Depuis sa création en 2008, Mediapart a pris le parti d’être 100 % en ligne : le journal n’est pas édité sur papier. Ce choix nous permet d’avoir une empreinte inférieure aux médias imprimés, mais elle n’est pas nulle pour autant. Nous avons décidé d’y voir plus clair, afin de nous engager sur une trajectoire de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, directes et indirectes. C’est ainsi que nous avons réalisé, fin 2023, le premier bilan carbone de l’histoire de Mediapart.
Nous avons fait un bilan le plus exhaustif possible, en allant bien au-delà de ce qui est actuellement obligatoire pour les entreprises de plus de 500 salarié·es. Nous avons pris en compte un périmètre de « scope 3 », autrement dit nous avons intégré dans le calcul tout ce qui est nécessaire à la production de nos contenus et événements.

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Seuls les appareils nécessaires à la lecture et au visionnage de nos contenus – c’est-à-dire vos tablettes, smartphones et ordinateurs – ont été exclus de ce calcul, malgré les pollutions et l’extractivisme que génère leur fabrication. La production de ces appareils électroniques (les « terminaux ») reste toutefois un poste important de l’empreinte générale du secteur numérique.
Ce premier bilan carbone, pour lequel nous avons été accompagnés par la société Magelan, repose sur nos activités en 2022, et sera mis à jour chaque année. En voici les principaux résultats.
Le poids des transports et de l’alimentation
Ce sont les transports, hors trajets quotidiens domicile-bureau, qui occupent le premier poste d’émissions carbone liées à nos activités. Nous nous déplaçons en effet beaucoup : pour des reportages, pour des rencontres avec nos publics, et avec d’autres médias, français et européens. Ce poste représente 1/5e de notre empreinte, pour un poids de 84 teqCO2 (tonne d’équivalent CO2 – l’unité de mesure employée pour mesurer la quantité d’émissions de gaz à effet de serre, tous gaz confondus). Les trajets en avion y occupent une place prépondérante : ils représentent 80 % des émissions liées à nos déplacements ; les trajets en voiture, 17 %.
Le deuxième poste d’émissions est celui de l’alimentation durant nos journées de travail : il pèse 62 teqCO2, sur la base du repas moyen en France de 2 kgCO2e par repas et du nombre de salarié·es. Nous prévoyons d’affiner ce calcul en interne d’ici notre prochain bilan.
Le poids de l’édition et des événements Mediapart
Si nous sommes un journal 100 % numérique, nous avons cependant une petite activité d’édition papier : nous publions certaines de nos enquêtes sous forme d’albums en partenariat avec La Revue dessinée, nous codirigeons avec les éditions La Découverte une publication trimestrielle, La Revue du crieur, et nous avons publié plusieurs livres aux éditions du Seuil. Cette activité génère le troisième poste d’émissions de Mediapart, avec 55 teqCO2. Pour arriver à ce résultat, nous nous sommes appuyés sur l’empreinte carbone d’un livre selon l’Ademe (1,1 kg eqCO2) et le nombre d’exemplaires édités en 2022.
Mediapart organise en outre régulièrement des événements – festivals, projections de documentaires, débats... – à Paris, en régions, et même, récemment, à Bruxelles. Les déplacements du public représentent alors la majeure partie des émissions. Les calculs reposent ici sur l’affluence lors de ces rencontres et sur des données Insee quant aux modes de transport utilisés. Le résultat, pour l’année 2022, est une empreinte de 50 teqCO2. Nous envisageons d’affiner ces données par la suite et de sensibiliser davantage nos publics sur cette question du mode de transport.
L’impact du numérique
Arrivent ensuite les émissions associées à notre activité numérique. Mediapart a en effet besoin de serveurs et de technologies pour être accessible via son site web, son application mobile, et pour partager ses productions sur les réseaux sociaux. Internet est un maillage de routeurs et de câbles qui nécessite de l’énergie pour fonctionner.
Avec près de 7 millions d’heures de visionnage en 2022 de nos contenus vidéo, leur consultation constitue le 4e poste le plus émetteur de notre bilan, avec 53 teqCO2. Pour le calculer, nous nous sommes basés sur les statistiques de visionnage par type d’appareil et la consommation électrique moyenne de chaque type d’appareil par minute, pour un poids moyen transféré de 5 mégaoctets par minute (soit à peu près le poids d’une vidéo en qualité 480p).
Le site web et l’application mobile, hors vidéos, pèsent quant à eux 25 teqCO2. Pour cette partie, nous sommes tributaires des émissions de CO2 de notre hébergeur, OVH, et nous nous sommes basés sur leur bilan carbone scope 3 pour calculer la quote-part de fabrication de leurs équipements, grâce à leur chiffre d’affaires et nos dépenses annuelles. Nous avons ensuite compilé la quantité de données totale transférée entre nos serveurs et les appareils nous consultant (tout ce qui passe par Fastly, notre réseau de diffusion de contenus), le nombre de vCPU utilisés – c’est-à-dire la puissance de calcul des serveurs – et l’espace de stockage total que nous utilisons – autrement dit la consommation électrique des disques durs.
Les réseaux sociaux font également partie de nos activités d’information auprès de nos publics, abonnés ou non. Pour mesurer leur impact carbone, nous avons compté le nombre d’impressions total toutes plateformes confondues – c’est-à-dire le nombre de fois qu’un message provenant de l’un de nos comptes est affiché à un lecteur ou une lectrice –, multiplié par un poids moyen par message et la consommation électrique moyenne par type d’appareil, pour une durée de 6 secondes passées par message, et en se basant sur la répartition en France des types d’appareils utilisés pour consulter les réseaux sociaux. Le résultat est un impact de 11 teqCO2.
Les lettres d’information de Mediapart, que nos abonné·es et non-abonné·es peuvent recevoir gratuitement, sont le dernier poste d’émissions lié au numérique. Ces contenus exclusifs, en accès libre (inscrivez-vous ici !), ont fait l’objet d’une étude dédiée de BadSender : ils y expliquent leur méthode de calcul. Le résultat est de 10,5 teqCO2.
En tout et pour tout, les usages numériques de Mediapart ont généré 101 teqCO2 sur l’année 2022.
Le poids de nos équipements
Pour travailler, nous avons besoin d’ordinateurs, caméras, écrans et smartphones. Nous nous sommes basés sur la Base Empreinte de l’Ademe pour calculer l’impact de la production de tous ces appareils. En compilant leur nombre et les facteurs d’émissions correspondants, nous arrivons à 21 teqCO2.
Quant à l’électricité consommée, elle est incluse dans les émissions de nos locaux : en plus du nombre total de kWh consommés sur l’année 2022, rapporté au facteur d’émissions par kWh moyen en 2022 en France, nous comptons les fuites moyennes de gaz réfrigérant par mètre carré. Au total, nous arrivons à 21 teqCO2 pour nos locaux à Paris, Poitiers et Montpellier.
Et maintenant ?
Cette photographie exhaustive de nos émissions de gaz à effet de serre a pour but d’améliorer nos pratiques et de vous proposer à l’avenir des contenus aux impacts les plus faibles possibles sur le climat. L’exercice a ses limites. Il ne prend par exemple pas en compte les impacts de notre activité sur les écosystèmes et la biodiversité, pour lesquels il n’existe pas, à ce stade, d’outil de calcul. À défaut d’outil parfait, ce premier bilan carbone nous permet toutefois de commencer à agir sur notre empreinte environnementale, et nous vous tiendrons informés en cours d’année de ce qui aura été mis en place pour réduire nos émissions.
En attendant, nous vous encourageons à garder un appareil le plus longtemps possible, et à privilégier la réparation et le reconditionné à l’achat d’un produit neuf.
Nous ne connaissons pas la répartition de qualité que vous utilisez pour consulter nos vidéos, mais si vous souhaitez réduire l’impact sur ce plan, nous vous invitons à réduire la qualité du visionnage, pour regarder nos contenus en 360p par exemple. Vous réduirez ainsi le nombre de mégaoctets transférés, et donc la quantité d’énergie nécessaire à son transport, même si le rapport n’est pas linéaire. Une autre mesure est de privilégier le WiFi ou le filaire aux données mobiles, particulièrement pour de lourds transferts de données comme un visionnage vidéo.
Enfin, nous vous invitons à privilégier les transports en commun ou le covoiturage pour vous rendre à nos différents événements.
Des questions, des remarques sur les hypothèses et méthodes de calcul employées et nos recommandations ? N’hésitez pas à nous en faire part en commentaire. Nous avons conscience que l’incertitude liée à certains calculs est élevée : vos retours nous sont précieux pour continuer d’améliorer notre bilan sur les années à venir.
Vous pouvez par ailleurs continuer de nous lire sur les questions climatiques et écologiques dans la rubrique dédiée dans le journal et dans la lettre Écologie envoyée gratuitement un mercredi sur deux.