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Billet de blog 28 janvier 2014

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Du conflit AKP-Hizmet au « problème du régime »

Par Cengiz Çandar / RadikalCette affaire va au-delà du conflit AKP-Hizmet (Gulen Mouvement), désormais on évolue pas à pas vers une Turquie anti-démocratique.Les « actions » parlent plus fort que les « mots ». Nous nous trouvons face à un homme qui est au pouvoir depuis plus de 11 ans et qui tente « à lui seul » de concentrer de plus en plus de pouvoir entre ses mains. C'est pourquoi, il ne faut pas croire à ce qu'il dit mais bien à ce qu'il fait.Le Premier ministre turc, pour la première fois depuis cinq ans, a rencontré les leaders européens et leur a promis « le respect strict de la séparation des pouvoirs » mais ceci n'a aucun sens. Voyons pourquoi :Pendant que Recep Tayyip Erdogan rencontrait les leaders européens, en plein hiver, 2000 policiers ont été déplacés. Le soir même, suite à la décision du Haut Conseil de la Magistrature (HSYK) 96 juges et procureurs ont été déplacés à leur tour. Parmi les personnes déplacés, on retrouve également le procureur général d'Izmir. Une décision qui tombe juste après que le conseiller du ministre de la justice contacte celui-ci pour que « l'on cesse d'enquêter sur la corruption ».

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Par Cengiz Çandar / Radikal

Cette affaire va au-delà du conflit AKP-Hizmet (Gulen Mouvement), désormais on évolue pas à pas vers une Turquie anti-démocratique.

Les « actions » parlent plus fort que les « mots ». Nous nous trouvons face à un homme qui est au pouvoir depuis plus de 11 ans et qui tente « à lui seul » de concentrer de plus en plus de pouvoir entre ses mains. C'est pourquoi, il ne faut pas croire à ce qu'il dit mais bien à ce qu'il fait.

Le Premier ministre turc, pour la première fois depuis cinq ans, a rencontré les leaders européens et leur a promis « le respect strict de la séparation des pouvoirs » mais ceci n'a aucun sens. Voyons pourquoi :

Pendant que Recep Tayyip Erdogan rencontrait les leaders européens, en plein hiver, 2000 policiers ont été déplacés. Le soir même, suite à la décision du Haut Conseil de la Magistrature (HSYK) 96 juges et procureurs ont été déplacés à leur tour. Parmi les personnes déplacés, on retrouve également le procureur général d'Izmir. Une décision qui tombe juste après que le conseiller du ministre de la justice contacte celui-ci pour que « l'on cesse d'enquêter sur la corruption ».

Depuis que le ministre de la justice Bekir Bozdag préside le Haut Conseil de la Magistrature, celui-ci a commencé à fonctionner comme « le conseil de discipline » du gouvernement. Malgré cela, le gouvernement désire réformer à nouveau le Haut Conseil de la Magistrature pour lequel a été organisé un référendum en 2010. Objectif : concentrer le système judiciaire entre ses mains afin qu'il dépende uniquement de son parti.

Un élément encore plus inquiétant est le fait qu'un projet de loi a été préparé afin que les forces armées turques (TSK) soient directement reliées au premier ministre. Le conseiller du premier ministre a récemment prétendu que « l'armée nationale était face à un complot ». Si le projet se finalise, le chef d'état-major et le commandants de forces dépendront, eux aussi, tout comme le personnel du MIT (Services secrets turcs), du premier ministre et ne pourront enquêter qu'avec sa permission.

C'est ainsi que l'on aura les chefs d'état-major et les commandants de forces de Recep Tayyip Erdogan. Ce qui est en train de se produire n'existe qu'au Moyen-Orient. On l'a vu avec Saddam en Irak. On appelle cela « Régime de renseignements généraux ». Car les services secrets dépendaient directement de « l'homme fort », du leader. Le chef des services secrets et les responsables reliés à ce service étaient les hommes les plus influents et les plus importants après Saddam et Moubarak en Égypte. Ils étaient encore plus influents que les ministres et les chefs d'état-major et commandants de forces.

Il en a été de même pour le MIT pendant le dernier mandat de Recep Tayyip Erdogan qui a débuté en 2011. Si le problème principal de la Turquie est « Le processus de paix concernant le problème kurde », la responsabilité incombe au MIT. L'interlocuteur principal d'Abdullah Ocalan est, depuis quelques années, le sous-secrétaire du MIT. Si le premier ministre turc va rencontrer le président des Etats-Unis autour d'un dîner en tête à tête, il sera d'abord accompagné du sous-secrétaire du MIT ensuite du ministre des affaires étrangères. Alors que la Syrie occupe une place primordiale aux yeux de la communauté internationale, c'est le MIT qui établit la politique syrienne de la Turquie. C'est pourquoi, on constate que les camions chargés d'armes qui se dirigent vers la Syrie appartiennent au MIT. Donc, aucune possibilité d'investigation. Est-ce que le MIT agit en fonction de la loi ? Il n'est même pas question que le débat s'ouvre. Si un procureur ou un gendarme à le malheur d'enquêter l'affaire, on ne le revoit plus. Lorsque la question est soulevée, le premier ministre parle de « trahison ». Etant donné que le personnel du MIT dépend directement de lui, enquêter devient impossible.

Les événements récents montre que la Turquie va probablement vers «Un régime de communication». La «gouvernance civile», dans cet état-là, ne représente aucune «sécurité démocratique».

Si les hauts responsables des forces armées deviennent les pachas d'Erdogan, pourra-t-on dire que les militaires sont dirigés par les civils? Est ce qu'on doit le voir ainsi?

Ici, ce n'est pas ce qu'on veut faire. Ce qu'on veut faire, ce n'est pas non plus relier le chef d'état-major et les commandants de forces au premier ministre. On veut directement le relier à Erdogan. Si Recep Tayyip Erdogan n'envisageait pas de rester au pouvoir en tant jusqu'en 2024, est ce que cela aurait été possible?

Dans le cadre de l'affaire Ergenekon et Balyoz, on a profité du moment pour provoquer des injustices, cela a dans le même temps, engendré des problèmes au sein des forces armées. C'est dans ce contexte qu'Erdogan à la recherche de « nouvelles coalitions », tente de rejeter la faute sur Hizmet. Les dirigeants des forces armées turcs sont à la merci d'Erdogan à cause du « massacre Roboski ».

Lorsque le chef d'état-major et les commandants de forces dépendront de lui, il faudra oublier l'enquête sur le « massacre Roboski». Il n'y a de tout manière aucune avancée sur le sujet mais là, il faudra l'oublier complètement. Le fait que le chef du cabinet du procureur n'ai pas pas trouvé opportun d'ouvrir une procédure avait été soulevé et discuté. Nous savons qui sont les responsables. Mais tant qu'ils dépendront directement du premier ministre, on ne pourra rien contre eux. Aucune enquête possible.

Concernant la corruption, Erdogan a dit: «Même si c'est mon fils, je le renierai ». Belles paroles mais est-il encore possible d'enquêter sur la corruption en Turquie ? Que ce soit un policier, un juge ou un procureur, celui qui a le malheur de prononcer le mot «corruption» est immédiatement déplacés.

Tant que l'AKP sera au pouvoir en Turquie, aucune enquête sérieuse anti-corruption sera possible. Il faut oublier cela. Cela ne veut pas dire que des cas de corruption n'apparaîtront pas. Pour contrer cela, on tente de limiter l'accès à internet. Ce qui mène inévitablement à des comparaisons avec la Chine et la Corée du Nord.

Pour se défaire de cette enquête anti-corruption, Erdogan recherche à développer de nouvelles coalitions. La Turquie a déjà un système judiciaire problématique.

Légiférer afin de concentrer tous les pouvoir dans les mains d'une seule personne est le plus grand danger à venir.

Cette affaire va au-delà du conflit AKP-Hizmet, désormais on évolue pas à pas vers une Turquie anti-démocratique. L'article intitulé parut dans « Turkey Analist» le 15 janvier 2014 et intitulé «Crise du régime en Turquie : Est-ce que les jours d'Erdogan sont comptés ?» concluait ainsi :

Selon les dernières analyses, on constate que la confrérie Gulen a déjà coupé l'herbe sous le pied d'Erdogan qui veut être le seul homme au pouvoir. La Turquie est entré dans une lutte de successions qui sera une période très mouvementée. La question principale qui se pose actuellement est la suivante: dans quelle mesure endommagera t-il la Turquie jusqu'à ce qu'il quitte la scène politique? A cause de lui, la réputation internationale et l'économie de la Turquie se sont dégradés. Au final, la Turquie n'est plus le pays stable dans une région instable. Il est devenu lui-même un problème. Avant d'aller mieux, il semble qu'il va aller de plus en plus mal.

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