviter, si faire encore se peut, un  nombre de plus en plus important  d’irréversibilités.

Les grands "vainqueurs",  à ce jour (juin 2022), sont  le réchauffement et, de façon plus globale, la débâcle écologique.

 Si  l'Accord de Paris (2015) sur le climat était  appliqué en l'état  l'augmentation de la température serait de l'ordre de 3,5°C vers la fin du siècle. Situation encore gravissime.

Si  l'Accord de Paris n'était pas appliqué le réchauffement serait de 4°C à 6°C, voire plus, vers 2100.Autant dire que la sixième extinction des espèces (humains compris) serait en voie d'effacer le  vivant ou la plus grande partie du vivant. 

Si l'Accord de Paris contribuait à donner le jour à de nouveaux engagements, radicaux, massifs et appliqués, le vivant aurait alors  probablement ( ?) des chances de survie.

Interactions, accélérations…Le troisième facteur aggravant est lié aux volontés.

C-Les récessions des volontés.

1-Les  manifestations des récessions des volontés .

Des résistances modérées ou radicales ne voient pas le jour  ou sont faibles, cela pour au moins quatre séries de raisons.

 a- L’indifférence, personnelle ou collective, face aux remises en cause environnementales.

 Elle prend différentes formes qui peuvent s’additionner : mauvaise ou sous-information, insouciance de la prévention, manque de vigilance, lâcheté et passivité devant des injustices, acceptation parfois aveugle du pouvoir et de l’argent, fuite en avant,  absence de courage… habitudes qu’on ne peut plus et ne veut plus faire bouger .« Le silence des pantoufles est plus dangereux que le bruit des bottes » écrivait un pasteur protestant, Martin Niemoller , envoyé en camp de concentration,  Einstein lui-même soulignait que le monde est dangereux à vivre par ceux qui font le mal et par ceux qui regardent et laissent faire. Rainer Maria Rilke, dans son poème « Heure grave», demandait : « Qui meurt quelque part dans le monde, /Sans raison meurt dans le monde, /Me regarde. »

b- Le sentiment d’impuissance, au niveau personnel ou collectif, face aux remises en cause environnementales.

Autrement dit la difficulté d’agir. Ce sentiment  est vécu de plusieurs façons.

Le nombre d’acteurs favorables au productivisme et leur puissance peut décourager, les montagnes des habitudes personnelles et collectives trop difficiles à soulever, le fait que « le local » bouge parfois mais que « le global » semble immobile, enfin les interactions entre les atteintes qui sont très nombreuses, 

c- La faiblesse, au niveau personnel ou collectif, dans les actions de protection environnementale  .

 Une des faiblesses à tous les niveaux géographiques est de ne pas  essayer encore et encore de rassembler des forces, par exemple autour de « fronts communs. »

 d-Enfin les « contraintes » face aux remises en cause environnementales .

 Elles sont souvent financières par manque de moyens et aussi juridiques dans la mesure où les marges de manœuvres sont liées aux possibilités que laissent les textes aux différents niveaux géographiques. Il n’est pas évident de les faire évoluer ou de les changer, qu’il s’agisse d’  une association dans un pays ou d’un Etat dans une organisation régionale, l’Union européenne par exemple.

 Ces contraintes peuvent être soit un alibi pour ne pas changer grand chose soit une réalité que l’on doit affronter. Un proverbe, au niveau personnel comme collectif, a une part de vérité : « Qui veut faire quelque chose trouve un moyen, qui ne veut rien faire trouve une excuse. »

 2- La puissance de certains  adversaires du productivisme.

 a- Il faut rappeler quels sont les dominants du système productiviste.

 Il s’agit des marchés financiers, des grandes banques et des banques centrales, des firmes multinationales, des complexes scientifico-militaro-industriels, des grands groupes médiatiques, des Etats du G8 et de quelques autres dont la Chine et l’Inde, de certaines organisations régionales (Union européenne, Mercosur et de quelques autres…),de certaines organisations internationales (OMC,FMI, Banque mondiale…) …sans oublier les dominations des hommes.

Deux remarques  relativisent cette puissance :

 D’une part il ne faut pas oublier que les logiques générales  du système mondial sont des logiques d’autodestruction,  ainsi d’une part certaines de ces puissances sont menacées par la compétition et tôt ou tard peuvent être absorbées, d’autre part  les catastrophes produites par ce système peuvent se multiplier et s’aggraver, en particulier les catastrophes écologiques (voir sous la direction de  JM Lavieille, J Bétaille, M Prieur, ,Les catastrophes écologiques et le droit : échecs du droit, appels au droit, éditions Bruylant, 2012.)

D’autre part il faut  entrer en résistance en pensant que chaque acteur ne constitue pas toujours un bloc .Il peut avoir des contradictions, des fissures, des fractures. Le problème est de les trouver,  d’agir dessus,  d’y appliquer des leviers pour soulever des montagnes.

 Combien de gouvernements sont fragilisés par des désaccords qui les traversent, combien de multinationales, lorsque certaines de leurs  pratiques sont dévoilées, traversent alors des périodes où des réformes voire des remises en cause peuvent voir le jour.

Parmi les moyens pouvant faire face à des acteurs puissants les recours juridiques peuvent être précieux. Ainsi ceux d’ONG face à des firmes multinationales, ceux de citoyen(ne)s face à leur Etat qui par exemple  n’applique pas l’Accord de Paris, ceux demain d’ONG et de personnes poursuivant tel ou tel décideur, par exemple un chef d’Etat, pour crime écologique contre l’humanité.

  3-  Schémas relatifs  aux morts et aux vies des volontés.

 a-  Les volontés, personnelles et collectives, peuvent être étouffées  ou, au contraire, naissantes.

 (Voir article sur ce blog : « Les volontés politiques »)

Des volontés  ont été sont ou peuvent être étouffées par au moins sept séries de mécanismes. Volontés étouffées par une éducation à la soumission, par une éducation à la compétition, par l’administration des peurs, par l’appel au grand remède miracle, par la fuite en avant, par des oppressions,   par des pratiques de règlement violent des conflits. 

Des volontés sont nées ou peuvent naitre, elles répondent aux logiques qui étouffent des volontés, là aussi  existent sept  séries de contre mécanismes. « Eclore est une fracture, naitre est un effort » écrivait Shakespeare .

Volontés naissantes à travers l’éducation à la résistance, à travers l’éducation à la solidarité,  à travers le principe de non-discrimination,  à travers les apprentissages des responsabilités, à travers la prise de conscience des aspects destructeurs du productivisme, à travers la gestation de libérations, à travers l’apprentissage du règlement non-violent des conflits, 

b-  Les volontés, personnelles et collectives, peuvent être dépassées ou, au contraire, résistantes.

 Les volontés ont été sont ou peuvent se trouver dépassées par au moins six séries de mécanismes. Volontés dépassées par la complexité et la technicité du système productiviste, par un processus de décision compliqué par un grand nombre  de participants à la décision, par la rapidité du  système  mondial,  par la puissance des intérêts productivistes, par l’absence de moyens ou des moyens souvent dérisoires pour remettre en cause le productivisme, par l’arrivée de catastrophes qui peuvent briser, pour un temps plus ou moins long, des volontés.

Face aux logiques qui amènent des volontés à être dépassées, on retrouve des volontés résistantes qui peuvent répondre aux six logiques précédentes par six  séries de contre mécanismes. « La volonté est ce pouvoir de surmonter qui est tout l’homme.» ( Emile  Chartier, dit Alain.)

Volontés résistantes à travers l’apprivoisement de la complexité, le contrôle des techniques, volontés résistantes prenant en compte un nombre important de participants à la décision, volontés résistantes à travers l’élaboration de politiques à long terme, volontés résistantes à travers les regroupements et les actions en commun de divers acteurs, volontés résistantes à travers les capacités de propositions relatives aux moyens de remettre en cause ici et là le productivisme, volontés résistantes à travers une pédagogie des catastrophes répondant non seulement aux urgences mais s’attaquant aux causes de ces catastrophes.

 c- Les volontés, personnelles et collectives, peuvent être essoufflées ou, au contraire, à la recherche de nouveaux  souffles.

  On trouve ici au moins quatre  séries de mécanismes.

Volontés essoufflées par la force de récupération du système productiviste,   par des échecs personnels et collectifs, par le sentiment   d’une petite avancée locale mais d’un statu quo global, ou bien d’une avancée globale qui ne se traduit pas localement, par une érosion, par un épuisement des motivations personnelles et collectives  qui poussaient à agir.

Face aux logiques précédentes on trouve ici au moins quatre séries de contre-mécanismes. « C’est au moment où il n’y a plus d’espoir qu’il faut commencer à espérer. » ( Jacques Ellul).

 Volontés à la recherche de nouveaux souffles à travers des actes et des politiques agissant sur les  faiblesses  et sur les  contradictions du système productiviste. Volontés à la recherche de nouveaux souffles qui consistent à essayer de tirer les leçons des échecs pour déterminer, si nécessaire, de nouvelles stratégies et de nouveaux moyens. Volontés à la recherche de nouveaux souffles en ne surestimant pas mais aussi en sous estimant pas les avancées du « local » et celles du « global », sans oublier leurs interpellations réciproques qui peuvent apparaître tôt ou tard. Volontés à la recherche de nouveaux souffles en cherchant en soi et avec les autres des motivations pour « rallumer la flamme » si elle a tendance à s’éteindre. 

d-D’autres éléments relatifs aux volontés en questions.

 Tous les acteurs ont-ils des chemins (réformes, remises en cause) à parcourir ?

Nous pensons qu’ils  doivent tous mettre au monde des volontés naissantes, résistantes, à la recherche de nouveaux souffles.

Dans cette mise en œuvre des volontés il y a bien sûr des acteurs plus importants ou beaucoup   plus importants  que d’autres. Plus l’acteur   est  puissant et proche du productivisme, plus les réformes et les remises en cause sont nécessaires et difficiles.

Il ne faut  cependant pas sous-estimer les réformes ou les remises en cause  des acteurs plus modestes, par exemple ils peuvent faire preuve d’une imagination très vive qui peut être  reprise par des acteurs plus puissants.

 Les volontés communes  peuvent-elles donner plus de force ?

 Stratégies communes,  alliances, fronts communs,  mises en commun de moyens peuvent être porteurs d’autres possibles. Pour des  rencontres d’ONG, pour des conférences internationales d’Etats il y a là des avancées qui peuvent voir le jour.

Vient un moment où il faut commencer le chemin, ou tracer d’autres chemins, on connait cet autre proverbe : « même un chemin de mille pas commence par un pas. »

Vient un moment où il faut continuer le chemin, « la volonté suit la ligne de la plus grande résistance » disait William James (   psychologue   et philosophe américain).

 Quels sont les  risques  pouvant  accompagner des volontés ?

 D’une façon générale risque et prudence se retrouvent souvent face à face, on bascule d’un côté ou de l’autre, il arrive aussi qu’ils cheminent  côte à côte, on veut être à la fois courageux et prudent.

. Il n’empêche que, dans des moments personnels et collectifs, il  peut arriver que se pose un  retournement plus ou moins important de la question du risque. Au lieu de se demander « qu’est-ce que je risque si je veux intervenir dans telle ou telle situation ? » on est amené à se demander « qu’est-ce que l’Autre (famille, amis, population proche ou lointaine, générations futures…) risque (risques secondaires, importants ou vitaux)  si je ne veux pas être à ses côtés, à leurs côtés ? »

Qu’en est-il des  limites des volontés ?

 Nous avons voulu identifier des obstacles à lever pour que des volontés naissent, résistent, trouvent de nouveaux souffles. Mais, même lorsque des volontés sont en route, la réforme ou la remise en cause n’est pas  complètement sûre, pourquoi ?

Parce que cette analyse  se veut claire dans le choix du type de discours, il y a ceux et celles qui choisiront d’être sur le terrain d’un discours-vérité c’est-à-dire qui n’admet pas du tout le doute, ceux et celles qui choisiront le terrain de la prévision, c’est-à-dire un discours qui se fonde sur des données passées et présentes en les projetant en avant avec telle ou telle évolution, enfin ceux et celles, dont nous serons, qui choisiront une intervention fondée sur la prospective c’est-à-dire un mélange de hasards, de nécessités et de volontés, dans des proportions variables, discours qui admet donc une pluralité de possibles.

Nietzsche  écrivait : « Nous autres nains malins avec nos volontés et nos fins, nous sommes molestés, renversés et souvent piétinés à mort par ces géants imbéciles, les hasards. »(…) « Nous luttons pied à pied avec le géant hasard. »

Il y a donc une certaine pluralité de possibles : des pires, des entre-deux, des meilleurs.

  Même avec nos volontés nous sommes loin de maitriser complètement un changement modeste, (nous le savons dans certains de nos vécus sous différentes formes), à plus forte raison le changement d’un système puissant

Mais ce système a  ses faiblesses et, loin de maitriser lui aussi son avenir, le voilà devenu un géant aux pieds d’argile dans la mesure où ses logiques d’autodestruction sont en marche.

C’est une raison de plus pour unir nos faiblesses, « s’unir ou périr » disait Einstein. Nous voilà peu à peu fraternisés par les périls communs, dans l’obligation de  les surmonter ensemble.

 Et les volontés intergénérationnelles ?

 C’est une force de penser et de rendre un hommage concret  aux volontés des générations qui nous ont précédés, lorsqu’elles ont lutté pour des sociétés démocratiques, justes, écologiques, pacifiques. Une des volontés ici est celle du respect, de la préservation et de mise en valeur du patrimoine culturel et naturel mondial qu’elles nous laissent.

 C’est une force de penser et de rendre un hommage anticipé aux volontés des générations qui vont nous suivre lorsqu’elles lutteront pour une société humainement viable.(Voir les billets sur ce blog « Les générations futures », »La fraternité intergénérationnelle».)

Mais ce sont nos volontés que l’on attend, celles des générations présentes, vivantes. Et  ce sont nos volontés qui nous attendent.

 Remarques terminales. 

1) Le sens de l’abîme.

 Ces vérités sur les causes de la débâcle environnementale sautent aux yeux pourvu qu’on les ouvre.

Elles appellent à des remises en cause massives et radicales qui donnent le vertige.

Le remède miracle n’existe pas, les faux semblants et les remèdes dérisoires  ne feront que laisser la machine infernale multiplier les apocalypses entrant déjà en interactions.

L’optimisme de la volonté il en faut beaucoup, non seulement parce qu’il réduit à la cuisson mais, surtout, parce que le pessimisme de l’intelligence a une réserve redoutable.

 Il trouve de quoi s’alimenter dans l’accélération de ce système productiviste autodestructeur qui a quelque chose d’incontrôlable, un système, diraient même certains, devenu fou et dont nous ne serions plus que les fous d’un fou.

Or il faut du temps, même si des événements tels que des crises ou de grandes crises peuvent accélérer des prises de conscience, des réformes, voire des remises en cause de théories et de pratiques, il faut du temps pour que des idées , des moyens , portés par des volontés aux différents niveaux géographiques, à travers des rapports de forces, voient le jour, grandissent et deviennent de véritables contre-logiques, contre-mécanismes pour construire des sociétés viables.

 Avoir  ce que l’on peut appeler « le sens de l’abime » c’est avoir l’impression profonde de se trouver souvent,

d’ une part, devant la construction difficile de digues fragiles de la protection de l’environnement et de la lutte contre les catastrophes écologiques

et,  d’autre  part, devant l’arrivée, sans cesse renouvelée, de puissants fleuves de  la dégradation de l’environnement et de catastrophes écologiques passées, présentes et très vraisemblablement surtout à venir. 

  2)  Le souffle d’une espérance possible.

Pablo Neruda fait dire à tous les peuples qui sombrent dans les drames, en particulier ceux des dictatures, à tous les peuples martyrs de notre Terre, dans un cri  de douleur terrible, de résistance acharnée et d’espoir fou «Aucune agonie ne nous fera mourir! »

Voilà donc ces moments où il peut ne plus y avoir d’espoir et où, si on en trouve la force, il faut commencer à espérer. Ces moments existent, entre autres, au cœurs  des catastrophes écologiques.

Ainsi voilà des survivants d’une catastrophe environnementale, une personne, une famille, la population d’un Etat, d’une ville, d’une région, qui trouvent des forces au delà de leurs forces et qui arrivent à se remettre debout.

Lorsque, dans nos vies personnelles et/ou collectives, existent la grisaille, les brouillards, les ombres, ou l’obscurité  de certains instants présents, ne pouvons-nous pas essayer-autant que faire se peut ( ?!…) et quelquefois c’est impossible- de les  resituer  dans  la perspective de l’espérance de l’humanité ?

Difficile à exprimer, mais encore plus difficile à  vivre…et, pourtant, ce peut être une  force possible que  celle d’entrer dans cette espérance de l’humanité.

(Voir sur ce blog »L’espérance de l’humanité. », « La fraternité trans générationnelle », »Les générations futures »).

La dégradation de l’environnement est massive, multiforme, rapide. Ses logiques, dans le sillage de l’autodestruction du système productiviste, assassinent le Vivant et la Terre.

La dégradation de l’environnement est massive, multiforme, rapide. Ses logiques terricides et humanicides, dans le sillage de l’autodestruction du système productiviste, assassinent le Vivant et la Terre.

Une « métamorphose de l’humanité » (expression mise au monde en particulier par Edgar Morin)  en appelle à des moyens démocratiques pour des fins démocratiques, à des moyens justes pour des fins justes, à des moyens pacifiques pour des fins pacifiques, à des moyens écologiques pour des fins écologiques. Pourquoi ne pas penser souvent à cette idée  lumineuse, radicale et...  terrible de Gandhi :"La fin est dans les moyens comme l'arbre est dans la semence"?

Avec des responsabilités inexistantes, faibles, moyennes, importantes ou gigantesques selon les personnes et les collectivités, ne pouvons-nous pas très probablement  penser que :

Nous avons reçu de trois générations passées (   1850 à 1945 environ), un environnement pour une part atteint et faisant l’objet de destructions en marche sous les logiques  du productivisme et de l’anthropocène.

Nos trois générations présentes (1945 -2030 environ) ont produit un environnement pour une large part détruit et plongeant dans  des apocalypses écologiques multiformes, massives, en interactions et rapides.

Les  trois générations  qui viennent juste après nous (2030 à 2110 environ) se trouvent donc devant  une question vitale : cette veille de fin des temps peut-elle encore, à travers quelles volontés, quels moyens et surtout quelles marges de manœuvres , se transformer en une forme d'aube d’humanité ?

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