J’ai abandonné mes legos avec joie parce qu’on m’a dit : « Viens mettre tes chaussures. On va au Leclerc avec ton père. Dépêche-toi ! » J’aime bien aller là-bas : il y a plein de choses, des centaines de rayons et des millions de jouets, plein de camemberts aussi et des yaourts de toutes les couleurs.
Dans la voiture, personne n’a parlé, je crois. Quand il m’en a fait descendre, mon père m’a donné le jeton à mettre dans le caddie. Je me suis mis à courir de joie. Mission caddie, Capitaine Lucas ! Il a crié : « Fais attention aux voitures ! ». Alors, j’ai ralenti et je suis bien resté sur la gauche, tout près des voitures garées et j’ai tourné sous l’abri où tous les caddies sont rangés. J’ai mis le jeton et ma mère a tiré pour détacher le chariot. Là, mon père m’a soulevé de terre. Je suis resté interdit parce que j’ai compris et j’ai dit « Non, non, pas ça ! ». Mon père a continué, il m’a intégré dans le caddie sur le siège, chaque jambe pendant dans un trou de fer. Je pleure, je pleure…. Je ne veux pas ça. Une dame m’a regardé. Elle avait l’air gentil. Je me suis dit qu’elle allait faire quelque chose pour moi sans doute et me sortir de là. Comme je pleurais toujours, mon père a hurlé sur moi : « Bon, ça suffit, tu vas pas commencer ! » La dame l’a regardé et a tourné la tête. Elle est partie. J’ai pleuré encore, doucement. Il me fait peur quand il est comme ça, mon père.
Mais, qu’est-ce qu’ils ont, les grands ?