La stratégie politique au niveau national du Front de Gauche semble bien difficile à comprendre. Tiraillée entre sa volonté d'apparaitre comme le recours de gauche à la politique, induisant un discours clivant et le désir de devenir une force électorale majeure, on peine à discerner quelle voie il suit.
Un petit historique
Depuis le succès du Non de gauche au TCE, la nécessité et la volonté d'unir ce que l'on appelle la gauche radicale ou la gauche de la gauche est devenue en priorité. La première tentative pour les élections de 2007, par les collectifs unitaires anti-libéraux (CUAL) fut un fiasco. Elle aboutit à 3 candidats aux présidentielles (Buffet, Bové, Besancenot) qui firent des scores à peu près ridicules.
Mais en 2008, le départ de Mélenchon du PS et la création du Parti de Gauche allait relancer une dynamique qui allait aboutir à la création du Front de Gauche, réunissant le PG, le PDF PCF et divers petits (par la taille) partis.
Certes le NPA n'était pas là, certes les écologistes étaient occupés par leur refondation mais pour la première fois une union large s'était créée, qui semblait prête à durer.
Des résultats encourageants aux différentes élections de 2009 et 2010 allaient permettre de poursuivre cette dynamique et permettre à celui qui était devenu leur leader, Mélenchon, d'enfourner le thème de la révolution par les urnes.
Les présidentielles de 2012: la révolution par les urnes
Le candidat Mélenchon enfourna le thème de la révolution par les urnes, promettant notamment l'avènement d'une VI république et la création d'une assemblée constituante pour la définir. L'enthousiasme de cette union, le talent de tribun de Mélenchon firent de cette campagne un succès indéniable. Parti dans les sondages de 5% pour arriver jusqu'à 17% au coeur de l'hiver, le score final de 11% aux élections était plus qu'honorable.
La stratégie était alors clairement une stratégie de gagner par les urnes et cette présidentielle marquait une étape réussie.
Les législatives de 2012: le duel Mélenchon - Le Pen
Les législatives qui suivaient allait marquer un premier tournant, plus du semble-t-il à une initiative de Mélenchon qu'à une stratégie concertée des partenaires du FDG à l'initiative du comité de campagne du FDG.
En se présentant contre Le Pen à Hénin-Beaumont, avec l'objectif avoué de la faire chuter, Mélenchon allait attirer les feux médiatiques sur ce duel, faisant par là-même passer à la trappe, du point de vue médiatique et donc de beaucoup d'électeurs, les thèmes qui avaient fait de la campagne présidentielle un succès.
Le Front de Gauche commença alors à apparaitre (je dis bien apparaitre et non être) plus comme un mouvement au service de l'homme Mélenchon que comme un mouvement d'union.
Ajoutons à cela l'échec de Mélenchon (qui ne passa pas le 1er tour alors que Le Pen accéda au second) et les scores beaucoup plus modestes des autres candidats et nous ne pouvons que constater que ce premier virage ne fut pas très bien négocié.
Les grandes marches tous les 6 mois
Dès le début du septennat quinquennat, Mélenchon s'engagea dans une opposition quasi systématique à la politique du gouvernement (ce que l'on peut comprendre sur le fond), ce qui se traduisit par des interventions très critiques dans les médias et l'organisation de grandes manifestations.
Cependant on peine à voir quel objectif se cachait derrière ces manifestations. Certes elles furent des succès sur le plan du nombre de participants mais toujours sans lendemain, elles donnent surtout l'impression de grands coups d'épée dans l'eau.
Sur le plan médiatique, l'antipathie que Mélenchon porte aux commentateurs politiques médiatiques, dont ceux-ci qui plus est savent parfaitement jouer, le firent apparaitre comme un personnage en colère permanente mais surtout brouillèrent complètement le fond de son discours.
La Bretagne
Bien entendu, la politique de Hollande n'a pas entrainé seulement une opposition de gauche mais aussi une opposition de droite et d'extrême-droite: opposition au mariage gay, mouvement des pigeons, ras-le-bol fiscal.
La Bretagne connait pendant cette période une crise particulièrement grave de sa principale industrie, l'agro-alimentaire, entrainant fermeture d'usines et suppression de milliers d'emploi. Depuis cet été, la révolte a commencé à gronder contre ces suppressions d'emploi. Mais la révolte légitime de ces ouvriers commença à se mêler à celles des nantis, pigeons et autres patrons de l'agro-alimentaire ou du transport breton.
Soyons juste. Peu de monde, au niveau national, avant cette manif des agriculteurs et patrons bretons qui détruisirent des portiques écotaxe, n'avait relevé la colère alors parallèlle de tous ces ouvriers licenciés ou en passe de l'être. C'est seulement quand ces agriculteurs et patrons décidèrent de se joindre et de récupérer la manifestation de Quimper que cela devint une affaire nationale.
Il faut reconnaitre au FDG et à Mélenchon le fait d'avoir saisi dans l'urgence le danger d'une telle collusion d'intérêts contraires, mais la réponse clivante qui y fut apportée, en traitant les ouvriers qui allaient manifester à Quimper de nigauds et esclaves risquent de le couper longtemps d'une partie du monde ouvrier.
Ce qui dans une stratégie de victoire (révolution) par les urnes est quand même problématique. Cela veut-il dire que le FDG a changé de stratégie? Mais dans ce cas, laquelle?
Et maintenant?
Et maintenant, nous avons le nouveau thème de la révolution fiscale et d'une nouvelle grande marche pour la défendre. Car l'air du temps est au fiscal: le ras-le-bol fiscal de la droite (et d'une grande partie des français, il faut bien le reconnaitre), la remise à plat fiscale du gouvernement (que celui-ci ressort de sa boite à promesses après l'avoir oubliée si longtemps) et la révolution fiscale de Mélenchon (qui n'a rien de révolutionnaire si cela consiste simplement à ne pas augmenter la TVA).
En réalité, le FDG de Mélenchon ne semble plus que réagir par à-coups à l'actualité plutôt que de mener une stratégie réfléchie visant à pouvoir être un jour en mesure d'appliquer son programme.
Ce qui pour toute personne se situant à gauche ne manque pas de désespérer. Entre un PS menant la politique que l'on sait, un EELV plombé par sa participation à ce même gouvernement, un NPA explosé, un LO égal à lui-même et un FDG dont on ne voit pas où il veut aller, il y a de quoi désespérer tout électeur de gauche.
Alors sans espoir? Si mais probablement hors des partis politiques.