« La pensée de la précarité m’accompagne en toute occasion : en mettant, ce matin, une lettre à la poste, je me disais qu’elle s’adressait à un mortel » Cioran
Ils sourient, ont l’air confiant et sûr. Ils forment une famille : le père, la mère, les deux enfants. La fillette est à la gauche de sa grand-mère. La table est ronde avec un bouquet de roses coupées très court pour que chacun puisse se voir et discuter avec aise. Je les regarde et je pense au hasard, à l’accident-tous ces ingrédients initiateurs de la vie. Au miracle aussi. Rien de grave encore, là, n’est arrivé à ce petit groupe autour de la table. Un miracle ordinaire comme celui dans la rue où les voitures s’arrêtent à des feux quand ils sont rouges et redémarrent quand ils sont verts, où les piétons marchent sur des trottoirs et traversent sur des bandes blanches. Et rien ne dévie. Des petits miracles ordinaires. Et je les regarde encore, émerveillée et horrifiée. Ce qui les attend est terrifiant. Alors, comment font-ils ? Comment font-ils pour vivre, là, tout près de moi, dans un bonheur si fragile et mortel ?