2010 avait été proclamée par la résolution 64/134 de l’ONU « Année Internationale de la Jeunesse » : la résolution affirmait notamment la nécessité de « diffuser parmi les jeunes gens les idéaux de paix, de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que les idéaux de solidarité et de dévouement pour les objectifs de progrès et de développement ». L’ambition de cette proclamation, qui faisait signe à la résolution 2037 (XX) du 7 décembre 1965 pour la « promotion parmi la jeunesse des idéaux de paix, de respect mutuel et de compréhension entre les peuples », est immense : elle vise la promotion d’idéaux indiscutable sur lesquels un véritable consensus est aujourd’hui obtenu dans la plupart des pays du monde. Ces valeurs, l’ONU se doit à la fois de les promouvoir et de les soutenir avec toute la force dont elle peut faire preuve ; et pourtant, un soupçon d’ utopisme, ou tout le moins d’idéalisme, peut peser sur de telles déclarations, surtout lorsqu’on en voit si peu les effets concrets, les effets visibles, efficaces, sur notre vie en commun. Ce soupçon pèse généralement sur toute « déclaration », toute parole, aussi animée par de bonnes intentions qu’elle soit, et il est parfaitement légitime d’exiger de cette parole des gages de réalisme.
Marouane Bouloudhnine, président du think tank MOSAÏC, est l’homme de cette exigence. Fédération laïque française fondée en 2007 en région PACA et officiellement née à l’échelle nationale en 2009, MOSAÏC rassemble les citoyens français de sensibilité musulmane dans un cadre laïque et républicain dans un effort toujours soutenu de lutter concrètement contre toutes les formes de communautarisme au nom d’une laïcité soucieuse des aspiration de tous les citoyens. Mais les mots n’ont de sens, pour ce think tank, que dans la mesure où ce sont les actes qui les gouvernent : ainsi a-t-il voulu que l’ »Année Internationale de la Jeunesse » soit incarnée par une initiative à l’envergure considérable, et axée sur une problématique bien spécifique : la question du vote des jeunes. Mais au lieu de laisser cette question entre les mains des sociologues ou autres experts, si utiles qu’ils soient par ailleurs, MOSAÏC parcourt, depuis le 30 avril 2011, 15 grandes villes françaises et leurs banlieues à bord d’un bus aux couleurs de l’événement afin d’inviter les jeunes à s’approprier leur place dans la décision politique qui concerne leur avenir, à l’occasion de rencontres et de débats. Cette démarche unique, à l’impact et à la ténacité indiscutables, a particulièrement séduit l’Institut Robert Schuman pour l’Europe, OING dotée du statut participatif au Conseil de l’Europe, attaché depuis 30 ans à la participation de la société civile dans les débats qui concernent son avenir, sans que souvent elle en ait conscience comme il faudrait : c’est pourquoi l’IRSE est partenaire d’un tel acte citoyen, libre et responsable.
Cette initiative porte le beau nom de « La Flamme citoyenne : je vote donc je suis ». Elle vise à rétablir le sentiment d’appartenance de la jeunesse au corps de la nation : or ce sentiment, et c’est pour nous une évidence, ne peut que se trouver renforcé par une démarche qui incite les jeunes, sur le terrain, à prendre en main leur avenir en concourant à l’élection des hommes et des femmes qui aspirent à les représenter : le vote, ce geste absolument citoyen de déposer dans l’urne le bulletin du choix. – le vote, pouvoir insigne et formidable qui n’est jamais surestimé quant à son importance. Voilà le pragmatisme appelé par nos vœux, - voilà l’illustration pratique, concrète, d’idéaux magnifiques que l’ »Année Internationale de la Jeunesse » mettait en exergue.
Mais que pourrait valoir une telle initiative si elle n’avait lieu que dans un sens, celui des votants, les jeunes, sans considération pour ceux qui sont élus ? L’un des objectifs primordiaux de la « Flamme citoyenne » vise à sensibiliser les élus sur le potentiel électoral considérable que représente la jeune génération, sur l’importance de se mettre véritablement à leur écoute, sans omettre l’urgence d’apporter des solutions concrètes aptes à améliorer leur situation et à apaiser leur inquiétude quant à l’avenir, sombre de toutes les incertitudes et de toutes les précarités. C’est pourquoi la « Flamme citoyenne » donne aussi la parole aux élus, hommes et femmes responsables qui partent à la rencontre du jeune électorat et à l’écoute de leurs aspirations telles qu’elles s’expriment, spontanément ou de manière plus élaborée, lors des rencontres et des débats. Mais c’est aussi la raison pour laquelle MOSAÏC, forte du soutien des délégations permanentes de la France à l’ONU et à l’UNESCO, soutenue par des parrains prestigieux comme Rama Yade et Gérard Araud, ainsi que par tous ses partenaires comme l’Institut Robert Schuman, organise une cérémonie de clôture solennelle sous l’Arc de Triomphe le Samedi 24 septembre 2011 à 18h à Paris, en présence des grands médias et de 1500 jeunes venus de toute la France, parmi ceux qui ont pris la parole. Un défilé aura lieu sur l’avenue des Champs Elysées jusqu’à l’Arc de Tromphe où la Flamme du soldat inconnu sera ravivée en présence du général Cuche ainsi que de nombreuses personnalités du monde politique.
Il faut selon nous au moins un tel événement pour donner une impulsion décisive au jeune électorat avant des élections présidentielles qui verront s’affronter deux termes vraiment différents de l’alternative politique. A l’heure de la poursuite sous différentes formes d’une crise économique sans précédent depuis 1929 dont les conséquences touchent en priorité les jeunes, dans un marché de l’emploi frileux et hésitant quant aux premières embauches, à l’heure d’une crise identitaire et communautaire fondamentale qui voit s’affronter, au lieu d’idées constructives et progressistes, des groupes ethniques, religieux, idéologiques, et qui diffuse parmi les jeunes les plus défavorisés le poison du ressentiment et de la vengeance, une telle initiative, fondée surtout sur des principes d’action fermement établis et assumés, permet de resituer le débat, non pas sur des idéologies stériles et polémiques, mais sur une lecture pragmatique de la situation économique, sociale et culturelle de la jeunesse et sur sa participation non seulement souhaitée mais aussi réalisée au débat public. Car si les idées mènent le monde, l’action leur donne corps et chair, et cette incarnation par l’incitation concrète à la participation redonne espoir dans une époque où la sinistrose l’emporte le plus souvent sur les projets et les enthousiasmes. La jeunesse n’a pas besoin de tribunes d’experts animés par de bons sentiments et de nobles intentions qui soulèvent les problèmes sans se soucier de les résoudre. Nous croyons, au contraire, que l’incitation à la petite action citoyenne, multipliée par le nombre de jeunes responsables et conscients des enjeux, incitation modeste, certes, mais riche de toutes les promesses, - nous croyons qu’une telle incitation redonne à la politique une fraîcheur et une présence au cœur de la société civile dont elle a plus que jamais besoin. Le sentiment de distance entre elle et le peuple, et a fortiori entre elle et la jeunesse, est aujourd’hui si grand, qu’il ne faut pas craindre l’humilité : un bus parcourant la France – cela peut sembler une goutte d’eau dans la mer de la citoyenneté ; et pourtant, cette initiative, dont la clôture, grandiose et symbolique, donnera le ton et l’ambition, constitue une des démarches citoyennes les plus prometteuses et les plus enthousiasmantes de ces dernières années. La réconciliation de la jeunesse avec ses représentants passe par le recouvrement par la jeunesse de ses droits, dont le tout premier, et le plus essentiel, se nomme : droit de vote. Convertir ce droit en devoir décidé et assumé par la jeunesse est la plus haute des promesses. Puisse-t-elle trouver la résonance qu’elle mérite ! C’est en tout cas notre vœu le plus cher.
Florence Gabay , vice-présidente déléguée générale pour la culture et le mécénat de l’Institut Robert Schuman pour l’Europe,
Maurice Rieutord, Délégué Général de l’Institut Robert Schuman pour l’Europe