Les Eaux lourdes c’est le genre de pépite d’or que l’on trouve au OFF d’Avignon, ce spectacle d’une rare qualité, sans l’ombre d’une fausse note. Ecrit par Christian Simeon, ce texte aborde sans pudeur l’horreur de l’infanticide, sous fond de souvenirs de la Résistance. Sujet d’une dureté et d’une atrocité sans nom, c’est d’abord et pourtant d’amour, qu’il est question. Cet amour destructeur, ce sentiment de dépendance à l’autre et toute la cruauté dont on peut faire preuve pour récupérer celui sans lequel la vie n’a plus de sens. Une passion sans limites, un grand moment de Théâtre où le spectateur a le souffle coupé par la puissance des comédiens, par cette aisance à incarner le pire, avec un tel charisme. Elisabeth Mazev est cette Médée manipulatrice, cette femme bouleversante qui aime d’un amour mort, une comédienne inoubliable, aux visages infinis. À ses côtés, l’attachant Arnaud Aldigé, le fils objet, l’illuminé sous contrôle, machine de celle qui l’a enfanté. Puis, l’homme brisé, le père détruit, mais sous l’emprise de la dépendance de ses sentiments, est brillamment interprété par Christophe Vandevelde. Enfin, la somptueuse Julie Harnois, déjà remarquable dans Les larmes amères de Petra Von Kant, au Théâtre de l’Athénée, est l’amoureuse éperdue, qui se débat dans l’ombre de sa rivale. Tous ces personnages se cherchent et se débattent au sein d'un espace cloisoné, lieu de tous les vices. La mise en scène de Thierry Falvisaner renforce une tension palpable et prenante. L'usage de la vidéo amplifie le dernier jeu dans lequel Mara se représente. Enfin, les jeux de lumières, s'accordent avec les retournements incessants entre vérité et manipulation. Nous retiendrons avec beaucoup d'intensité, la première scène, dans laquelle le corps de Christophe Vandevelde, est à peine dessiné, caressé par une lumière qui indique deja la force du propos et les ombres qui suivront.
Retrouvez ce spectacle tous les jours à 14h au Théâtre des Halles pendant le OFF d'Avignon