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Billet de blog 21 octobre 2017

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Madame Socker

 Vice-présidente

 A Monsieur le Président

Le 5 février 2017

 Note A 1014

 Confidentiel

Monsieur, le Président, par la présente, je voudrais vous informer des agissements curieux de certains des membres de mon personnel.

           Le jeudi 4 février à 8h10, Madame Lepic, employée au service des ressources Humaines, a franchi le hall d’entrée de notre siège social avec un grand sourire aux lèvres. Mon attention a immédiatement été alertée : la conjoncture ne se prête guère au sourire. Plus curieux encore : elle avait avec elle, en plus de sa sacoche habituelle de travail, un panier en osier vert pomme d’environ 40 cm sur 30 .

            Le même jour, peu après 10 heures, je l’ai à nouveau rencontrée au 4ème étage, à hauteur de l’escalier de secours C. Elle arborait toujours le même sourire. C’est alors qu’elle a croisé Madame Ledoux, sa collègue, elle-aussi employée aux ressources humaines. Leurs bureaux sont mitoyens. Elles n’ont pas échangé un seul mot, mais elles avaient toutes les deux le même sourire entendu et j’ai clairement vu Madame Ledoux faire un clin d’œil à Madame Lepic.

             A 11 heures 10, j’ai vu madame Ledoux marcher en direction de la salle de réunion avec un panier en osier vert, similaire à celui de Madame Lepic. Etait-ce le sien, ou celui de sa collègue ?

Devant tant d’éléments suspects, j’ai pris la décision de me rendre moi-même, accompagnée de mon subordonné Monsieur Ponte, à la salle de réunion où se tenait une réunion collégiale des membres du service R.H.. J’ai immédiatement repéré la présence du panier vert, placé dans le coin gauche de la salle à côté des armoires. Après avoir salué les directeurs et m’être informée de l’évolution des chiffres, j’ai fait mine de m’occuper des fleurs. J’ai enlevé quelques feuilles sèches et j’ai constaté que Madame Lepic discutait à voix assez basse avec Madame Cordier, responsable du service Comptabilité. Je n’ai saisi que quelques bribes : « poésie », « joie », « transparence », « communiquer », « suspicion »-ce qui me semble une piste intéressante. Madame Ledoux, quant à elle, regardait fixement en direction du panier. A la faveur de quelques échanges brefs, elle a réussi à progressivement s’en approcher. Je l’ai entendu parler de « cagette » et « signatures ». Le directeur adjoint des R.H., Monsieur Baguet, m’a alors interpellée sur une question juridique importante. Mais j’ai bien noté, ce qu’a confirmé Monsieur Ponte après coup, que Madame Lepic s’est elle-aussi dirigée vers le panier que regardait fixement aussi Madame Cordier. Madame Ledoux, elle, tout près de l’objet susmentionné, a tendu la main pour le saisir, puis s’est ravisée au dernier moment, glissant sa main dans la poche de sa veste, la remontant aussitôt pour se gratter l’oreille ; geste totalement feint.

            A 13 heures, profitant de la pause déjeuner, j’ai placé dans le bureau de Madame Lepic, sur l’armoire, une tige filetée creuse dans laquelle j’avais préalablement placé une micro-caméra fixe à durée d’enregistrement limitée ; petit système ingénieux et discret aimablement prêté par notre agence de sécurité. Bien évidemment, le panier vert n’était pas dans le bureau de Madame Lepic. Manifestement, elle ne s’en sépare pas ; ce qui renforce mes convictions.

            Le même jour, à 16 heures, un pot étant donné à l’étage des R.H., dans la salle habituelle, j’ai récupéré la micro-caméra. A ma grande déception, ayant sans doute mal dirigé l’objet, je n’ai vu apparaître, en gros plan fixe, que le gros orteil vraisemblablement de Madame Lepic ; gros orteil gauche.

             A 18h30, j’ai vu Mesdames Lepic et Ledoux sortir ensemble des toilettes situées dans le hall d’entrée. Elles avaient toujours ce même sourire complice. Et Madame Lepic portait bien son orteil gauche (celui susmentionné). Mais, aucun panier.

             10 minutes plus tard, Madame Cordier est passée avec un panier vert à la main.

             Je continuerai, Monsieur le Président, à vous tenir informé de l’évolution de la situation et de mes investigations. Je vous remercie de votre attention, dont je ne doute pas dès qu’il s’agit de notre grande famille.

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