Dans les Alpes, des stations choisissent le ski artificiel !
Bataille à La Clusaz (Haute-Savoie) au bois de la Colombière, destruction des alpages à La Féclaz (Savoie), ces stations jouent le déni climatique autour des retenues de moyenne altitude
Yves le Breton, préfet de la Haute-Savoieautorise,par un arrêté pris le 19 septembre 2022, la construction de la cinquième retenue d'altitude (dite collinaire) au bois de La Colombière sur le plateau de Beauregard à 1 500 m d'altitude. Quatre retenues d'eau destinées à la production de neige artificielle existent déjà pour un volume de 270 000 m3. Les élus estiment que la commune de La Clusaz manquera de 50 000 m3 d'eau potable à l'horizon 2040. Ainsi cette nouvelle retenue d'eau d'un volume de 150 000 m3 est destinée pour ses 2/3 à la fabrication de neige de culture complétant l’enneigement artificiel de 28% à environ 50% des 125 km de pistes du domaine alpin de la station de La Clusaz. et 50 000 m3 (1/3) seraient destinés à la production d'eau potable. Mais l'unité de potabilisation de l'eau n'est pas chiffrée dans l'investissement de plus de 10 millions d'euros...
Les associations La Nouvelle Montagne, Montagne Wilderness France, FNE Aura, FNE France, LPO RA déposent un recours et demandent en référé la suspension des travaux, laissant à la justice le temps de se prononcer sur le fond du dossier. Parallèlement à l'action du collectif, une ZAD se constitue aux abords du bois de la Colombière.
Le 25 octobre 2022. "Une première victoire synonyme de sursis" (La Nouvelle Montagne). Le juge des référés du Tribunal Administratif de Grenoble ordonne la suspension de l'autorisation prise par le préfet de la Haute-Savoie.
La décision du juge des référés en détail: ".../... L’autorisation en litige comprend une autorisation de défrichement. Il est constant queces travaux sont prévus en octobre-novembre 2022 et sont donc imminents.../... En l’état de l’instruction, le moyen tiré de l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur permettant de déroger à l’interdiction de destruction des espèces protégées posée par l’article L. 411-1 du code de l'environnement est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué.../... Dans ces conditions, il y a lieu d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté du 20 septembre 2022". Notre reportage:
Les Jeunes Cluses Engagés. Une partie de la population de La Clusaz a pris partie pour le projet de construction de cette cinquième retenue d'eau de la Colombière. Le collectif des "Jeunes Cluses Engagés" estime que cette retenue est vitale pour l'avenir du village. Ce collectif de jeunes invite aussi des plus vieux comme le 1° adjoint au maire, des restaurateurs bien connus ou le directeur de l'ESF. Des politiques comme Nicolas Rubin, vice-président du conseil départemental de Haute-Savoie, maire de Châtel, co-président de Savoie Mont-Blanc et vice-président du domaine skiable des Portes du Soleil (Les Gets, Châtel, Morzine Avoriaz... 600 km de pistes de ski alpin), communique sur "les belles retenues collinaires" sur le hashtag "laclusazyarrivera". La Compagnie des Alpes (citée plus loin) gestionnaire de nombreux domaines skiables dans les Alpes a des participations financières dans d'autres stations comme Avoriaz (Les Portes du Soleil).
La Clusaz veut se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat. La décision en référé du Tribunal Administratif de Grenoble retarde de plusieurs mois le démarrage des travaux. Le dossier doit maintenant être examiné par les juges sur le fond du dossier. Nos confrères de France3 Alpes ont pu recueillir la réaction de la mairie de la Clusaz: "Cette ordonnance ne préjuge en rien le fond du dossier. C'est une décision provisoire, non définitive et qui ne comporte aucune motivation sur ce qui est reproché au projet".../... "Notre objectif est de trouver un juste équilibre entre le développement économique et le développement durable au bénéfice des habitants qui vivent sur ce territoire. La mairie de La Clusaz va poursuivre le travail en lien avec les services de l'Etat", continue-t-elle. Le maire de La Clusaz, Didier Thévenet, veut former un pourvoi en cassation. La préfecture de la Haute-Savoie, dont l'arrêté a été suspendu par le juge des référés, souligne dans un communiqué de presse que "le projet a été déclaré d'utilité publique après avis favorables du conseil national de la protection de la nature (CNPN), de l'Autorité environnementale, et de la commission d'enquête publique". Si La Clusaz gagne en cassation, le défrichement du bois de La Colombière ne pourrait se faire qu'en octobre-novembre 2023 pour éviter les nidifications avant des travaux au printemps 2024.
Une nouvelle bataille juridique pour les opposants au projet de cinquième retenue d'altitude au plateau de Beauregard. Nous insérons ici une partie du Communiqué de Presse l'association 'La nouvelle Montagne": "Pour la représentation au Conseil d'Etat, nous devrons nécessairement faire appel à un avocat agréé pour cela, et faire appel à ces avocats coûte cher. Ces frais supplémentaires de justice n'étaient malheureusement pas prévus initialement et nous devons augmenter le montant de la cagnotte. Vous nous aiderez beaucoup en partageant le lien autour de vous : https://www.helloasso.com/associations/la-nouvelle-montagne/collectes/on-a-besoin-de-vous. En parallèle, nous attendons toujours le jugement au fond sur l'ensemble des points que nous avons contestés. Ce jugement pourrait intervenir avant l'été 2023, avant un éventuel appel de l'une ou l'autre des parties. Merci à vous, de la part de l'équipe de La Nouvelle Montagne, mais aussi de l'ensemble des associations, collectifs et habitants investis depuis deux ans contre ce projet !
"On vient d'inventer sans le dire une nouvelle activité: le ski artificiel"(France Nature Environnement). Le poids économique de l'industrie du ski serait-il prédominant face au réchauffement climatique ? Plus d'un milliard de CA, neuf milliards dépensés annuellement en station, 120 000 emplois, 10 millions de touristes l'hiver... Les acteurs économiques, stations, promoteurs immobiliers, industriels de la neige, etc, se lancent dans une course en avant et investissent massivement sur une ressource, la neige, qui diminue de plus en plus. Ces "Bédouins de l'or blanc" sont largement soutenus par les acteurs politiques locaux et régionaux. A coups de plans montagne, le président de la région Auvergne Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, entend développer l’enneigement artificiel (30 millions d'euros sur les 100 millions du dernier plan montagne) pour atteindre une artificialisation de 50% des surfaces des domaines skiables en Aura (35% aujourd'hui). Les fédérations nationales et internationales de ski pèsent aussi fortement sur ces choix. Souvent, elles conditionnent la tenue des compétitions à la présence d'usines à neige. Ainsi, des projets d'enneigement artificiel notamment de pistes de biathlon se réalisent et portent atteinte à l'éco-système local, comme à La Féclaz dans Les Bauges en Savoie. Notre reportage:
Retenues collinaires et projets immobiliers. Comme le montre Juliette Fontanel dans son document d'études à Sciences Po Lyon, "laconstruction de l'ignorance" menée par les décideurs politiques et économiques permet de faire passer des projets tels que celui de LaClusaz (74) ou de La Féclaz (73) et bien d'autres en montagne. Le mémoire est inséré en fin de cet article. En effet, malgré une proportion très importante d'avis contraires inscrits dans les enquêtes publiques (70 à 80%); malgré des études environnementales, hydrologiques, agricoles et économiques souvent réduites, les préfets autorisent les travaux en prétextant qu'il n'y a pas d'autres solutions pour maintenir à flot l'économie locale. A regarder de plus près, comme le fait Juliette Fontanel, ces projets d'usine à neige artificielle sont toujours liés à de vastes projets immobiliers. La modification récente du PLU au col de la Croix Fry sur la commune de Manigod limitrophe de la Clusaz (Communauté de Communes des Vallées de Thönes) a permis étonnamment le développement d'un projet immobilier, porté par MGM, proche du projet de retenue.
La nouvelle usine à neige artificielle permettra, à n'en pas douter, le retour station du plateau de Beauregard pour une meilleure attractivité des logements mis à la vente. Le prix des appartements atteint là encore des records: 10 à 14 000 €/m2. Les Cluses de faible ou moyen revenu de peuvent plus se loger sur leur commune.
Dans son mémoire, Juliette Fontanel cite Brigitte (alias Sylvie) membre du collectif Fier-Aravis: « En fait le nerf de la guerre, à chaque fois, c’est l’immobilier. Donc nous (le collectif d'opposants), on est obligé quand même de travailler sur les dossiers pour leur montrer qu'ils sont faux, mais on sait très bien que ce n'est pas ça, l'important ce n'est pas ça. C'est l'immobilier qui est derrière, c'est certain ».
L'industrie du ski transforme nos montagnes en parcs d'attractions. Ainsi on peut souligner le propos tenus par l'actuelle ministre de la Transition Énergétique du gouvernement Macron2, ancienne directrice générale déléguée de la Compagnie des Alpes, Agnès Pannier-Runacher. Celle-ci lors d'une table ronde sur la mutation et l'évolution du modèle économique des stations de ski soutenait que les métiers de gestionnaires des domaines skiables et des parcs d'attraction étaient similaires (in Mountain Planet, et mémoire Juliette Fontanel). La Compagnie des Alpes est gestionnaire de 10 stations (dont La Plagne, Les Arcs, Tignes, Val d'Isère, Méribel...) et 13 parcs de loisirs ou similaire (dont Parc Astérix, Futuroscope, Walibi,...). Son actionnaire principal est la Caisse des Dépôts (organisme public à 39,6% dans la CDA) et diverses banques (Crédit Agricole. Caisse Épargne, Banque Populaire,...). Notre environnement de montagne est donc entre bonnes mains.