B’jour à tutti. « Dans la circonscription d'Olivier Faure, la guerre des gauches a recommencé" titrez-vous Mathieu Dejean, d'un reportage par vous mené (9 novembre) auprès d'une population qui semble ne pas comprendre tous les bienfaits que leur a apporté et leur apporte encore le parti Socialiste. J'ai cru décelé de votre immersion dans cette plèbe, l'inquiétude qui est la vôtre à constater qu'elle penche plus du côté de La France Insoumise que de l'usine à bonheur du parti à la rose. Et ce d'autant que c'est la circonscription de son secrétaire général, camouflet insupportable face auquel il est urgent d'en minimiser la portée en introduisant l'idée fort répandue que nous vivons une époque guerrière (en cela je pense que notre vénéré Président peut vous congratuler puisque c'est chez lui une obsession) dans laquelle, en ce qui concerne la Gauche et l'analyse que vous en tirez dans vos articles, l'opposition entre LFI et le PS se résume très souvent à un exercice de style qui consiste peut-être involontairement à ce que nous distinguions bien ce qui est raisonnable et ce qui ne l'est pas. Ainsi dès l'accroche de votre papier, vous nous alertez : il ne faut pas lancer le jeune Yannis sur la France Insoumise, "je les soutiens à mort !" vous répond-il. Je note le point d'exclamation par vous introduit qui suppose, je dis bien suppose, que l'on a affaire à un jeune radicalisé insoumis qui glande avec deux de ses potes au bas d'un immeuble d'une commune ou ses habitants et habitantes regardent passer les trains sans jamais pouvoir monter dedans. Comme vous le préciserez plus tard, le ton est donné et l'angle de votre reportage avec, puisque d'emblée l'on sait que dans cette commune c'est la guerre et que les jeunes sont prêts à mourir pour la France Insoumise. Ou les choses se corsent si j'ose dire, c'est qu'au delà de la métaphore utilisée et pour revenir à l'apaisement dans la réflexion politique, ce qu'ils racontent, c'est une réalité crue, comme le langage qui va avec. Et oui, la mère de Kelvin (un de ses potos) charbonne comme pas possible dans un quartier ou le taux de pauvreté s'élevait à 31% en 2024. Lui aussi est plutôt sympathisant de LFI, sans être engagé. On respire. Enfin pas trop longtemps parce que, et c'est bien connu, les gueux ne se contrôlent jamais. Ainsi de l'épisode où le jeune homme a vu que les affiches collées sur la colonne Morris par Julie Garnier, candidate LFI aux municipales à Moissy, avaient été recouvertes par des affiches blanches et des affiches orange avec "une rose" sur laquelle on pouvait lire "renforcez l'union, rejoignez le Parti socialiste". Et bien comment a-t-il réagi ? Son sang n'a fait qu'un tour, écrivez-vous, et il les a retirées au profit des Insoumis.
Là, je fais une pause dans la lecture de votre reportage pour bien saisir à qui j'ai affaire. Je fais un tout petit retour en arrière. A Moissy, c'est la guerre, les jeunes sont prêts à mourir pour LFI et ils ont le sang chaud. Portrait conforme à l'idée très largement véhiculée que ce mouvement est composé de barbares, ce d'autant que le susdit Kelvin s'indigne "ce qui m'a le plus saoulé, c'est qu'ils aient recouvert l'affiche contre le génocide à Gaza". Jack pot. Je traduis immédiatement pour ciels qui n'auraient pas compris. Kelvin est sympathisant LFI et en plus il a de l'empathie pour les Palestiniens, qui confirme que LFI est liée à l'islamisme radical. Est-ce que j'ai juste jusque là ? Vous concluez ce portrait par une synthèse toute en rondeur "ses mots peu amènes pour le parti Socialiste et l'approbation de ses amis donnent le ton (...) le consensus politique s'est brisé dans la population". Ses mots peu amène à l'égard du PS, doivent-ils être entendu comme la preuve que ces chez gens-là, la bonne tenue n'est pas de mise ?
Survient le "tremblement de terre" lors de la présidentielle de 2022 et deux ans plus tard aux élections européennes, ou LFI réalise de très bons scores dans cette commune. Pire ou mieux selon, tout dépend de l'analyse qu'on en tire, lorsque ces gueux respectent l'accord conclu entre LFI, le PS, le PC et les écologistes (Nupes puis Nouveau Front Populaire), c'est-à-dire votent pour le seul candidat désigné, Olivier Faure, j'en conclue que ces électeurs et électrices de seconde voire troisième zone, ont le sens aiguisé du respect de la parole donnée, et qu'ainsi bien que penchants plus pour la France Insoumise, ils ont permis au premier secrétaire du PS de conserver son siège à l'Assemblée Nationale. Ce qui tenterait à démontrer que ce mouvement et ses électeurs et électrices privilégient l'union à gauche. Constat que vous traduisez dans le paragraphe suivant par "qu'en serait-il si, comme tout semble l'indiquer depuis la non censure des socialistes contre Sébastien Lecornu et l'accord conclu avec lui pour trouver des compromis sur le budget, socialistes et Insoumis partaient divisés en cas de dissolution ?". Ben il me semble que la réponse est déjà dans votre question. A savoir que les gueux que vous avez rencontrés ne se feraient plus bernés par le PS et voteraient pour LFI, compte tenu qu’en matière de compromis, ils savent mieux le gérer avec le premier ministre d’Emmanuel Macron, qu’avec une population, la leur, dont il se contre fiche. On peut le comprendre non, d'autant et vous le rapportez judicieusement que la candidate Julie Garnier (LFI) s'était retirée au profit d'Olivier Faure en 2022 et 2024, lequel une fois confortablement réinstallé dans l'hémicycle, s'est empressé (comme l’ensemble de ses collègues du reste) de renier l'accord qu'il avait passé avec LFI (le PC et les Ecologistes leur ont d’ailleurs emboité le pas). Revirement de costard qui s’ajoute, pour la population de cette commune, au fait comme le déplore la candidate LFI « que les maires PS ne mettent plus les pieds dans les quartiers populaires », ce qui ne les empêchent pas de leur faire une leçon de morale quand à la manière qu’ils ont d’exprimer leur colère. Laquelle doit être en toute occasion modérée parce que bon sang de bonsoir, on n’obtient pas de justice sociale en levant le poing et en parlant haut et fort. Il faut savoir se tenir à table, même si en pareils cas, l’on comprend qu’il y a de moins en moins de choses à mettre dans l’assiette. Critère ostensiblement pas retenu par le PS local lorsque l’étudiant en Sciences Po Quentin Demon, secrétaire de la section PS de Moissy-Cramayel déclare « nous avons obtenu de petites choses, mais ce n’est pas audible pour les gens ». Qu’en termes choisis ces choses-là sont dites. C’est vrai ça, on fait tout pour vous offrir quelques miettes et vous venez pleurnichez. L’étudiant, comme son parti, a la réponse à cette grogne inopportune et le peu de considération des susdits à l’égard de la bataille que mène le PS dans le pays. S’ils ne sont pas audibles, c’est à cause des invectives de ces barbares d’insoumis sur les réseaux sociaux, il dit « "LFI est dans le dégagisme. On a été capable de s'allier parce que nous avons le même idéal de société, mais on diverge sur la méthode. Eux ont basculé du côté de la radicalité (...) Les extrêmes se font monter l'une et l'autre, la société s'hystérise. Au milieu, faire entendre des propos modérés devient compliqué ». Je ne sais pas ce que l’on enseigne à Sciences Po (école prestigieuse), mais confondre l’expression forte de plus de justice sociale avec de la radicalité, c’est admettre ouvertement que le PS, dans son logiciel, admet qu’elle n’existe plus (la justice sociale) et qu’il faut bien faire avec. De plus, l’association ici posée entre les extrêmes (j’ai bien saisi qu’il s’agit du RN et de LFI) est d’une telle stupidité que je comprends dès lors pourquoi nombre d’habitants et habitantes de cette commune n’accordent plus aucun crédit au PS, d’autant que lorsque l’étudiant militant assimile leurs revendications à l’hystérie de la société, il les renvoie à ce qu’il considère d’eux, des moins que rien. Et dans cet aveu conscient ou inconscient, de ressasser en boucle que seule la modération qu’incarne son parti, peut résoudre les maux dont ils souffrent. Un placebo langagier d’une parfaite hypocrisie, sachant et les témoignages le prouvent, que son parti les a abandonné depuis longtemps, préférant se reposer sur la classe moyenne supérieure (c’est d’ailleurs ce qu’avait écrit sans état d’âme Dominique Strauss Khan en 2002 dans son livre « La flamme et la cendre »). Et pour finir la déambulation de Mathieu Dejean à Moissy-Cramayel, dans ce qu’il en relate de la guerre qui y règne il manquait, dans ce tableau trop avantageux pour la France Insoumise un ex de ses militants, Christophe Bosquillon, désormais encarté à « l’Après », la nouvelle boîte à idées créée par Clémentine Autain, Alexis Corbière et Raquel Garrido (entre autres). J’imagine son désarroi lorsqu’il a du faire 10km pour le trouver dans la ville voisine, Cesson. Bon, mais à la guerre comme à la guerre, qu’est-ce que 10km si l’on peut ouvrir un autre front à Gauche et essentiellement contre LFI. Le militant de l’Après se rappelle aussi 2022 « c’était saisissant. Comme partout dans la circonscription, un électorat populaire en déshérence s’est mobilisé pour Jean-Luc Mélenchon. Mais nous avions fait une bonne campagne, qui incarnait un projet, un espoir. Là, la gauche donne à voir un champ de ruines. Sans démarche unitaire, alors que le RN est aux portes du pouvoir, ni LFI ni le PS ne l’emportera », avertit-il, « même s’il en veut au PS de « déconner complètement ». Autrement décodé que fâché avec LFI, il rêve d’un après qui ne serait pas comme l’avant, c’est-à-dire que le PS cesse de nous prendre toutes et tous pour des buses. A mon grand regret, je pense qu’il peut attendre Godot. Quant à Mathieu Dejean (et plus largement la ligne éditoriale politique de Médiapart) qui semble désespérer de ne pas trouver parmi ces gueux, un ou une qui auraient encore un peu de compassion pour le PS, peut-être que la modération à laquelle vous les inviter dans leur vie de merde, ne correspond plus à l’idée qu’ils se faisaient d’une sociale démocratie qui les a relégués aux oubliettes.
Bien à vous tutti