Au TARMAC - La scène internationale francophone à Paris, le chorégraphe burkinabè Salia Sanou propose du 14 au 18 octobre sa nouvelle création Clameur des arènes.
Trois danseurs. Cinq lutteurs. Quatre musiciens et chanteurs, tous dans un même espace, celui de l’arène.
La lutte est virilité, muscles et sueur. Au Sénégal, la lutte est plus qu’un simple combat, elle est aussi symbole de réussite, phénomène social et enjeu financier. Hors du huis clos sportif, hors-champ, elle est métaphore de la lutte quotidienne pour la vie, pour la survie.
Pionnier de la danse contemporaine en Afrique, le chorégraphe burkinabè Salia Sanou s’est saisi de ce sport éminemment populaire, de cet art de la force et de la puissance, pour l’amener à celui de la danse. Il en utilise les modes et les codes, les rites et la tension. Il montre le jeu, le regard, l’intimidation, la parade. Il en restitue la part d’ombre et de lumière, lorsque la force se fait plurielle et que les esprits et les sortilèges se joignent à la fête.
L’arène devient la scène, un espace de liberté du corps, de l’expression, de la sensualité. Elle est danse, élégance et musique avec la complicité du chanteur et compositeur camerounais Emmanuel Djob.

Entretien avec Salia Sanou (réalisé par Bernard Magnier pour Le TARMAC)
3 danseurs, 4 musiciens et … 5 lutteurs vont participer au spectacle Clameur des arènes. Comment est née cette idée de travailler autour de la lutte ? Avec des lutteurs sénégalais ?
Salia Sanou : Enfant puis adolescent, j’ai pratiqué ce sport de combat très ancré dans la vie socio-culturelle et sportive en Afrique.La lutte illustre pour moi les combats que chacun doit mener tout au long de sa vie. Manger ou être mangé, avancer ou reculer, résister ou disparaître, l’existence humaine n’est qu’une inexorable succession de batailles. Je mûris le projet de Clameur des arènes depuis très longtemps car il illustre pour moi une confrontation passionnante du spectaculaire en Afrique. Au Sénégal, la lutte est encore plus populaire que le football. Mais je ne souhaitais pas proposer un spectacle de lutte tel qu’il peut être produit dans son contexte en Afrique. J’en ai gardé certains codes qui m’ont profondément marqué enfant puis lorsque j’ai assisté à des combats de lutte. L’émotion première se base sur le rassemblement, sur l’aspect bigarré de la foule, sur l’ambiance générale qui peut ressembler beaucoup à celle que suscite dans le sud de la France l’attente d’une corrida.
Que représente pour vous la lutte sénégalaise ?
La question du rituel, qu’il s’agisse de la corrida, ou ailleurs des combats de coqs, confronte l’animal à l’homme. Dans un spectacle de lutte africaine ce sont deux hommes qui se produisent, ils appartiennent à des écuries (étrange lien avec l’animalité !). Dans chacune, les lutteurs se référent à la sagesse et à l’autorité d’un marabout. Avec toute la charge émotionnelle que représente la victoire comme la défaite, c’est dire tout le poids symbolique d’un combat.
Vous avez travaillé pour ce spectacle avec Emmanuel Djob. Quelles sont les raisons qui vous ont guidé vers ce musicien et chanteur ?
Emmanuel est un grand musicien qui cultive un répertoire unique entre gospel, jazz, groove et swing. Nous avions déjà travaillé ensemble pour Au-delà des frontières, pièce que j’ai créée en 2012.
Pour Clameur des arènes, je souhaitais m’éloigner du contexte traditionnel et donc également des chants qui d’habitude accompagnent les combats. J’ai commencé à travailler sans musique, Hughes Germain, créateur sonore du spectacle nous a ensuite proposé pendant les répétitions des sons que lui évoquait l’arène. Plus le travail chorégraphique avançait et plus j’ai été amené à sous tendre un sens politique à Clameur des arènes, à savoir que le corps noir aujourd’hui peut être la projection d’imaginaires multiples et que la manière dont on le donne à voir dans son étrangeté, dans sa différence, peut susciter une réflexion qui me paraît toute contemporaine, et plus que jamais essentielle.
La composition musicale proposée par Emmanuel Djob n’a pas échappé à cette réflexion. Nous avons choisi de travailler sur une évocation qui dessine elle aussi, de manière parfois volontaire et un peu décalée, les contours symboliques
Comment s’élaborent vos chorégraphies ? Seul ? Avec vos danseurs ? Après un travail théorique préalable ? Durant le travail sur le plateau ?
Je commence toujours par un long travail à la table avec mes collaborateurs. De ces échanges vont naître des orientations dramaturgiques que chacun va ensuite décliner, Mathieu Lorry Dupuy pour la scénographie, Eric Wurtz pour la lumière, Emmanuel Djob et Hughes Germain pour la musique. Le processus créatif se construit... de la même façon avec les interprètes avec qui je cherche à partager le sens du projet.
Quelles ont été les grandes orientations de votre travail ?
En rassemblant lutteurs et danseurs, j’ai souhaité donner à voir sur le plateau la rencontre de ces deux arts. Nous avons commencé les répétitions en travaillant des figures de lutte auxquelles je proposais d’entrecroiser des temps de danse plus écrits.
L’enjeu de cette création a été pour moi de diriger des lutteurs qui ne luttaient pas dans le contexte traditionnel et des danseurs qui devaient s’éloigner le plus possible des danses traditionnelles. Il s’agissait de créer un espace purement contemporain dans une installation métaphorique rappelant les couleurs de l’arène à savoir le rouge et le blanc. C’est ainsi que je me représentais la couleur du spectacle. Pour cela, chacun a été amené à se déplacer de sa pratique habituelle, qu’il s’agisse de la lutte ou de la danse.
Dès le début des répétitions, j’ai été fasciné et nourri par le matériau corporel et physique des lutteurs. Les quatre temps forts des différents tableaux présentés se sont construits à partir de la dimension de cérémonial, de temps purement inscrits dans la rencontre danse et lutte. Enfin, il s’agissait aussi de donner la possibilité au public de danse contemporaine de découvrir cet art du combat et ce qu’il illustre du mouvement entre tradition et modernité.
Si vous deviez définir votre travail chorégraphique en quelques mots, comment le définiriez-vous ?
Vivant entre deux rives, l’Afrique et le Languedoc-Roussillon, et tout particulièrement à Montpellier, la question des frontières est au centre de mon travail. Mon parcours de chorégraphe s’articulant d’un espace à l’autre, se nourrit de cette double appartenance.
La question des frontières rejoint aussi la dimension du politique. Lorsque je parle de politique, je pense bien sûr à l’Afrique, à l’artiste africain et au regard que l’on peut porter sur mon travail.
J’essaie progressivement d’amener le public africain à voir d’autres formes de création, comme j’essaie, hors d’Afrique de partager une démarche singulière.
CLAMEUR DES ARÈNES
du 14 au 18 octobre 2014 - Le TARMAC (159 avenue Gambetta - 75020 Paris) - Info & résa : www.letarmac.fr
mardi, mercredi, vendredi à 20 h - jeudi à 14 h 30 - samedi à 16 h
durée 1 h
conception et chorégraphie Salia Sanou
musique créée et interprétée en direct Emmanuel Djob
avec les danseurs Ousséni Dabaré, Jérôme Kaboré, Ousséni Sako
avec les lutteurs Adama Badji (Feugueuleu 2), Ababacar Diallo (Baye Ndiaye), Cheikh Ahmed Tidiane Diallo (Sentel), Bouyagui Diouf (Missionnaire), Babacar Niang (Geant)
avec les musiciens Emmanuel Djob guitare & chant, Bénilde Foko basse, Elvis Megné clavier, Séga Seck batterie
création sonore et mix live Hughes Germain
scénographie Mathieu Lorry Dupuy
lumière Eric Wurtz
régie générale Rémi Combret
administration de production Stéphane Maisonneuve
Production Compagnie Mouvements perpétuels
Coproduction Festival Montpellier Danse 2014 dans le cadre d’une résidence à l’Agora,
cité internationale de la danse, le Théâtre Scène nationale de Narbonne, l’Arsenal – Metz en scène, Centre chorégraphique national de Montpellier Languedoc-Roussillon (programme résidence), Le TARMAC – La scène internationale francophone.
Avec la collaboration du Centre de Développement chorégraphique La Termitière (Ouagadougou),
de l’Ecole des Sables (Toubab Dialaw - Germaine Acogny), des écuries de lutte sénégalaise Lansar
et Rock énergie, de l’Institut français de Ouagadougou, de l’Institut français de Dakar et de l’Ambassade de France au Sénégal
Avec le soutien de la Région Languedoc-Roussillon, du ministère de la Culture et de la Communication (DRAC Languedoc-Roussillon), de l’Organisation Internationale de la Francophonie, de l’ADAMI,
de la Spedidam et d’Agnès B
Ce spectacle reçoit le soutien de Réseau en scène Languedoc-Roussillon
Remerciements Patricia Carette, Valérie Urrea, Antoine Tempé, Oumar Sall et le Groupe 30 Afrique, Compagnie Quasi - Alain Béhar, Max Mbargane et toute l’écurie Lansar, Modou Lo, Pape Mbaye et Ass de l’écurie Rock Energie, le Comité National de Gestion de lutte au Sénégal