L’un des moments les plus forts que nous ayons eus à vivre récemment avec Y. Comenge, c’est la rencontre avec Richard Martin et Michael Lonsdale. Tout d’abord, nous avions pu interviewer ce duo à l’Hôtel Raphael à Paris. Très vite, après quelques échanges, nous avions parlé de fraternité et de la force de l’humanisme qu’on retrouve dans la pièce « Job ou l’errance du Juste ». N’ayant pas vu la représentation, nous avions été surpris de voir Richard Martin venir discuter de détail du texte pour revenir à la globalité d’un destin humain… en passant par le sort des indignés, par la difficulté croissante des hommes à vivre la crise… le texte de Job ou l’errance du Juste était modernité malgré son inspiration biblique… Pour reprendre les mots lâchés ce jour-là, ce texte atteignait une sorte de « surdimension ». Tout en effet transcendait le destin de chacun, tout parlait à cet inconscient collectif qui traverse les générations pour nous tenailler face à nous même. Mais, rien ne présageait qu’on pourrait revivre un moment d’une grande émotion lors de la représentation.
Nous étions dans les premiers rangs face à la scène. Là, Richard Martin stoïque face à son destin de Job vit un Lonsdale se transfigurer au travers d’un murmure divin. Pendant plus d’une heure, Job alors se redresse. Et ce dieu lointain, assis sur un trône symbolique se laisse attendrir. Face à la cruauté de son destin, Job s’ouvre à dieu… Et dieu se met à écouter le pauvre homme pris dans sa vie terrifiante.
La grandeur de cette interprétation est venue de ces deux acteurs, tous les deux complices, fraternels et forts. Martin avec son charisme et Lonsdale avec la simplicité des grands. Tout dans cette pièce se décline autour d’un Job détruit par le sort et d’un dieu qui viendra lui redonner ce qu’il a perdu… mais surtout, les deux acteurs sont une symbiose totale. Une osmose réelle qui permettait de galvaniser l’émotion du texte, la force des destins et l’extrême beauté du jeu de réalisation.
Oui, entre ce moment à l’Hôtel Régina et cette interprétation d’un soir, on a eu l’impression que le temps s’était à deux reprises arrêté. Qu’il y avait eu des instants qui touchaient au vrai, au sublime. Avec des accents fraternels pour le premier et profondément humains pour l’autre…
Par Helene Loublier