Le Maitron ne peut que se réjouir de la perspective de panthéonisation de Missak Manouchian (MANOUCHIAN Missak - Maitron), deuxième résistant d’origine étrangère à bénéficier de cette reconnaissance nationale après Joséphine Baker en 2021. Annoncé sous le mandat de François Hollande en 2014, le projet ne s’était pas concrétisé au dernier moment. A nos yeux, elle est également internationaliste car le combat antinazi a regroupé sur le sol français une multitude d’engagements de résistants d’origines diverses ( Espagnols, Italiens, Belges, Arméniens, Allemands …) qui en combattant les forces d’occupations dans l’hexagone contribuaient à la Libération de la France mais aussi à la Libération de leur pays de naissance.
On est redevable en grande partie au travail de l’historien Denis Peschanski qui était l’organisateur scientifique d’un colloque au Sénat le 18 février 2023: « Les étrangers dans la Résistance. Vers l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian » avec des apports historiques solides comme ceux de Claire Mouradian spécialiste de l’Arménie, de Renée Poznanski évoquant la mémoire des Juifs, de Geneviève Dreyfus -Armand celle des Espagnols… Ce fut aussi un moment d’implication officielle de personnalités comme l’ambassadrice de la République d’Arménie en France, Hasmik Tolmajian et la secrétaire d’État auprès des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, Patricia Miralles. Celle-ci montra sa détermination à reconnaître officiellement comme « Mort pour la France » des résistants et victimes étrangères, notamment en signant publiquement et solennellement la mention Mort pour la France de Szlama Grzywacz (GRZYWACZ Szlama (Salomon) [dit Szlamek, dit Charles] - Maitron), membre du groupe Manouchian et présent sur l’Affiche rouge. Elle fit cependant comprendre son droit de réserve sur la panthéonisation de Missak, la décision formelle appartenant au président de la République. Notons d’ailleurs qu’avant 1958 cette prérogative appartenait au Parlement.
Sans qu’il s’agisse de la panthéonisation du couple, il semble établi que le corps de Missak sera accompagné de celui de Mélinée Manouchian qui fut l’amour de sa vie, une compagne de résistance et celle qui porta avec détermination sa mémoire. On peut mettre aussi à son actif la protection qu’elle assura à « l’autre Manoukian », « Davidian » (MANOUKIAN Armenak [DAV'TIAN Arben, Abramovitch, dit DAVIDIAN, dit ANDRE] - Maitron) , un ancien trotskyste russe rallié à la lutte et fusillé avec ses compagnons le 21 février 1944, signe de sa non-intégration de la discipline stalinienne. Ce sera l’occasion d’évoquer le question des femmes étrangères dans la Résistance
Vers une panthéonisation en février 2024?
« Mieux que le Panthéon, le Maitron », car tous y sont, les 23 condamnés à mort, 22 fusillés au Mont-Valérien le 21 février 1944 et Olga Bancic (BANCIC Olga [BANCIC Golda, dite Pierrette] - Maitron) guillotinée le 10 mai suivant à Stuttgart car les nazis ne fusillaient pas les femmes en France pour ne pas en faire des martyrs. La panthéonisation aura l’intérêt de relancer l’attention sur les fusillés (un chantier important du Maitron), sur les étrangers et les communistes dans la Résistance. Notons l’intervention de Pierre Ouzoulias, sénateur communiste, qui au nom du PCF déclara : « nous soutenons le transfert au Panthéon d’« un étranger mort pour la France un point c’est tout », écartant donc l’idée d’en faire essentiellement la panthéonisation d’un communiste.
La cérémonie semble prévue pour le mois de février 2024 à l’occasion du 80e anniversaire de la fusillade des membres de l’Affiche rouge. Nul doute qu’elle sera l’occasion de multiples échanges et débats dans lesquels l’équipe du Maitron s’inscrira.
Claude Pennetier