Isabelle Duquesnoy sort un récit nouveau et plein de sincérité : "Franc-maçonne : journal insolent d'une femme dans le secret des loges". Voici une discussion avec cet écrivain célèbre.
Bonjour,
Bonjour !
Vous avez publié beaucoup d’ouvrages à succès. Aujourd’hui vous venez avec un ouvrage plus surprenant « Franc-maçonne, Journal insolent d’une femme dans le secret des loges ». Une sorte de pas vers la lumière et également une démarche de sincérité ?
La sincérité est une condition indispensable dans toute démarche spirituelle, comme elle l’est dans l’exercice de l’écriture. Le pas vers la lumière, je l’ai franchi voilà plus de 10 ans, et j’avoue avoir cheminé en claudiquant ; de nature insoumise et rebelle aux contraintes inexpliquées, j’ai eu du mal à accepter les consignes que je trouvais discutable. J’ai très mal vécu, par exemple, le port de la robe qui uniformise et gomme nos silhouettes, alors qu’on m’expliquait que nos différences étaient une richesse. En apprentie pleine de certitudes, j’ai commencé par ruer dans les brancards !
Ce livre, Franc-maçonne, Journal insolent, a fait déjà du bruit alors que l’ouvrage n’est pas encore sorti ? On parle de gens devenus menaçant alors qu’il n’y a qu’on vous prête une vision insolente et réaliste des travers d’un monde secret.
J’ai effectivement reçu des menaces bien senties, me promettant de « m’arranger le portrait » au point que je ne me reconnaitrais plus … L’insolence dérange les esprits pointilleux ou hermétiques. La Franc-maçonnerie d’aujourd’hui est plus discrète que secrète, et le fait de raconter un vécu au sein de différentes Loges n’a rien d’une violation. Même si mon livre détaille énormément les choses, je ne révèle, par exemple, aucun mot secret. Je raconte le tuilage, mais n’en divulgue jamais les vocables.
On dit qu’un Franc-Maçon doit conduire un chemin pour s’améliorer tout au long de son parcours, des grades aux degrés les plus variés… Vous semblez rappeler qu’ils sont Hommes ou Femmes et humains… La vision que vous apportez est un éclairage rare sur ce monde… Finalement n’apportez vous pas les moyens pour la Franc-maçonnerie de changer et d’évoluer vers un mieux ou un meilleur…
C’est l’un de mes souhaits : faire prendre conscience à ceux qui ont la responsabilité des apprentis et compagnons, que leur rôle de « guide-accompagnateur » ne consiste pas à infantiliser. On a trop souvent tendance à prendre le jeune maçon pour un ignare corvéable. Par mon témoignage, j’espère bousculer les crédos, notamment au sein de la Glff, où j’en ai copieusement bavé.
Que voyez vous de plus sombre dans le « coté humain » de la Franc-maçonnerie ?
Tout ce qui nous révolte dans le monde profane devient odieux en franc-maçonnerie. Le plus « sombre » serait peut-être cette formulation dérangeante que « tout ce qui est dit dans le temple ne doit pas être porté au dehors ». Si nous œuvrons réellement pour le bien de l’Humanité, pourquoi doit-on cacher systématiquement nos actes et nos paroles ? Rappelons qu’au XVIIIe siècle, notamment en Allemagne, des bulletins d’informations circulaient librement et n’importe quel profane pouvait se tenir au courant des travaux effectués en Loge.
Aujourd’hui, à force de dissimulation, les profanes fantasment et l’imagination invente bien pire que la réalité. Je trouve cela dangereux. La franc-maçonnerie envoie toujours les mêmes frères et sœurs parler dans les médias. Juste assez pour dire « on ne se cache pas ». Mais le discours séducteur et rassurant tourne en rond. Presque lénifiant.
Quels sont vos rapports avec les frères et sœurs que vous trouvez sur votre chemin ?
La fraternité est une expérience merveilleuse ; se reconnaître en quelques secondes par le simple vécu commun est indicible. J’en parle dans mon livre, parce que c’est toujours un moment de grande joie. Hélas, la fraternité autorise également chez certains frères et sœurs des comportements inadmissibles, et cette façon de s’auto-absoudre en répétant « nous sommes d’éternels apprentis, nous sommes imparfaits » est indigeste à la longue.
Si vous deviez dire un mot aux frères et sœurs pour éclairer votre livre… que serait il ?
Je dirais : mes frères, mes sœurs, l’insolence d’un journal peut se révéler salutaire pour une communauté, dans la mesure où l’idéal qui la réunit est incontestable. Mon témoignage est mon vécu dans les bonheurs et les douleurs, l’exaltation de tenues enrichissantes mais également dans l’ennui des séances de psychothérapie de groupe ou des coming-out assommants. Un parcours plein d’embûches, effectué avec des doutes, des joies, des questions qui agacent et des révélations salutaires.
Enfin, nous avons échangé, je suis franc-maçon enfin on me reconnaît pour tel et pour moi il est important que vous puissiez dire ce qui est vécu en tant que sœur et en tant que femme…Il me semble que votre récit est central pour avancer la maçonnerie du siècle prochain… quel serait pour vous les principales améliorations à pousser dans les loges ? Quel serait le mot que vous pourriez donner en terme de conseil de vie à ce frère qui fait un ITW ici et maintenant ?
Quelle que soit mon expérience, et bien qu’elle soit inachevée, je reste convaincue qu’un homme, une femme faisant la démarche d’entrer en franc-maçonnerie est animé d’un profond désir de s’améliorer et de servir des causes justes. Je dirais à ce frère une phrase de Canseliet : « Au fond, la Vérité est simple : elle ne se trouve dans la Nature et l’on ne doit la dire qu’aux personnes de confiance. » Sois, mon frère, et soyons ces personnes de confiance !