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Billet de blog 31 janvier 2014

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Les communistes de la guerre froide, les réactionnaires du 28 Février, les gülenistes d’Erdogan !

Par Hasan Cemal / T24La Confrérie (Mouvement Gulen) est sur le point de supplanter les « fondamentalistes » de l'époque du 28 Février. Aujourd'hui, la démocratie et le droit sont bafoués quand on dresse l'épouvantail des gülenistes, comme ils l'ont été avec le péril du communisme pendant les années de guerre froide et celui du fondamentalisme au moment du 28 Février.Recep Tayyip Erdogan fait de la confrérie la source de tous les maux comme l'ont fait les leaders anticommunistes au temps de la guerre froide. Mais est-ce un délit de travailler pour l'Etat et d'avoir des sympathies pour la Confrérie ? Comment allez-vous purger les membres de confrérie, sur quelles bases allez-vous les purger  ?

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Par Hasan Cemal / T24

La Confrérie (Mouvement Gulen) est sur le point de supplanter les « fondamentalistes » de l'époque du 28 Février. Aujourd'hui, la démocratie et le droit sont bafoués quand on dresse l'épouvantail des gülenistes, comme ils l'ont été avec le péril du communisme pendant les années de guerre froide et celui du fondamentalisme au moment du 28 Février.

Recep Tayyip Erdogan fait de la confrérie la source de tous les maux comme l'ont fait les leaders anticommunistes au temps de la guerre froide. Mais est-ce un délit de travailler pour l'Etat et d'avoir des sympathies pour la Confrérie ? Comment allez-vous purger les membres de confrérie, sur quelles bases allez-vous les purger  ?

C'était en 2005.

Mon ouvrage, intitulé « J'avais aimé Cumhuriyet », venait tout juste de sortir  ; il avait attiré l'attention des médias, et le journal Cumhuriyet avait lancé une violente campagne de dénigrement.
Je me souviens de l'article du regretté Ilhan Selçuk  ; en résumé, il avait dit ceci  :
« Une opération güleniste contre Cumhuriyet  ! »
Il n'avait donné aucune réponse, j'avais ri en moi-même.
Il fut un temps où une « chasse aux sorcières » à l'égard des communistes faisait rage.

Pendant les années de guerre froide, être accusé de communiste revenait presque à annoncer la fin du monde. C'était un des moyens de diffamer et de jeter de la boue.

Les «  complots communistes  » que l'on montait de temps à autre pour réprimer les demandes en faveur de la démocratie, et renforcer encore un peu plus le système de tutelle militaire.

Deux modes d'accusation s'ajoutaient également au communisme au cours de la guerre froide  :

Séparatisme...

Réaction...

Lorsque l'on affirmait que la Turquie allait se diviser et éclater, on sifflait la fin de la récréation.

De même que les bruits de bottes de la réaction étaient l'une des voies permettant de condamner le pays à une démocratie et un état de droit de seconde zone.

Lorsque l'on parlait de réaction, de réactionnaires, d'enturbannés, que les photos de barbes noires en arc de cercle avec shalwar et chapelet à la main faisaient la manchette des journaux, on devinait qu'en cuisine, on nous mijotait quelque chose qui allait briser encore un peu plus l'élan de la démocratie.

Bafouer la démocratie en dressant l'épouvantail des gülenistes

Aujourd'hui le communiste ne fait plus peur.

Le séparatisme non plus. L'Etat, est en pourparlers avec le « chef des séparatistes » (Abdullah Ocalan)...

Il y a maintenant une autre mode  : Les gülenistes...

C'est la Confrérie qui a pris dorénavant la place des «  réactionnaires  » de l'époque du 28 février. (Taha Akyol (Huriyet) relatait dans son article d'hier un décret-loi mis en vigueur en 2000 sous la pression des militaires par le gouvernement Ecevit et qui visait à « extirper les fonctionnaires réactionnaires ».

On en vient à rechercher partout aujourd'hui, notamment au sein de l'Etat, l'empreinte des « gülenistes ».

On assiste au sein de la sécurité intérieure à une hécatombe de policiers telle qu'elle surpasse celles des années de plomb.

Recep Tayyip Erdogan fait de la confrérie la source de tous les maux comme l'ont fait avant lui les leaders anticommunistes au temps de la guerre froide.

Il les accuse de fomenter « un coup d'Etat ».

D'être un Etat dans l'Etat, et il les blâme d'être un Etat parallèle après avoir affirmé qu'ils étaient des factieux au sein de l'Etat.

Un constat s'impose.

N'y a-t-il pas des procureurs et des juges, des militaires, des policiers, des sous-préfets, des préfets qui travaillent au sein de l'Etat et qui ont des affinités avec la Confrérie  ?
Bien sûr que si.
Est-ce un délit  ?
Non.
Les personnes ne peuvent pas être incriminées en raison de leurs croyances, leurs idées, leurs identités, leurs couleurs.
Ils ne peuvent faire l'objet de discriminations.
Mais supposons que si ces personnes ont créé du désordre au sein « des affaires de l'Etat » en raison de leurs croyances, ils devront alors rendre des comptes à la justice.
Si un militaire prête l'oreille, non pas à son commandant, mais au chef de la Confrérie...

Si un policier, n'obéit pas aux instructions de son supérieur, mais aux suggestions de la Confrérie...

Si un procureur n'applique pas les lois mais se plie aux ordres de la Confrérie...
Ils seront alors en état d'infraction.

Ils seront sommés de répondre de leurs actes devant la justice.

J'ai tant de fois décrié ce point dans mes articles pendant des années.

Sommes-nous en train de vivre ce processus  ?

Non, je ne le pense pas.

Aujourd'hui, la démocratie et le droit sont bafoués quand on dresse l'épouvantail des gülenistes, comme ils l'ont été avec le péril du communisme pendant les années de guerre froide et celui du fondamentalisme au moment du 28 février.

Pourquoi nous sommes-nous efforcés de ficher pendant tant d'années  ?

Nuray Mert l'a très bien résumé à T24 l'autre jour  :

« Comment la Confrérie va-t-elle être purgée  ?

En écartant les membres qui travaillent au sein des institutions de l'Etat, c'est ça  ?

Une personne qui travaille dans une institution est tenue responsable uniquement pour des raisons juridiques, non pour son appartenance à une confrérie.

Par ailleurs, par quel moyen allez-vous déchiffrer le membre d'une confrérie et par quel moyen allez-vous le purger ?

Sur des ouï-dire, grâce aux fiches  ?

Alors pourquoi avons-nous lutté pendant tant d'années si l'on fait fi du sens donné à l'Etat laïc, aux libertés religieuses et de conscience, lorsque l'on fiche et purge au nom de la «  réaction et de la lutte  »  ?

Je ne m'adresse pas à ceux qui ne l'ont pas fait bien sûr, pour dire vrai, je l'ai fait et je pense avoir bien agi.

Dans une démocratie, vous ne pouvez incriminer une personne au mobile qu'il est membre, qu'il éprouve de la sympathie, soit pour telle confrérie, soit pour tel groupe.

Par ailleurs, la confrérie de Gülen est-elle la seule à s'être mêlée de politique  ?

Avant, c'était de telle manière, aujourd'hui de telle autre  ?

Allez-vous purger d'autres confréries, et si oui, selon quel principe  ?

Nous ne pouvons interroger les procureurs issus de la Confrérie, non parce qu'ils sont membres d'une confrérie, mais selon les critères de conformité ou non aux procédures judiciaires.

C'est ce qui est démocratique et civil  ; le cas échéant, on risque d'être entraîné dans une logique «  de réaction et de lutte  ».

Dans de telles circonstances, laissons de côté les portes-parole du gouvernement  : n'est-ce pas honteux d'estimer qu'une telle absurdité puisse être une issue heureuse pour des individus qui se considèrent comme éclairés  ?

Il y a encore beaucoup de choses à dire mais je ne vais pas abuser davantage de votre patience. »

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