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Billet de blog 14 octobre 2017

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Une clef maçonnique

Morphologie du conte de Propp, une clef pour piger les rituels... ;)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Morphologie du conte est un essai de narratologie de Vladimir Propp paru en 1928 à Léningrad.

Les fonctions narratives

Afin de déterminer une typologie des structures narratives, Propp étudie plus d'une centaine de contes russes traditionnels, en en retranchant tout ce qu'il juge secondaire : le ton, l'ambiance, les détails décoratifs, les récits parasites, pour n'en garder que les unités narratives de base qu'il appelle « fonctions ». Les fonctions des personnages sont peu nombreuses alors que les personnages eux-mêmes sont extrêmement variés.

Définition : « Par fonction, nous entendons l’action d’un personnage, définie du point de vue de sa signification dans le déroulement de l’intrigue » (1970, p. 31). Ainsi, la fonction du Don (fonction 14) peut se manifester quand le Roi donne au héros un aigle qui l'emporte dans un autre lieu, ou quand le grand-père donne un cheval à un jeune homme et que celui-ci s'en va au loin. Dans les deux cas, on trouve une même action, le don d'un objet, qui a pour effet d'entraîner un déplacement du héros dans un autre lieu.

À la suite d'une rigoureuse analyse, Propp arrive à la conclusion qu'il n'y a que 31 fonctions dans le conte traditionnel russe et que celles-ci couvrent tout l'éventail des actions significatives à l'intérieur des contes. Bien qu'elles ne soient pas toutes présentes dans tous les récits, tous les contes analysés présentent ces fonctions selon une séquence invariante :

  1. Éloignement ou Absence
  2. Interdiction
  3. Transgression de l'interdit
  4. Interrogation (du vilain par le héros / du héros par le vilain)
  5. Information (sur le héros / le vilain)
  6. Tentative de tromperie
  7. Le héros se laisse tromper
  8. Le vilain réussit son forfait (séquestrer, faire disparaître un proche du Roi ou du héros)
  9. Demande est faite au héros de réparer le forfait
  10. Acceptation de la mission par le héros
  11. Départ du héros
  12. Mise à l'épreuve du héros par un donateur
  13. Le héros passe l'épreuve
  14. Don : le héros est en possession d'un pouvoir magique
  15. Arrivée du héros à l'endroit de sa mission
  16. Combat du héros et du vilain
  17. Le héros reçoit une marque (blessure, anneau, foulard)
  18. Défaite du vilain
  19. Résolution du forfait initial
  20. Retour du héros
  21. Le héros est poursuivi
  22. Le héros échappe aux obstacles
  23. Arrivée incognito du héros
  24. Un faux héros/vilain réclame la récompense
  25. Épreuve de reconnaissance du héros
  26. Réussite du héros
  27. Le héros est reconnu grâce à sa marque
  28. Le faux héros/vilain est découvert
  29. Le héros est transfiguré
  30. Le vilain est puni
  31. Le héros épouse la princesse / monte sur le trône

Les séquences

Ces fonctions sont généralement organisées en séquences. Une séquence en narratologie est une combinaison de plusieurs fonctions ou ce que Propp qualifie, dans Morphologie du conte, d'« atomes narratifs ».

Propp distingue ainsi :

  • une séquence préparatoire : fonctions 1 à 7
  • une première séquence : fonctions 8 - 18
  • une deuxième séquence : fonctions 19 - 31

Les personnages

Enfin, Propp montre que certaines fonctions peuvent être accomplies seulement par une certaine catégorie de personnage et jamais par une autre, chacun ayant une sphère d'action spécifique. Au total, il détermine que l'ensemble des fonctions se répartissent entre sept catégories de personnages abstraits :

  1. l'Agresseur ou le méchant : qui produit le méfait ;
  2. le Donateur : qui confie l'auxiliaire magique (symbolique ou matériel) ;
  3. l’Auxiliaire : qui peut être
    1. Universel et accomplit toutes les fonctions (cheval) ;
    2. Partiel, qui accomplit plusieurs fonctions (la fée, le génie du conte oriental, l'anneau magique) ;
    3. Spécifique, qui accomplit une seule fonction (l'épée, le violon qui joue tout seul, etc.)3
  4. la Princesse ou son Père (l'Objet de la quête) : qui mobilise le héros ;
  5. le Mandateur : qui mandate le héros et désigne l'objet de la quête ;
  6. le Héros (ou l’héroïne) ;
  7. le Faux Héros : quelqu'un qui fait valoir des prétentions mensongères à la victoire (il essaie de se faire passer pour le héros, alors que celui-ci n'est pas encore revenu de sa quête)4

Il délimite ensuite la sphère d’action de chacun d'eux, c’est-à-dire l’ensemble des fonctions qui s'y rapporte :

  1. la sphère d’action de l'agresseur ;
  2. la sphère d’action du donateur ;
  3. la sphère d’action de l’auxiliaire ;
  4. la sphère d’action de la princesse ;
  5. la sphère d’action du mandateur ;
  6. la sphère d’action du héros ;
  7. la sphère d’action du faux-héros.

Propp peut dès lors donner du conte merveilleux la définition suivante: « ... du point de vue morphologique, tout développement partant d’un méfait ou d’un manque, et passant par toutes les fonctions intermédiaires pour aboutir au mariage ou à d’autres fonctions utilisées comme dénouement. »

Impact et transformation du modèle

Découvert par le structuralisme au début des années 1960, le modèle de Propp aura une énorme influence sur les recherches en narratologie. Comme le note Ricœur, en détachant dimension temporelle et intrigue, Propp a ouvert la voie à l'analyse structurale du conte5.

Algirdas Julien Greimas et J. Courtés reprennent les conclusions de la narratologie de Propp dans le cadre de leur sémantique structurale et ramènent les fonctions de 7 à 6, distribuées en 3 paires d'actants :

  1. première paire : le sujet et l'objet (le héros ou l'héroïne et l'objet de sa quête, dit objet de valeur)
  2. deuxième paire : l'adjuvant et l'opposant (qui aide ou qui contrarie la quête)
  3. troisième paire : le mandateur ou émetteur et le judicateur ou destinataire (qui définit et qui sanctionne la quête ou en bénéficie).

Sur cette base, Greimas et Courtés construisent une théorie originale dite de l'« École sémiotique de Paris » (voir notamment François Rastier, Jean-Claude Coquet, Jacques GeninascaJacques Fontanille, Ivan Darrault-Harris), dans la lignée de la sémiologie de Saussure et de Hjelmslev. Pour cette école, tout ce qui a du sens dans l'existence humaine dépend d'un schéma narratif génératif du sens6.

Certains critiques, toutefois, tels Claude Bremond et Thomas Pavel, remettent en cause la méthode d'analyse utilisée, et donc le résultat obtenu, qui ne s'appliquerait guère qu'à un seul type de conte.

Il n'en reste pas moins que « l'entreprise proppienne demeurera fondatrice en narratologie par le questionnement nouveau auquel elle a soumis le récit. C'est elle qui a mis au jour les deux plans constitutifs du récit : celui des structures de surface et celui des structures profondes. Désormais, on ne lira plus les récits de la même façon. Loin de voir dans le conte une distraction tout juste bonne pour des enfants, le lecteur se met maintenant à y chercher des "étages" (Barthes, 1966) susceptibles de faire apercevoir des rapports et des effets de sens nouveaux7 »

En fait, le travail de Propp sur la structure du conte ne représentait qu'une étape de sa réflexion, et pas la plus essentielle à ses yeux : ce qui l'intéressait était de montrer ensuite que les contes merveilleux sont une survivance de rites archaïques (voir Les Racines historiques du conte merveilleux, son deuxième ouvrage).

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