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Tribune 13 octobre 2023

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En finir avec un système de santé à bout de souffle !

Des « sans-dents » pour qualifier les plus précaires de notre pays, ce sont les mots d’un président qui avait provoqué une vague d’indignation. Depuis cette formule pleine de mépris, le système de protection sociale en France, fierté du pays en matière de soins et de conquêtes sociales, s’est détérioré d'année en année, affectant principalement les personnes les plus modestes.

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Des « sans-dents » pour qualifier les plus précaires de notre pays, ce sont les mots d’un président qui avait provoqué une vague d’indignation. Depuis cette formule pleine de mépris, le système de protection sociale en France, fierté du pays en matière de soins et de conquêtes sociales, s’est détérioré d'année en année, affectant principalement les personnes les plus modestes. 

Ces inégalités d’accès aux soins auxquelles n’ont de cesse d’être accentuées par les autorités. vendredi 15 septembre une diminution de la prise en charge des soins dentaires par l’Assurance maladie de 10% annoncée dans l’indifférence générale au mois de juin va prendre effet condamnant ainsi les plus précaires.  

Force est de constater que notre système de santé tend de plus en plus vers un modèle libéral où l'accès aux soins dépend du revenu individuel. La France, autrefois reconnue pour son système de santé solidaire, semble s'éloigner de cet idéal. Les conséquences de ces politiques se font ressentir dès le plus jeune âge. En grande section de maternelle, un quart des enfants d'ouvriers souffrent de caries non soignées, tandis que seulement 4 % des enfants de cadres connaissent ce problème. 

Un système de santé qui vise la rentabilité

La santé constitue notre bien précieux et devrait échapper aux logiques lucratives. Le système français public de soins dentaires repose à la fois sur la primauté d’un modèle libéral exigeant du soignant la rentabilité des soins, et une offre dans laquelle les actes non plafonnés largement plus rémunérateurs ne sont pas accessibles pour les patients les plus modestes. Conséquence : certains dentistes bâclent les soins « Sécu », ou refusent les patients en CMU ou en AME. C’est le sens d’une enquête de 2019 du Défenseur des droits qui montrait que 9 % des chirurgiens-dentistes ont refusé de recevoir des patients s’ils bénéficient de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ou de l’Aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS). Les refus de soins à l’égard des patients “CMU” mais aussi des plus précaires sont devenues des pratiques routinières au sein de la profession.

Les dents sont un véritable objet politique 

Plutôt que de s'attaquer aux déterminants endogènes et collectifs qui ont un impact sur notre santé, l'État privilégie des campagnes de prévention ciblant les comportements individuels. Cela alimente le gradient social et creuse ainsi un peu plus les inégalités de santé. 

Le journaliste Olivier Cyran dans son ouvrage "Sur les dents. Ce qu’elles disent de nous et de la guerre sociale" a justement rappelé combien la santé dentaire est importante et combien les formes de domination dans notre société se retrouvent concentrées sur la question dentaire faisant de cette dernière un objet politique. Nous devons reconnaître le droit de chacun à bénéficier d'une dentition fonctionnelle, permettant de mastiquer, mordre et sourire. Laissons les dentistes exercer leur art sans se soucier de rentabilité. Revenons à l'idée d'une "odontologie sociale", telle que conçue par Bernard Jeault.

Les politiques de santé de ces dernières années ont eu des conséquences désastreuses, se traduisant par une progression des déserts médicaux, des dépassements d'honoraires, la dégradation de l'hôpital public, l'adoption de politiques managériales et une inaction face aux inégalités sociales de santé. Face à ce constat, il est impératif de rappeler que l'égalité d'accès aux soins est une valeur fondamentale. De nombreux citoyens attachent de l'importance à un modèle de sécurité sociale universelle, et il est crucial de le défendre face aux attaques en cours. 

Il faut s’opposer à ce déremboursement, plus de 14 000 de citoyens ont déjà exprimé leur désaccord en défendant le 100 % Sécu pour les soins bucco-dentaire. Il est temps de se mobiliser collectivement. Un grand nombre d’entre eux ont témoigné de leurs difficultés à payer leurs soins dentaires, les obligeant parfois à prendre des crédits ou à se rendre dans des pays où les soins sont moins chers. 

Nous exhortons ainsi les responsables politiques à conduire une politique publique de santé qui cesse de condamner les français les plus modestes à souffrir honteusement et à devoir renoncer à leurs soins. Pour que plus de présidents en viennent à qualifier les pauvres de “sans-dents”. 

Latifa Oulkhouir, Directrice de l'ONG ~le mouvement