Surface et profondeurs

Telle une petite fille prise en faute, et sans la moindre demande de justification de son interlocutrice, elle énumère les raisons pour lesquelles elle ne l’a pas contactée depuis plusieurs semaines : « Tu sais, la grande est toujours là, en télétravail, et elle a bientôt un examen important ; il m’est donc difficile de recevoir. Mon père est malade aussi. Et j’ai eu quelques soucis de santé ; enfin rien de grave. » C’est une liste scolaire, que l’on dirait préparée et bien récitée. Des pensées affluent : « … ne jamais se retrouver dans une telle posture à 55 ans passés…Vigilance, vigilance…  la raison essentielle manque sans doute :  je n’en ai pas eu l’envie ; pas eu l’envie car tu me déranges, me fais peur, m’ennuies, me déçois, me fais mal, m’agaces, m’abîmes… pas eu l’envie car je suis trop fatiguée, trop occupée, trop triste, vulnérable… La palette est large et subtile…  Et pourquoi ne l’avoir pas contactée ? La réponse semblait assez évidente : l’ennui de la comédie qu’elle jouait trop souvent ; une moquerie puérile et méchante aussi sur des sujets ou intimes ou futiles, voire de l’hypocrisie ; et aussi une raideur dans la pensée que le corps avait d’ailleurs fini par absorber …  une certaine forme de limite, en somme, de répétition et donc de vide… une attente d’autre chose : celles et ceux qui élèvent ; les nécessaires intelligence, sensibilité et profondeur dans l’échange, elles-mêmes forcément corrélées à la douceur, la politesse, la compréhension et la créativité … Orgueil ? Peut-être ; mais, comment faire fi de l’ennui et de la fatigue bien réels dans la relation ; comment les nier ? … des voix du passé résonnent : « la barre est trop haut. », une autre : «… mais, comment la mettre plus bas ? »... à la façon du fameux « Le moyen, Madame, de renoncer à ce qui plaît ? »…  ricochets, ricochets… D’autres collègues arrivant, la conversation peut s’achever dans la promesse vide d’un « à bientôt ».