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Billet de blog 12 janvier 2012

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La campagne médiatique d'Ergenekon et la liberté de la presse en Turquie

  . En effet, depuis les premières arrestations, la durée de détention provisoire est jugée excessivement longue, ce qui entraina l’instauration d’un climat de défiance générale au sein d’une certaine partie de population. L’aspect hypothétique de la sentence semble poser problème d’une par sa durée qui est d’autant plus renforcée par la médiatisation de l’affaire, et par la notoriété des personnalités impliquées dans l’affaire. Ce qui pourrait éventuellement poser problème aux procureurs s’il s’avérait que ces suspects sont détenus abusivement dans le cas où ils seraient acquittés par la justice.

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Après plusieurs mois d’attentes, le procès Odatv a enfin commencé. En effet, depuis les premières arrestations, la durée de détention provisoire est jugée excessivement longue, ce qui entraina l’instauration d’un climat de défiance générale au sein d’une certaine partie de population. L’aspect hypothétique de la sentence semble poser problème d’une par sa durée qui est d’autant plus renforcée par la médiatisation de l’affaire, et par la notoriété des personnalités impliquées dans l’affaire. Ce qui pourrait éventuellement poser problème aux procureurs s’il s’avérait que ces suspects sont détenus abusivement dans le cas où ils seraient acquittés par la justice.

Durant la période d’arrestation, les suspects ont eu recours aux différents appareils médiatiques, principalement de l’opposition, afin de transmettre leurs messages auprès du public et susciter chez l’opinion une perception d’injustice inhérente à leur position politique. En effet, en Turquie, beaucoup de détenus, à défaut de l’influence médiatique, ont passé plusieurs années derrière les barreaux sans aucune reconnaissance publique.

Les anciens gardiens de la république — les généraux militaires, divers serviteurs de l’État profond et suspects d'Ergenekon — ont réussi à entretenir des relations étroites avec certains corps de médias. Les suspects (non armés) de la communauté de l'Union kurdes (KCK) ont accès à certains médias kurdes militants pour diffuser leurs messages et ainsi permettre la formation d’un collectif solidaire à leur cause durant leur procès, en améliorant par la même occasion leur relation publique.

Une fois avoir établit une assise tangible dans la communauté kurde, ils espèrent même s’ils sont reconnus coupables, sortir victorieux de cette affaire. Leur but étant de permettre d’instaurer un sentiment d’injustice « d’un tribunal qui les emprisonne pour leurs orientations politiques. »

Presque chaque soir, les avocats des suspects assistent à des émissions télévisées pour plaider la cause de leurs clients, s’efforçant ainsi de les innocenter au sein de l’opinion publique. À cet égard, ils ne s’empêchent pas de diffamer le corps judiciaire et la police en les accusant d’être au service du pouvoir politique. Les procureurs n'ont bien entendu pas la possibilité de présenter leur réquisitoire dans les médias. La procédure judiciaire ne permet pas de partager les détails du procès, afin de ne pas porter atteinte à la nature de l’affaire KCK. On constate toutefois que certains détails liés à l’affaire rapportés par les médias proviennent des fuites émanant du parquet ou de la police qui tentent indirectement de défendre leur profession, tandis que les plaideurs des personnalités mises en examen utilisent chaque occasion pour établir directement leurs campagnes de relations publiques.

Les procès dans le cadre de l’affaire Ergenekon constituent une illustration révélatrice de ce phénomène. Les accusés dans l’affaire Ergenekon, entretiennent de relations étroites avec certains médias qui leur permettent donc de renforcer leur engagement par la persuasion de leur statut de victime politique. Le plaidoyer des accusés, en principe censé s’adresser au tribunal, choisit plutôt sa cible parmi le public plus attentif aux déclarations des médias soutenant leur cause.

Leur campagne de sensibilisation publique dépasse même les frontières nationales, parce qu’ils trouvent un écho favorable dans les capitales européennes et à Washington. À cet effet, de nombreux partisans ont été assignés à un véritable travail de lobby afin de convaincre leurs contacts occidentaux de la véracité de leur cause. Sachant que les personnalités accusées par leurs fonctions précédentes, entretenaient d’étroites relations avec leurs contacts en Occident.

Par cette campagne, ils ont pour la plupart, gagné le soutien des capitales occidentales afin d’exercer une pression extérieure sur la Turquie. À titre d’exemple, lors de l’ouverture du procès de l’affaire Odatv, les journalistes turcs pro-Ergenkon, ayant des relations en occident, ont choisi de tweeter en anglais pour relater en directe l’évolution de l’affaire et tenir au courant leurs contacts occidentaux.

Il faut reconnaitre que le réseau pro-Ergenekon a fourni un travail remarquable pour la mise en place d’un soutien subtil des principales capitales occidentales. C’est pourquoi, beaucoup d’occidentaux sont amené à penser que les personnes accusées dans cette affaire sont victime d’une purge politique du gouvernement d’AKP qui supprimerait les opposants politiques, tout en faisant abstraction leur culpabilité dans cette affaire.

Dans les camps ultranationalistes turcs, les partisans de l’idéologie kémaliste ont déjà accordé un soutien impénétrable au réseau pro-Ergenekon.  Il y’a donc aujourd’hui en Turquie, une importante partie de la population qui alimente la théorie selon laquelle la justice serait impliquée dans une opération d’épuration politique dont les suspects serait victimes des excès du pouvoir.

La dernière croisade médiatique pro-Erkenekon a été lancée avec l’arrestation des journalistes Ahmet Sik et Nedim Sener , à cause de leur lien présumé avec les suspects d’Ergenkon dans la prise Odatv qui est manifestement considérée comme une organisation entretenant des liens privilégiés avec l’État profond turc. La dimension médiatique liée à l’arrestation de Ahmet Sik a été probablement renchérie par la confiscation de son livre comme élément à charge par le parquet, en effet ce livre exposerait l’influence latente de la mouvance Gülen au sein de la police turque. Selon ces avocats, A.Sik aurait été arrêté dans le but d’empêcher sa publication.

Cette théorie a trouvé un large écho parmi le milieu intellectuel turc. Le parquet ayant décidé de confisquer l’esquisse du livre dans le cadre du procès. Lors de la recherche des autres copies, il s’est avéré que différentes personnes possédaient un exemplaire du livre trouvé à Odatv, alors que A.Sik, lors d’un reportage antérieur, nous avait révélé qu’aucune copie n’avait été distribuée. D’ailleurs, le parquet nous a fait part d’importantes irrégularités dans les déclarations des personnes impliquées dans l’affaire d’Odatv.

Force est de constater que l’interdiction du livre de Sik a pu entrainer un profond malaise qui a provoqué de nombreuses réactions des différents milieux. En effet, certains médias s’étaient empressés de présenter Ahmet Sik comme victime d’une censure caractéristique du mouvement Gülen, tout en faisant abstraction de la responsabilité pénale du journaliste.

Lors de ces précipitations médiatiques autour de l’affaire, je me souviens d’un certain nombre de journalistes qui avaient une autre lecture des évènements récents. Selon eux, l’arrestation de A.Sik n’avait pas de lien avec le livre, mais résulte plutôt de son implication dans le cadre l’affaire Ergenekon. En effet, les incohérences  lors de l’investigation comme lorsqu’il a affirmé n’avoir aucun lien avec les suspects de l’Affaire Ergenkon, certains éléments à charge en possession de la justice prouvent le contraire, d’où a décision du parquet de la détention provisoire.

Les circonstances de cette affaire constituaient une occasion inopinée pour le réseau pro-Ergenokan pour établir son argumentaire autour de la censure du livre et présenter ainsi A.Sik  comme une victime des abus d’une justice partiale. En somme, le livre d’Ahmet Sik, supposé révéler les manipulations conjointes du parti au pouvoir du mouvement Gülen, ressort comme  un symbole qui traduit l’injustice faite aux suspects présentés comme victime d’une machination politique, cherchant à emprisonner tous les opposants politiques.

Pourtant, lorsque nous inspectons le contenu du livre, on s’aperçoit rapidement que ce livre est symptomatique des centaines de livres écrits sur les activités du mouvement Gülen. L’argumentaire de l’auteur est fondé sur des hypothèses, l’auteur ne démontre rien de concret, le livre ne révèle aucun élément plausible. Cependant, alors que le livre était supposé être censuré par la justice, des millions de copies ont été intégralement téléchargés sur internet.

Pour le reste, depuis quelques mois, le livre a été publié, ont n’y avait accès sur plusieurs types de plateforme. Pourtant, on n’a constaté aucune intervention de la justice, ni d’aucune autre entité qui empêcherait la publication du livre. Je pense que ceux qui  prétendaient avec ardeur que Sik était victime d’une censure injustifiée doivent des explications à leur auditoire que ce soit en Turquie ou à l’étranger. Ils devraient nous expliquer pourquoi alors que SIk fut inquiété par la justice à cause de ce livre, son éditeur n’a pas connu le même sort. Oublions donc l’éditeur, pourquoi vous ne partager pas avec vos auditeurs occidentaux les secrets que le livre devait révéler. Montrer tout simplement en quoi ce livre pousserait la justice à transgresser et porter atteinte à la liberté d’expression.

Quelqu’un peut-il nous expliquer comment croire que A.Sik est inquiété par la justice à cause d’un livre qui figure parmi les livres les plus consultés du pays, dont l’éditeur n’éprouve aucune difficulté à éditer le livre ? Je pense que cet argument relève de l’aberration et d’une impertinence monumentale. Finalement, on se rend compte que le livre constituait simplement une parade pour soutenir la rhétorique pro Egenekon et abuser de la confiance de leur public en Turquie comme à l’étranger.

En somme, j’exhorte la presse occident ale à être un peu plus prudente sur les propos de certaines personnes, qui se sentent missionnaires d’une campagne de propagande pro Ergenekon

Emre USLU

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