AUTISME : UNE PLURALITÉ DE MODÈLES POUR UNE PLURALITÉ D'INDIVIDUS
En effet, comme le constatent tour à tour les pays anglo-saxons, il est urgent de changer de modèle. Le modèle unique prôné par le lobby comportementaliste ne peut plus prétendre à l'exclusivité: il peine à faire les preuves de sa pertinence, et le moins qu'on puisse lui demander, c'est qu'il remette sur le métier son ouvrage, afin de proposer un modèle plus adapté aux difficultés des personnes autistes. Il existe d'autres approches intéressantes qu'on aurait tort de condamner, car des résultats prometteurs commencent à apparaître.
Le 28 novembre, un article intitulé "Autisme: il est temps de changer de modèle", a recueilli des signatures de scientifiques dont certaines sont prestigieuses, et d'autres sont connues pour être les cautions scientifiques du lobby comportementaliste.
Nous voulons croire que les scientifiques dignes de ce nom n'ont pas lu une ligne de la proposition Fasquelle qu'ils viennent faire mine de cautionner, en choisissant cette date opportuniste pour s'exprimer, quelques jours avant le vote de cette résolution inappropriée :
- Aucun, en tout cas, n'a relevé la grossière coquille des 800 000 naissances d'enfants autistes en France, supérieures au nombre total de naissances et supérieures au nombre total des personnes autistes annoncé au début de la phrase !
- Aucun scientifique, s'il s'était donné la peine de lire le texte de Monsieur Fasquelle et de se renseigner sur la source des chiffres avancés, ne trouverait sérieux le calcul qui mène au chiffre de 44% de personnes autistes qui seraient victimes de maltraitances dans notre pays : il s'agit de l'extrapolation d'une enquête menée sur 538 familles dont 236 ont répondu à la question suivante : « votre enfant a-t-il subi des mauvais traitements ou des carences en matière de soin ? ». C'est un peu léger !
La mise au point des personnalités scientifiques signataires de l'article du Monde n'est nullement en contradiction avec les principes que nous défendons. Pour le dire autrement, le modèle scientifique décrit au début de l'article est le modèle de tous :
- la nécessité de nous tenir informés au jour le jour des avancées scientifiques concernant l'autisme, est fondamentale pour nous qui sommes des parents ou des professionnels et souhaitons apporter toujours le meilleur aux enfants dont nous avons la charge. Elle est d'autant plus fondamentale que des groupes de pression, des lobbies, voudraient nous faire prendre des vessies pour des lanternes et nous faire valider comme scientifiques des techniques qui sont, au mieux, des constructions hypothétiques à vérifier par des protocoles plus rigoureux que ceux qui sont proposés à l'heure actuelle. La HAS l'a bien compris en ne leur attribuant que le grade B, seul le grade A étant le garant de la preuve scientifique.
- l'autisme est une affection neuro-développementale, tout le monde est d'accord là dessus. Ça ne donne aucune indication thérapeutique particulière ... hélas!
- la génétique doit être prise en compte, même si personne, jusqu'à ce jour, ne peut expliquer la cascade des évènements qui vont du gène muté au tableau clinique autistique. C'est une évidence. Mais la découverte d'une mutation génétique ne donne que dans de très rares exceptions une piste thérapeutique.
- les neurosciences ont progressé ces dernières années, certes. Des découvertes intéressantes ont été faites, c'est un fait. Cependant aucun modèle neurobiologique qui rende compte du phénomène autistique n'a pu être établi. Aucun traitement spécifique n'en découle. Les parents sont bien placés pour savoir que le miracle ne s'est pas encore produit.
- que des facteurs environnementaux toxiques puissent intervenir, en interaction avec la génétique, pour devenir un facteur de vulnérabilité à l'autisme, nous ne contredirons pas cela. C'est un sujet de recherche.
Que demandent-ils donc de changer?
La deuxième partie de l'article est plus discutable. Nous pourrions dire que la première partie énonce les quelques éléments de base que nous pouvons poser pour situer le problème de l'autisme, mais que le lien à la seconde partie tient plus de la foi que de la science.
En effet, nous aimerions que les auteurs de cet article nous expliquent de manière plus détaillée ce qui les amène à déduire du cadre élémentaire posé, que nous ne contredisons pas, la nécessité du choix des méthodes éducatives et comportementales.
Nous soutenons qu'il n'y a strictement aucun rapport rationnel entre ces faits scientifiques encore flous, mais avérés, et la nécessité d'une prise en charge éducative ou comportementale.
- s'il s'agissait d'éducation, les parents d'enfants autistes n'étant pas des parents plus mauvais que les autres, seraient parvenus à le faire. Or, il y a chez les enfants autistes, des prérequis qui manquent pour rendre possible l'éducation. C'est à ce niveau qu'il faut agir, avant d'agir au-delà! En ce sens, la méthode des 3i et la psychanalyse et méthodes intégratives ciblent mieux le nœud du problème.
- pour les méthodes comportementales, elles reposent sur des principes décrits par Pavlov au du début du vingtième siècle et s'appliquaient aux animaux. Ceci nous semble un peu juste pour traiter une affection comme l'autisme qui concerne intimement le langage. Elles permettent d'obtenir dans certains cas, des comportements socialement plus adaptés. Nous reconnaissons que ça peut rendre service à l'entourage. Il serait cependant désastreux d'en faire la seule méthode de prise en charge de l'autisme.
Que ces scientifiques aient décidé d'accorder foi à ces hypothèses et de les mettre au travail à travers leurs recherches, nous le comprenons et le respectons. Que des groupes de pression exigent de les généraliser est inadmissible.
Les recommandations de la HAS de 2012 datent déjà d'il y a près de 5 ans. Pour qu'elles demeurent à la pointe de la science, elles mériteraient d'être révisées dans les plus brefs délais plutôt que d'être imposées comme la "vérité scientifique".
Les militants de la médecine par les preuves (EBM) devraient être plus exigeants sur la qualité de leurs preuves : Il n'y a aucune preuve scientifique qui permette de déduire des affirmations énoncées au début de cet article, que les méthodes éducatives ou comportementales seraient les plus adaptées que d'autres.
Nous appelons donc, comme l'a fait le Président HOLLANDE lors de son discours à la Conférence du Handicap au mois de mai 2016, à la mise au travail d'un "4ème Plan Autisme, qui sera celui de l'apaisement et du rassemblement. Parce que nous devons avoir toutes les réponses et les réponses les plus adaptées, sans préjugés et sans volonté d'imposer une solution plutôt qu'une autre. C'est autour des personnes autistes, enfants et adultes, qu'il faut travailler, en prenant en compte l'avancée des connaissances et l'évaluation des interventions."
Christine GINTZ
Médecin psychiatre
Secrétaire Générale du RAAHP
(Rassemblement pour une Approche des Autismes Humaniste et Plurielle)
Mère d'un adolescent autiste