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Billet de blog 23 septembre 2025

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Chronique du 102ᵉ week-end de « guerre » à Gaza, entre reconnaissance de l’État palestinien et pressions sur l’Égypte pour déplacer les Palestiniens dans le désert du Sinaï…

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Illustration 1
« Fragile » © Mahmoud Alhaj

Le 102ᵉ week-end avait marqué l’entrée dans l’automne — le troisième depuis le début de la « guerre ». C'était un week-end de grandes manœuvres : militaires, bien sûr, mais aussi médiatiques et diplomatiques. Bataille de sondages, déferlante sur les réseaux, chantage à l’antisémitisme, tribunes dans la presse et Charlotte Gainsbourg en guest-star.

Israël avait sorti le grand jeu pour dissuader des alliés de toujours — Australie, Canada, France, Portugal, Royaume-Uni… — de reconnaître l’État palestinien. On peinait à comprendre tant de fébrilité face à un geste à la fois tardif et impuissant à infléchir les massacres, déplacements, destructions et annexions en cours. À Gaza, il n’y avait plus assez de vergers pour offrir un peu d’ombre en été, ni d’oliviers pour marquer les récoltes d’automne. 

La hasbara, pourtant, vitupérait dans toutes les langues : la reconnaissance de l’État palestinien minerait les « efforts pour un cessez-le-feu », récompenserait le terrorisme et mettrait en danger les otages… Oubliant au passage que le gouvernement israélien avait lui-même saboté les médiations — allant jusqu’à bombarder des négociateurs au Qatar —, qu’il avait abandonné les otages depuis la rupture unilatérale du cessez-le-feu au printemps, et que la généreuse patience de ses alliés se fanait peu à peu.

Il avait fallu 101 semaines à la présidente de la Commission européenne pour proposer un premier paquet de sanctions… que l'Allemagne n'allait pas manquer de bloquer. Quant à la France, pourtant fière initiatrice du mouvement de reconnaissance de la Palestine, elle n'en appliquait toujours aucune.

Israël, lui, avait moins d'états d'âme. Son gouvernement menaçait immédiatement quiconque reconnaîtrait la Palestine : représailles diplomatiques, annexion de la Cisjordanie, et peut-être même sanctions américaines — on allait bientôt le savoir. 

Israël entretenait avec la notion de consentement un rapport à géométrie très variable.

Depuis 1948, gagner une guerre signifiait pour lui la conquête d'un territoire — tout en laissant ses habitants sans droits —, une logique pourtant bannie par le droit international après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

En revanche, lorsqu’il s'agissait de respecter les résolutions de l'ONU, ou de mettre fin à sa « guerre » actuelle, il était hors de question de céder aux injonctions étrangères. 

Quand des habitants « exprimaient le désir » de quitter Gaza après 102 semaines d’apocalypse, son organe de gestion des territoires occupés, le COGAT (Coordination of Government Activities in the Territories), s’empressait de faciliter leur départ — mais sans garantir leur retour, soulignait Le Monde.

Et lorsque l’Égypte refusait obstinément d’accueillir les Palestiniens de Gaza dans le désert du Sinaï, au motif qu’un tel transfert reviendrait à liquider la question palestinienne, le Premier ministre israélien s’en offusquait : « La moitié de la population de la bande de Gaza veut partir. Ne sommes-nous pas en train, non pas de les expulser, mais de les emprisonner de force à l’intérieur ? Tous les chevaliers des droits de l’homme, où sont-ils ? Lorsqu’il s’agit de quelque chose qui sert Israël, il n’y a plus de droits de l’homme, même quand il s’agit du droit fondamental de permettre à chaque Palestinien de partir », déclarait-il, au 102ᵉ week-end, dans une interview à un canal Telegram israélien.

Bizarrement, cette soudaine ardeur pour le libre choix des Palestiniens ne l’incita pas à ouvrir le poste frontière d'Erez pour les accueillir dans le Néguev israélien.

C’est son voisin égyptien qu’il avait dans le collimateur, au point de se montrer contrarié lorsque celui-ci renforça sa présence militaire aux abords du poste frontière de Rafah, afin d’empêcher tout transfert de population.

À la veille de l’équinoxe d’automne, le Haaretz révélait d'ailleurs que le Premier ministre israélien avait demandé à son homologue étatsunien d’intervenir pour faire cesser cette situation intolérable.

Quel gâchis ce serait, pensait-il, d’avoir minutieusement rasé la bande de Gaza, créé une situation humanitaire insoutenable et déplacé les habitants aux portes de l’Égypte… pour devoir les laisser là.

Gwenaël Breës

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