Nous sommes alors dans les dernières années du mandat présidentiel
du socialiste François Hollande (2012-2017), converti pour l'occasion à
la social-démocratie de centre droit.
A un point tel qu'il ne sera pas en mesure de se représenter pour un second
mandat, tant le coup de barre à droite à fait de mécontents dans le peuple
de gauche.
Un électrochoc s'impose alors dans ce camp politique.
Il prendra la forme de frondeurs, au sein du Parti Socialiste, lesquels
préconisent un retour aux valeurs de leur famille politique, mais sans pour
autant remettre en question sa logique néo-libérale.
C'est au cours de cette période chaotique pour la gauche que Jean-Luc
Mélenchon, déjà initiateur du Parti de gauche en 2009, décide d'amplifier
la polarisation politique en militant pour que les préoccupations sociales
prennent le dessus sur les forces du capital.
Il crée donc un nouveau parti politique, et pour marquer durablement les
esprits, il introduit un marqueur des plus explicites dans le nom de ce parti,
qui deviendra La France insoumise (LFI).
Après deux décennies de dérive droitière de la gauche, initiée insidieusement
sous le second septennat de François Mitterand (1989-1995), prolongée par
Lionel Jospin (de 1997 à 2002), Premier Ministre socialiste en cohabitation
avec Jacques Chirac, Président de la République de droite, et pour finir François
Hollande, Jean-Luc Mélenchon impose à grand bruit un parti politique en totale
rupture avec cette séquence délétère.
L'homme a une très forte personnalité.
Il est brillant et bruyant, excellent orateur, excessif, caricatural voire ambigü parfois.
Ses "meeting" de campagne sont de véritables "show" qui attirent la foule venant,
à défaut d'une éventuelle adhésion, écouter le tribun.
Il s'entoure progressivement de talents qui viennent renforcer sa ligne idéologique.
La radicalité de cette ligne impressionne autant qu'elle effraie.
Ce qui ne l'empêche pas de réaliser de bons résultats électoraux aux élections
présidentielles et législatives de 2017 et 2022.
Les noms et les têtes des cadres de LFI deviennent familiers media, ce qui contribue
progressivement à sa notoriété.
Mais dans les esprits, le parti reste longtemps assimilé à son seul chef, même
si de nombreuses autres personnalités émergent, puis s'imposent (François Rufin,
Clémentine Autain, Eric Coquerel, Raquel Garigo, Manuel Bompard,...).
Etant donné son positionnement politique, seul grand parti à remettre en cause les
ordres économique et social établis, ses prises de position sont constamment
vilipendées, notamment à l'Assemblée Nationale qui devient le siège de toutes le
outrances, souvent alimentées par LFI.
Pour tenter de faire bouger les lignes politiques, LFI surjoue en permanence la
provocation. Pari plutôt réussi si l'on se fie au nombre d'interventions médiatiques
y faisant référence.
Cependant, cette stratégie de combat, qui a été nécessaire pour imposer un parti
de gauche radicale sur la scène politique et gagner les premiers grands défis électoraux,
divise maintenant en interne.
Les tenants du statu quo de la ligne dure sont emmenés par Jean-Luc Mélenchon,
lequel a choisi en 2022 de ne pas se représenter à la députation.
Bien que sans mandat électif, c'est pourtant toujours lui qui détient les clés du parti,
de façon plutôt autoritaire et clivante, à l'image de sa personnalité.
A l'opposé, une poignée de cadres, tels que François Rufin, Clémentine Autain, Alexie
Corbières ou Raquel Garido militent pour une stratégie d'ouverture.
Sur le fond, en recherchant des convergences avec les partis de gauche, y compris
l'aile progressiste du Parti Socialiste d'Olivier Faure, sans pour autant transiger sur
l'essentiel de son positionnement.
Sur la forme également, en instaurant des comportements plus apaisées dans les
relations des députés LFI aux autres partis de l'hémicycle, ou en instaurant une
communication médiatique moins clivante ou ambigüe, essentiellement attribuable
à Jean-Luc Mélenchon.
Encore aujourd'hui, les arbitrages internes portant sur des thématiques qui engagent
l'image du parti sont gagnés par Jean-Luc Mélenchon et son aile dure, à l'image de
l'investiture controversée d'Adrien Quatennens aux élections législatives anticipées
prochaines (Front Populaire), ou au contraire à la purge interne concernant la non
investiture de certains des tenants de la ligne progressiste.
Il apparait donc que, bien que n'étant plus directement impliqué dans la vie politique
représentative, l'ombre de Jean-Luc Mélenchon porte toujours sur LFI, avec un fort
impact sur la fluidité des rapports internes et sur l'image du parti dans l'opinion
publique.
Le parti semble aujourd'hui mûr pour entamer une mutation susceptible d'élargir
durablement sa base électorale, dans un contexte où sa communication externe
(au sens large du terme), perçue à juste titre comme rugueuse et clivante, dissuade
encore beaucoup d'électeurs à franchir de pas d'une adhésion à ses valeurs.
L'époque a évolué, la parti est structuré, les cadres internes sont formés et largement
connus maintenant du grand public, les électeurs profondément ancrés à gauche mais
encore réticents à se tourner vers LFI guettent les signaux d'une évolution vers moins
de conflictualité.
Le temps semble donc venu de s'affranchir de la présence devenue encombrante
de son leader historique.
Le plus dur étant de parvenir à le convaincre que, bien qu'il soit à l'initiative de la
création du parti et que sa présence charismatique a été indispensable à l'avènement
d'une gauche radicale qui pèse aujourd'hui sur la vie politique, le temps est sans doute
venu de permettre à LFI de s'envoler.
Cette analyse étant confortée par l'actualité du Front Populaire pour qui une hypothétique
désignation de Jean-Luc Mélenchon en tant que Premier Ministre d'un gouvernement de
cohabitation, en cas de victoire aux élections législatives, est très fortement improbable.