1990, Gérard Férey déboule dans mon bureau et me demande si j’ai lu cet article de la revue "Journal of Solid State Chemistry" qui vient de paraître et qui concerne la détermination structurale du composé AlPO4-CJ2 (&).
Non, je ne l’ai pas encore lu… Il est très excité et me dit qu’il y a là un nouveau domaine qu’il faut qu’il explore, celui des microporeux. Il pense déjà qu’il va devoir consacrer toute son énergie à ce sujet de recherche extrêmement prometteur. Pourtant, il a 49 ans. Je le regarde sans vraiment comprendre. Mais c’est vrai, il met une partie de son équipe au boulot. Principalement Didier Riou et Thierry Loiseau, cristallochimistes. En quelques années, une série d’alumino- et gallophosphates (etc) sont synthétisés par des voies similaires à AlPO4-CJ2, et caractérisés cristallographiquement. Ce premier composé est lui-même re-synthétisé et sa structure cristalline revisitée et publiée en 1993. Ces premiers microporeux seront nommés ULM-n, ULM pour Université Le Mans. Férey quitte Le Mans avec Riou et Loiseau pour Versailles. Il fonde l’institut Lavoisier en 1996. L’aventure continue. Christian Serre intègre le groupe, avec d’autres. Le nom de la série de microporeux change pour MIL-n (Matériau de l‘Institut Lavoisier). Les articles scientifiques se multiplient, n grimpe à plus de 100, le nombre de citations de ces articles par d’autres chercheurs dans le monde explose littéralement dans les années 2000. En 2010, Férey est médaille d’or CNRS principalement pour ces travaux. Il décède le 19 août 2017. L’article (*) du journal Le Monde concernant sa disparition précise qu’il était un des rares français nobélisables.
Après tout, les auteurs (L. Yu, W. Pang et L. Li †) de cet article originel peu cité sur AlPO4-CJ2 méritent bien de savoir qu’ils ont été le déclic rendant possible cette aventure extraordinaire.