Le Maitron

Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social

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Billet de blog 24 mai 2023

Le Maitron

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Le Maitron, une oeuvre collaborative et militante

Le 29 mars, a été projeté le documentaire « Le Maitron, mémoire de l'histoire ouvrière » de Michèle Rollin aux Archives départementales de Seine-Saint-Denis à Bobigny. Aperçu.

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Cette rencontre, en présence notamment de l'historien Alain Ruscio, a été introduite par Marc Giovaninetti, spécialiste de l'histoire communiste en Seine-Saint-Denis. Elle a été initiée par l'Association Histoire et mémoire ouvrière en Seine-Saint-Denis (AHMO 93), l'une des nombreuses associations locales inscrites dans la « galaxie Maitron ». https://ahmo93.fr/

Ce jour-là, tout a commencé dans la plus pure tradition du dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social par un clin d'oeil à l'actualité. « L’esprit de révolte est inhérent à l’humanité, en ce sens que l’homme veut vivre libre et que, par conséquent, il a été dès ses origines en rébellion contre l’autorité. » souligne Jean Maitron

En effet, en introduction de la présentation du film "Le Maitron, mémoire de l'histoire ouvrière" https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/64084_0 aux Archives départementales de Seine-Saint-Denis, un militant a expliqué que la coopérative audiovisuelle les Mutins de Pangée met à disposition des documentaires engagés en soutien aux caisses de grèves, particulièrement dans la mobilisation contre la réforme des retraites du gouvernement. « Le principe est simple, a t-il dit, choisir un film dans la sélection de la coopération ardéchoise Tenk et des Mutins de Pangée. Fixez un lieu et un horaire de projection, l'argent récolté devant être reversé à la caisse de grève de votre choix. »https://www.lesmutins.org/agenda-des-projections-pour-les https://www.lesmutins.org/des-films-en-soutien-aux-caisses-2593

Une vision du monde

Puis, Claude Pennetier, directeur du Maitron, a animé la discussion avec la salle. Pour lui "le Maitron est plus qu'un dictionnaire, c'est une vision du monde". Ce film est dédié à René Lemarquis, militant syndicaliste de la Fédération de l'Éducation nationale (FEN),  qui fut un contributeur historique du dictionnaire. https://maitron.fr/spip.php?article140277 On y croise aussi le journaliste Bernard Baissat, qui rencontre Maitron en 1977 chez le peintre anarchiste André Claudot à Dijon https://maitron.fr/spip.php?article20083 ou encore André Balent, qui n'a que 21 ans quand Maitron lui fait rejoindre l'aventure. Claude Pennetier a rappellé aussi lors de la rencontre du 29 mars la fidélité exceptionnelle des anciennes éditions ouvrières (devenues éditions de l'Atelier) portées par l'énergie de l'administrateur André Jondeau, militant issu de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) https://maitron.fr/spip.php?article74767 L'ancien directeur éditorial des éditions de l'Atelier Bernard Stéphan apparaît dans le documentaire.   

Le projet initial de Jean Maitron, fils d'instituteurs communistes, qui s'intéresse à l'anarchisme, à Pierre Monatte https://maitron.fr/spip.php?article24500, prend forme en 1955. Il faut neuf ans de travail acharné, avec des correspondants dans chaque département, pour éditer un premier volume. « C’est une œuvre collective et collaborative, interntionale, avec des plans pour l'Afrique, l'Asie.  Il y a eu la Chine, le Japon, le Maroc, l'Autriche, le Royaume-Uni... Une multitude de biographes qui rendent compte d’une multitude d’engagements. » Marianne Enckell, spécialiste de l'anarchisme, poursuit dans le documentaire: « Il y a beaucoup d’historiens, mais il y énormément d’autodidactes, de militants, la plupart  sont bénévoles. C’est ça qui est vraiment intéressant comme entreprise - qui est parrainée maintenant par le CNRS - mais qui a commencé vraiment avec des copains. (…) Ce n'est pas un regard supérieur sur les classes populaires. Ce sont vraiment des participants au mouvement ouvrier et au mouvement social qui y collaborent. » Auteur en 2016 de Voyage en terre d'espoir https://editionsatelier.com/boutique/histoire/104-voyage-en-terres-d-espoir-.html, paru aux éditions de l'Atelier, ouvrage qui propose un chemin à travers des trajectoires militantes contenus dans le Maitron, le cofondateur de Mediapart Edwy Plenel s'est basé sur le principe de sérendipité: « On va chercher un nom comme le député Baudin, puis il y a en gras d’autres noms. Du coup on se dit : « Tiens, ça ramène à celui-là. etc » Et puis on découvre ce que Maitron lui-même avait appelé « cette immense cohorte des obscurs et des sans-grade », toutes celles et tous ceux qui ont porté les idéaux d’égalité, dans le chemin de l’émancipation. Les luttes nous donnent des claques, nous disent, arrête de te lamenter et agis avec ton monde! » https://maitron.fr/spip.php?article77384

La postérité à l'ère du numérique 

La notoriété du Maitron est bien établie quand Jean Maitron décède à Créteil en 1987. L’annonce de sa mort paraît dans Le Monde « Il n'était plus un petit chercheur obscur. » insiste Claude Pennetier.  De son vivant on avait créé l’association Les Amis du Maitron, qui était présidée par Madeleine Rebérioux. On décide alors de faire ce qu’on appellera la journée Maitron une fois par an. L’idée, c’était aussi de remettre le prix Jean-Maitron en soirée, et puis d'animer une journée entière pendant laquelle les correspondants viennent de province. » Après la disparition de Jean Maitron, Claude Pennetier et son équipe mettront le dictionnaire à l'ère du numérique.

« On a immédiatement basculé dans l'informatique qui n'était pas son univers, acheté des ordinateurs, édité les 44 tomes du dictionnaire dans un seul CD-Rom. » Puis, ce sera l'aventure dans les années 2000 du Maitron.fr sous la houlette de Paul Boulland et grâce notamment à un financement de l'Agence nationale de recherche. Celui-ci raconte: « On avait une version papier avec à peu près 500 biographies et puis 2000 biographies supplémentaires dans un instrument numérique. Et au fil du temps on a basculé vers le fait que ces compléments n’étaient plus sur un support physique joint au livre mais sur le site internet du Maitron. »

Barbara Bonazzi, ingénieure de recherche au CNRS complète: « Les auteurs ont leurs propres mots de passe, donc ils rentrent dans la base et ils écrivent leurs notices, ils mettent leurs mots-clés… Mon travail est d'essayer de voir que par exemple que des mots-clés soient pas en double, qu’ils soient pas redondants avec d’autres, etc. On commence par leur demander d’écrire des biographies, mais ils ont pas encore l’accès en ligne. Ils font leur preuves quelque part et puis au bout d’un moment on leur donne l’accès pour qu’ils le fassent eux-mêmes. » Aller vers une « autogestion » des auteurs? C'est en tout cas le sens donné au dictionnaire Maitron-à qui on souhaite longue vie-par son fondateur.

Julien Le Gros

Merci à Renaud Poulain-Argiolas pour son travail de retranscription.

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