Rencontre avec la Compagnie Charles est Stone de L'Ecume des jours, au Grand Pavois.
Vous avez tous suivi une formation de comédien au Cours Florent ; c’est à cette issue que vous avez créé la Compagnie Charles est Stone ?
Officiellement,la Compagniea été créée en mars 2012, mais nous nous sommes rencontrés par le biais de notre formation en 2010, ce qui nous a permis de former un groupe selon des affinités.
Vincent Leprette, vous avez eu l’idée de cette adaptation. Pourquoi avoir fait le choix de L’Ecume des jours, ce roman phare de Boris Vian ? Comment avez-vous géré la découpe du texte ?
Au début, c’était un travail de fin d’études au Cours Florent. Chacun avait l’opportunité de monter un spectacle et je n’ai pas voulu choisir une pièce classique ; je voulais adapter un roman. Une nuit, j’ai rêvé de L’Ecume des jours, mon roman préféré à l’époque du lycée. Après l’avoir relu, je me suis lancé dans un travail de réécriture dramatique. J’ai alors remarqué que la plupart des scènes étaient dialoguées et qu’en les mettant bout à bout nous obtenions la trame de l’histoire. Majoritairement, les scènes sont soit dans l’appartement de Colin, soit à l’extérieur, ce qui simplifiait la mise en espace. Puis j’ai réécris certaines scènes ; d’autres ont été coupées. Par exemple, le monologue de Chick est à la troisième personne dans le roman ; je l’ai ajusté à la première personne. L’ensemble étant cohérent. J’ai présenté le rendu final aux autres comédiens qui furent enthousiastes à l’idée de monter ce projet qui est donc né à la fin de notre 3ème année d’école.
Avez-vous eu l’occasion de voir la réalisation cinématographique de Michel Gondry ? Quels sont vos ressentis sur son adaptation ?
Jean Damien-Detouillon : A la base, je n’avais aucun apriori négatif en y allant, mais je n’ai pas apprécié pour autant. J’aime beaucoup Michel Gondry ; je pensais que c’était le réalisateur idéal pour ce genre de film mais il me semble que le propos s’est vite centré sur une démonstration d’effets spéciaux et que les thèmes principaux du roman n’ont pas été traités. Nous avions vu une autre adaptation de L’Ecume des jours qui nous avait permis de découvrir de nouvelles pistes de lecture et je pensais que ce serait également le cas pour ce film. Or ce fut une grande déception. Même si les acteurs sont bons, le film manque de crédibilité : par exemple, sur la question de la jeunesse (Romain Duris a 39 ans). L’image que renvoie le film nous dessert, alors que nous pensions que ce premier avant-goût de découverte du roman pousserait les gens à venir nous voir. Bien au contraire, le public, qui n’a pas apprécié, trouve cela inadaptable au Théâtre. Pourtant, nous avons, chaque jour, d’excellents retours. Ceux qui adorent le roman ne sont absolument pas déçus par notre travail.
Vincent Leprette : Personnellement, je n’y suis pas allé par choix. Dès sa sortie, j’avais prévu d’aller le voir mais, étant donné les critiques, mon envie est passée ; mais je le regarderai dans quelques temps.
Adrien Neves : Je n’avais pas forcément envie de le voir avant Avignon. J’avais peur d’être perturbé et influencé. Je le verrai prochainement ; mais, étant donné les retours des amateurs de Boris Vian, je ne regrette pas de ne pas encore l’avoir vu.
Vous avez opté pour une scénographie très ingénieuse.
Jean Damien-Detouillon : C’est grâce à notre scénographe et assistante metteur en scène, Leslie Bourgeois, qui nous a rejoint sur le projet, il y a quelques mois. Nous avons alors fait évoluer la mise en scène et créer de nouveaux décors très colorés et astucieux, aux fonctions multiples.
Avez- vous assisté à la représentation de l’autre Ecume des jours du OFF, aux Ateliers 44?
Pierre-Emmanuel Parlato : Pas encore ; mais nous comptons y aller. Pour ma part, j’ai rencontré les comédiens, très sympathiques. C’est un seul en scène ; la comédienne est accompagnée d’un pianiste. Ils proposent une autre vision du roman qui attise ma curiosité.
Le jeu de certains personnages est très corporel. Comment avez-vous appréhendé ce travail minutieux sur la précision des expressions et des attitudes ?
Jean Damien-Detouillon : Que ce soit pour ce rôle-là ou pour un autre, à la fin d’une représentation, on doit s’être entièrement donné pour les spectateurs. Naturellement, j’aime bouger, fanfaronner ; je fais de la danse à côté ; donc, j’aime utiliser mon corps pour m’exprimer. Je trouvais que l’expression d’excès, par ce biais, collait bien avec le personnage de Chick. Dans tous les rôles de la pièce, il y a un travail majeur à effectuer ; sur le corps. Adrien a des rôles différents ; donc, s’introduit dans des corps différents. Quant à Colin, Nicolas et Chick, ils subissent une évolution de plein fouet. Au début, ils sont heureux, pétillants, pour finir minés par leur univers. Toute cette évolution doit alors se ressentir à travers un profond travail sur le corps.
Adrien Neves, vous interprétez énormément de rôles dans la pièce (curé, médecin, Partre…). Comment avez-vous appréhendé ces métamorphoses qui s’enchaînent ?
Au niveau du jeu, ce travail m’a beaucoup intéressé et plu. Il est vrai que réussir à atteindre un niveau de dissociation entre les personnages fut compliqué. J’ai mis du temps à différencier les personnages, qu’il n’y ait plus de bout de l’un dans l’autre. C’était un travail que j’ai entrepris avec Jules Poucet, le metteur en scène, avec mes camarades et également seul.
Pierre-Emmanuel Parlato, vous engagez également un travail corporel assez précis, avec une évolution, un relâchement.
Je suis arrivé il y a peu de temps sur ce projet ; ce qui a compliqué la difficulté. J’avais peur de calqué le caractère du comédien dont je prenais la place. Mais j’ai travaillé ; il m’a beaucoup aidé et j’ai pu donner au personnage de Nicolas une personnalité. J’ai essayé de lui apporter un aspect loufoque et pétillant qui se casse vers la fin et devient plus naturel.
C’est une première pour vous Avignon ? Quelle est votre vision du OFF ?
Nous y sommes tous déjà allés.
Adrien Neves : C’est un bon plaisir. L’année dernière, pour notre premier Avignon, on ne savait pas vraiment à quoi s’attendre. J’étais déjà venu en tant que spectateur ; j’avais pu admirer la grande cohue qui y règne, le bazar ambiant. En tant que comédien, c’est un bonheur de jouer tous les jours, d’avoir du monde ; il fait beau et chaud.
Pierre-Emmanuel Parlato : Tout va bien dans le meilleur des mondes !
Retrouvez L'Ecume des jours, de Boris Vian par la Compagnie Charles est Stone tous les jours au Théâtre le Grand Pavois à 15h40 pendant le OFF d'Avignon