Soumissions

Le chat est sorti de l’appartement : il a profité de la porte ouverte pour s’échapper. L’extérieur lui est interdit depuis toujours à l’exception du petit balcon totalement grillagé pour qu’il ne tombe pas. Des filets sont tendus à chaque fenêtre et la vue est abimée par ces croisillons de cordes. Le chat n’est approchable par personne : il peut très vite griffer, cracher. Sa maîtresse seule peut le câliner. Mais là, sur le palier, elle a bien du mal à lui faire reprendre le droit chemin de sa prison dorée : il se rebelle, il crache, il feule avec une puissance impressionnante. La maîtresse s’exaspère, elle crie mais sa voix est très mal assurée, brisée. Son visage est empourpré. L’amie de passage a descendu mollement plusieurs marches pour peut-être empêcher le chat de descendre. Leur regard se croise – dans les yeux et la bouche s’expriment panique et humiliation. Le chat collé contre le mur se tient toujours face à elle, hurlant. Pourquoi n’aurait-il pas droit à une vie de chat douce et libre entre intérieur confortable et extérieur plein de découvertes, d’amusements, d’imprévus même mortels… ? « Rentre ! » crie-t-elle avec l’index braqué sur la boule de poils qui finit par franchir le seuil tout aplati. Et la lourde porte blindée se referme. L’amie de passage se sauve, elle.