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En Cisjordanie, même « le chagrin est devenu une résistance », écrit Basel Adra, co-réalisateur du film « No Other Land ».
Cet après-midi, une grève de la faim a été entamée par l'épouse d'Awda Hathaleen, sa mère, et une soixantaine de femmes du village bédouin palestinien d'Umm al-Kheir.
L’armée et la police israéliennes refusent de restituer le corps d’Awdah, abattu lundi par le « colon violent » Yinon Levi (cf mes deux précédents posts sur le sujet). Prétextant des travaux de terrassement pour l'agrandissement de la colonie de Carmel, celui-ci était venu attaquer des bâtiments du village à coups de bulldozer. Face à l'opposition des habitants, il avait tiré deux coups de feu, dont l'un tua Awdah, qui se tenait à une trentaine de mètres. À un militant pacifiste israélo-américain présent sur place, Yinon Levi a déclaré être « content » d’avoir tué Awdah.
Selon Haaretz.com, l’armée israélienne impose à la famille du défunt des conditions inacceptables pour récupérer son corps : aucune tente de deuil ne doit être installée près de sa maison, son enterrement ne peut avoir lieu dans son village, et le nombre de participants aux funérailles doit être limité à 15 personnes. La famille a rejeté ces conditions inhumaines, qui ont déclenché la grève de la faim.
Pendant ce temps, quatre habitants du village ont été présentés ce matin à un tribunal militaire : ils sont accusés « d'émeute » pour avoir jeté des cailloux sur le bulldozer. Le meurtrier, lui, est sous le coup d'une enquête pour… « homicide involontaire ». La juge l'a placé jusqu'à demain en « résidence surveillée, sous la supervision de sa femme et de sa belle-sœur »… Autrement dit, chez lui : dans son « avant-poste », construit illégalement près d'Hébron, qui sert de base arrière à ses actions régulières contre les paysans palestiniens de la région.
Au lendemain du meurtre d'Awda Hathaleen, le ministre israélien de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir s'est réjoui, selon Haaretz, lors d’une conférence de son parti, que depuis sa prise de fonction, la police israélienne a changé son approche envers les colons et les militants d’extrême droite en Cisjordanie.
Le mouvement Yesh Din ييش دين יש דין (Volontaires pour les droits humains) vient d'ailleurs de rapporter le décès d'un autre Palestinien de Cisjordanie : Hamis Ayad, 45 ans originaire du village de Silwad, mort des suites de l'inhalation de fumée alors qu'il essayait d'éteindre un incendie allumé par des colons. Le mouvement dénonce la multiplication des « avant-postes », encouragés par le gouvernement qui leur offre entres autres du matériel « de sécurité ».
Les Palestiniens n'ont pas seulement contre eux les colons, le gouvernement, l'armée et la police. On a ainsi appris que la juge qui a relâché Yinon Levi est Chavi Toker, première femme ultra-orthodoxe à avoir accédé à ce poste en Israël. Sa nomination, en 2018, avait été considérée comme « un pas en avant pour la communauté ultra-orthodoxe dans son ensemble ».
En février et mars de cette année, la juge Toker est avait permis à la police israélienne de perquisitionner à deux reprises THE EDUCATIONAL BOOKSHOP, que Le Monde présente comme « une institution incontournable de la vie culturelle palestinienne de Jérusalem-Est », d'y saisir de nombreux ouvrages et d'arrêter ses propriétaires, qui furent détenus pendant deux jours puis placés en assignation à résidence. Leur crime ? Faire vivre la littérature et la culture palestinienne.
Comme l'écrit le mouvement juif-arabe pour la paix Standing Together : « La violence des colons fait partie intégrante de l’infrastructure de l’État. Ce qui s’est passé lundi n’a rien d’un acte isolé : c’est une politique d’État. »