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Billet de blog 8 février 2015

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Patrice Woolley, un nouveau maitre de l'angoisse avec "Cirq"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bonjour Patrice Woolley,

Vous venez de publier Cirq qui est un vrai polar qui transporte le lecteur jusqu’au bout de la nuit… tous les ingrédients sont là pour oublier le temps et l’espace et finir par échouer dans un monde, monde d’un flic, d’une enquête… un art rare qui met dans le bain dès les premières pages… un parti pris de l’auteur ?

Le seul parti pris de l’auteur, c’est de prendre le lecteur par la main et de l’emmener découvrir l’histoire presque en même temps que moi. Je ne sais pratiquement jamais ou je vais quand j’écris, je me contente de faire vivre les personnages, de les suivre et de rapporter leurs faits et gestes. Je suis plus un conteur  qu’un écrivain. Mais j’aime entrer très vite dans l’histoire, je n’aime pas quand ça traine, je ne veux pas perdre le fil, même si parfois, je prends le temps de poser des ambiances.

Le héros est une vrai nature… un vrai caractère… on retrouve ce genre de personnalité affinée comme le bon vin au fil des drames d’une vie, des méandres du quotidien… un héros attachant, fort et in fine, comment construit on cette belle carapace qui touchera le lecteur, l’imprègnera jusqu’au bout du roman ?

J’ai fait 15 ans de théâtre, je pense que j’en fais aussi en écrivant. Je passe d’un personnage à l’autre, à chaque fois, ou presque ; j’essaie de me mettre dans leurs peaux, de comprendre et de savoir comment ils réagiraient  devant telle ou telle situation. Dans ce roman, bien sûr, je suis plus Tony que Clown… il y a un peu de moi dans chaque personnage, mais avec le recul c’est Tony qui me ressemble le plus, une version fantasmé de ce que j’aimerais peut-être être…

Il y a un deuxième héros dans votre roman… le « Cirq »… tout l’art est d’avoir mis une vraie présence, angoissante à un lieu habituellement de rêve pour chacun d’entre nous ? On commence par ces roulottes… on pénètre dans le lieu… on y rentre par petite touche successives menant l’angoisse jusqu’à des scènes terrifiantes de réalité… quel est cette dynamique qui vous a conduit à choisir ce lieu particulier, le peindre avec cette âme si forte et comment trouver ce lien d’écriture avec le lecteur pour le conduire jusqu’au bout du bout de l’ouvrage avec cette intensité si puissante ?

Je suis avant tout un homme d’images. Ma première passion est le dessin, la BD. Et je pense que quand on sait dessiner, on sait écrire. Je pars pour pratiquement tous mes romans, soit d’une image, sois d’un mot. Mon cerveau, ma culture, mon imaginaire fait le reste, avec plus ou moins de bonheur… pour Cirq, c’est ma « vengeance » d’enfant. Enfant, j’avais peur des clowns, comme des pères noël. Et comme j’ai un côté mi provocateur, mi transgressif,  j’ai voulu faire d’un lieu de « plaisirs », un lieu d’angoisse… n’importe quel lieu peut se transformer en lieu d’angoisse, même le bureau d’une secrétaire comptable, il suffit de trouver l’idée, l’angle qui va transformer un endroit anodin en lieu anxiogène. Après au niveau du lien d’écriture, je pense que mes personnages me guident. J’ai souvent l’impression que ce sont eux  qui décident de ce que j’écris. Je me laisse des portes ouvertes, je ne condamne aucune voies, ni fin…

Pour vous, le Cirq, et ce flic… cette mise en place de l’ouvrage qui met le lecteur dans la tête du flic… encore une fois, un style féroce, des scènes angoissantes… une puissance de l’écrit à chaque page…. Que pense donc Woolley qui a mis ses tripes dans cet ouvrage concernant ces lignes si captivantes pour le lecteur… avis de l’écrivain… sur ces choix, ses désirs de style ?

Je n’ai pas de recul sur ce que je fais. Je vis l’instant, l’écriture, mais quand je relis, je n’ai pas d’émotion particulière ; c’est même assez frustrant. Tout ce dont je suis capable à la relecture, c’est de savoir si ça fonctionne ou pas, si ça s’articule bien. Après, je sais que tout ce que je fais, pratiquement tout et quelque que soit le média, c’est quelque chose de décalé sur la réalité, une forme d’onirisme qui s’invite dans le réel. Ça, je n’y peux rien, je ne le contrôle pas. J’écris une histoire et hop, l’onirisme s’invite. Je pense que c’est parce que la réalité du monde m’emmerde, depuis tout jeune… et je m’attaque, sans projet de carrière (hou, le vilain mot !) à tous les styles à partir du moment où l’idée s’invite en moi… de l’amour, du gore, du policier, du conte fantastique, de l’humour, de l’essai philosophique… je ne vois pas tant de différence, ce ne sont que des histoires que l’on pourrait raconter au coin du feu… je suis un griot africain qui s’ignore, ou plutôt, le seul griot monégasque !...

L’ensemble de Cirq se décompose comme un vrai film qui intéresserait outre-Atlantique… des projets d’adaptations ?

C’est normal, quand j’écris, je vois le film qui défile dans ma tête ; je suis un homme d’images, je ne peux y échapper, même si paradoxalement je me mets plus à nu dans mes romans que dans mes images proprement dîtes. Des projets d’adaptation, non, mais si quelqu’un s’y intéresse, j’y suis ouvert et favorable. L’idéal serait que je puisse le réaliser où au moins jouer dedans (jouer la comédie me manque). J’ai toujours pensé qu’un roman devait être adapté de la même façon qu’une pièce de théâtre : avec ouverture d’esprit. Je ne vois pas l’intérêt de coller à la ligne au roman.  Prenez La Mouette de Tchekhov (que j’ai joué -Trigorine-), vous passez le texte à 10 troupes de théâtres différentes et vous obtenez 10 pièces différentes ! La même chose s’applique à un roman. J’aimerais beaucoup voir la vision de Cirq par un réalisateur qui a lui aussi un univers. Mon pote Kounen en ferait quelque chose de superbe, je le sais… Jan, si tu me lis… C’est ça, l’art, des passerelles, des échanges, des confrontations…

Des projets ? Je crois que vous en avez mille… Des projets d’écritures, des écrits déjà publiés et méritant d’autres lumières, des créations multi-artistiques… dites-nous tout…

Tout ? Jamais !... plus sérieusement, je repars à la recherche d’un éditeur pour La Dame des Brumes, roman précédemment publié chez un éditeur qui a, hélas, cessé son activité. J’ai toujours en roman, le démarchage d’Anaphès Phusis, de L’ange de Sable, et là je viens de finir YSADRIAN, mon « 50 nuances de Grey » à moi ; où je me suis mis avec beaucoup de plaisir et de curiosité à la place d’une femme pour l’écrire. Sinon, j’ai 2 BD à finir, Doogie Blood (BD apocalyptique), et Frankenstein d’après Mary Shelley. J’ai aussi un projet d’exposition de mes W.A.C (travail sur la rouille) et de mes Nu(s)mériques (Nus photographiques oniriques), et avec le collectif d’artistes Sarasvati, d’autres expos de prévues… mais mon grand projet du moment, c’est la réalisation d’un film sur le dernier jour de la guerre 14-18, là aussi, onirique : Un Coquelicot au Paradis. L’idéal serait de le sortir en  2018, année des 100 ans de l’armistice… c’est un projet que j’avais mis entre parenthèse à cause d’un projet de Nuit Blanche Monégasque sur laquelle j’ai travaillé pratiquement un an et demi. J’ai laissé tomber. Quand je me heurte à des égos mal placés et à des incompétences profondes, je lâche l’affaire. Les politiques ne devraient jamais se mêler d’artistique et j’arrive à un âge ou je ne veux plus perdre de temps… je reprends donc mes projets personnels et purement artistiques avec un grand bonheur !  Et ils sont nombreux…

(Editions Ex Aequo, Cirq)

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