Outre les prérogatives attachées à cette fonction stratégique, celui ou celle qui l'occupe figure au protocole de la République en tant que troisième personnage de l'état, ce qui lui confère une visibilité et une dimension symbolique qui attisent les convoitises partisanes.
Etant donné les nouvelles forces parlementaires en présence, divisées en trop grand blocs de tailles comparables, cette élection devrait prendre des allures de bataille rangée, tellement son issue est incertaine.
Dans la configuration classique d'une majorité absolue, le poste revient arithmétiquement au parti majoritaire. A défaut, c'est le jeu des alliances de circonstante, voire programmatiques, qui permet de dégager un consensus autour d'un nom, donc d'un parti, moyennant compensations au sein de l'institution.
Ce fût le cas en 2022, lorsque le consensus se fit sur le nom de Yaël Braun-Pivet, représentant le
parti macroniste, disposant alors d'une majorité relative de 250 députés.
Les compensations précitées concernent les postes clés, tels que les vice-présidences ou les présidences de commissions internes, en particulier la stratégique commission des Finances,
occupée avant la dissolution par le LFI Eric Coquerel, car elle donne accès à la consultation des comptes de la nation.
L'élection au perchoir de jeudi prochain sera déterminante pour la suite de la mandature présidentielle,
car elle va permettre d'évaluer la réelle partition gauche/droite de l'hémicycle, et avec elle la crédibilité
de mise en oeuvre de leurs politiques respectives.
C'est aussi elle qui devrait commander la couleur politique du futur Premier Ministre que nommera
prochainement Emmanuel Macron.
Pour la mandature législative sortante, le parti LR était le faiseur de roi, car ses suffrages, cumulés à ceux des macronistes, suffisaient à atteindre la majorité absolue.
Cette fois-ci, les macronistes ayant perdu une centaine de députés, la donne a changé, et c'est plutôt le RN, troisième force de l'Assemblée Nationale, avec ses cent vingt cinq députés, qui va faire pencher d'un côté
ou de l'autre la balance politique aux différentes élections pour les postes clés.
LFI a annoncé qu'il ne souhaitait attribuer aucun d'entre eux au Rassemblement National, ce qui hypothèque grandement ses chances de virer en tête pour l'élection au perchoir et compromet en outre le scénario de voir advenir un gouvernement de gauche.
Ce positionnement radical interpelle.
En effet, le RN étant institutionnellement légitime et représentant maintenant près d'un quart de l'hémicycle, soit quelque
quarante huit députés de moins que le NFP, pourquoi ne serait-il pas légitime à occuper l'un des postes clés de l'Assemblée Nationale ?
Il ne s'agit pas là de compromission, mais du respect des règles démocratiques, par ailleurs allègrement bafouées par Emmanuel Macron.
La compromission consisterait, comme l'a fait sans vergogne la macronie en 2022, d'accorder plusieurs vice-présidences au RN, alors qu'il ne comptait alors que quatre vingt neuf députés.
Valider un raisonnement inverse serait compréhensible si le RN avait été interdit comme parti politique et
n'avait donc pas été autorisé à présenter des candidats sous cette étiquette aux élections législatives.
Ce n'est pas le cas.
Et tant que la preuve, juridiquement validée, n'aura pas été faite qu'il se situe en dehors du champ démocratique, l'Assemblée Nationale n'aura d'autres choix que lui attribuer les mêmes droits que les autres partis politiques présents dans l'hémicycle, en tenant compte de surcroit de son poids politique.
Le positionnement de LFI, dans la foulée de la difficulté du NFP à s'accorder sur le nom d'un potentiel futur Premier Ministre de gauche, est inquiétant car il obscurcit les perspectives de voir advenir à court terme une véritable politique de gauche alternative dans notre pays.