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Adjointe à la Maire de Paris en charge des Solidarités, de la protection des réfugiés et de l'hébergement d'urgence

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Billet de blog 16 octobre 2025

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À l'heure de la transmission

J’ai décidé, à quelques mois de la prochaine échéance municipale, de ne pas être candidate pour un 4ème mandat d’élue parisienne. Elue depuis 2008, j’ai beaucoup appris, construit et transmis : le mandat local est certainement le plus beau mandat, et de l’assumer à Paris, lui donne un caractère plus que particulier.

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J’ai eu l’honneur de pouvoir agir de plein de manières différentes à l’occasion de ces 3 mandats dans la mise en œuvre des politiques publiques locales : la politique de la ville, l’emploi et l’ESS (en arrondissement), le social et les Solidarités (en central) ; tous ces sujets m’ont passionnée et continueront de forger la militante de l’égalité des droits et de la justice sociale que je suis, et resterai. J’ai eu l’honneur de rencontrer un grand nombre d’acteurs locaux : des Parisiennes et Parisiens engagés, des responsables institutionnels avec lesquels la collaboration a parfois nécessité de la persévérance, des élu∙es de tous bords, des homologues en région particulièrement précieuses, des citoyennes et citoyens exigeants, des fonctionnaires très investi∙es, des partenaires associatifs dynamiques et innovants… J’ai beaucoup de chance d’avoir pu exercer ces mandats locaux, et autant de fierté d’avoir croisé chacune et chacun.

Dès 2008 j’ai pris conscience que le mandat local est exigeant, prenant, et qu’il impliquerait des choix de vie personnelle et professionnelle. J’ai eu le bonheur durant cette période de devenir maman à deux reprises, ce qui a constitué une force et une détermination supplémentaires. J’ai rapidement choisi de mettre de côté ma vie professionnelle, considérant que les responsabilités afférentes à mon mandat ne permettent pas d’exercer une autre activité en parallèle. J’ai hâte de pouvoir reprendre du temps pour moi, pour celles et ceux qui m’entourent, et pour poursuivre ma vie professionnelle, dès la fin de ce mandat.

J’ai toujours envisagé mon mandat d’élue comme un engagement politique. J’ai été élue comme socialiste sur les listes de Bertrand Delanoë en 2008, et en 2014 sur celles d’Anne Hidalgo. Puis en 2020, après avoir quitté le PS en 2017, j’ai été élue au nom de Génération∙s sur les listes conduites à nouveau par Anne Hidalgo. À chacune de ces élections, le cadre pluriel de la majorité a permis de conserver la gestion par la gauche de notre ville, et j’ai toujours été convaincue que ce que nous faisions au niveau local pouvait montrer la voie de ce qu’il fallait faire au plan national. Mais je ressens aujourd’hui une forme d’usure face aux logiques d’appareils, aux négociations et stratégies internes qui font perdre tant d’énergie aux responsables politiques. Alors que l’extrême droite est aux portes du pouvoir, notre seule urgence devrait être l’union, sans exclusive ni arrière-pensées. Or cette union tarde à se construire, et beaucoup, comme moi, sortent de ce jeu politique meurtris et désabusés.

Je dois dire aussi que ce dernier mandat fut très éprouvant. Nous avons surmonté de nombreuses crises : la crise sanitaire, la guerre en Ukraine, la crue, les vagues de froid, en alternance avec les canicules, les mouvements sociaux, l’inflation. Il a été complexe de mener à bien nos projets de mandature dans ce contexte de crises, pour certaines sans précédent.  

Depuis 6 ans, certaines difficultés ont particulièrement complexifié le pilotage de la délégation que m’a confiée la Maire de Paris. Tout d’abord dans les relations avec les représentants locaux de l’Etat, sous toutes ses formes : je n’avais pas pleinement mesuré le niveau de déliquescence du service public national avant la pandémie. Nous subissons les conséquences de décennies de réduction des moyens, des statuts et des fonctions de celles et ceux qui portent ce service public, qui constitue pourtant le patrimoine de celles et ceux qui n’en ont pas. Je n’avais pas non plus imaginé que le Président arrivé en 2017 agirait avec autant de brutalité à l’égard de ce qui fonde le pacte social, la nation, et la République, et que cela produirait des effets aussi rapides dans le fragile équilibre d’ordre public social qui restait en place à Paris. Enfin, je n’avais pas anticipé à quel point notre ville était si contrainte par l’Etat. Le préfet de Police, qui siège aux cotés de la Maire de Paris en conseil municipal, impose son récit, et le récit des huit gouvernements qui se sont succédés depuis 2020, niant trop souvent la réalité de la situation parisienne.

Ce fut un mandat de grandes décisions et de gestion des politiques publiques de solidarité. D’abord parce qu’avoir une vision à 360° du social (Paris, Ville et département), donne une force d’agir et d’intervenir qui est unique en France. Cela illustre parfaitement que le service public de proximité de solidarité participe à changer la vie. J’ai beaucoup œuvré à unifier les services sociaux parisiens, à rendre leurs accès encore plus inconditionnels, et à faire en sorte que les métiers du travail social soient plus et mieux reconnus. Ce fut l’objet de centaines d’heures de réunions paritaires avec les organisations syndicales, que je tiens d’ailleurs à saluer pour leur détermination à préserver un service public de qualité.  Et malgré un contexte budgétaire inédit, puisque depuis 2022, la Ville participe plus à la péréquation nationale qu’elle ne reçoit de moyens de l’Etat, nous avons pu agir au quotidien pour les plus fragiles. De l’aide alimentaire à l’accès aux droits sociaux, de la question des soins, de l’hygiène à la mise à l’abri d’urgence, pour des publics de tous les âges et avec des parcours très variés… nous avons tenté au quotidien et à contre-courant des politiques nationales de protéger de manière inconditionnelle celles et ceux qui restent au bord du chemin, qui connaissent des accidents de parcours ou qui cherchent refuge dans notre ville.

C’est pour toutes ces raisons, que je ne serai pas candidate aux prochaines élections municipales à Paris. Je m’arrête pour préserver l’énergie nécessaire à poursuivre le combat ailleurs, autrement. Je m’arrête également pour pouvoir reprendre une activité professionnelle, pour retrouver du temps pour celles et ceux que j’aime, et pour moi-même. Enfin, je m’arrête pour transmettre et permettre à de nouveaux élus de gauche, de reprendre le flambeau d’un mandat local. Je ferai campagne pour que la gauche continue d’être à la hauteur des enjeux locaux, et pour que les sujets de solidarité, d’hébergement d’urgence et de protection des réfugiés fassent pleinement partie des engagements de la prochaine mandature. Un immense merci à toutes celles et tous ceux qui ont compté pendant tout ou partie de ces 18 années, ils et elles se reconnaitront, et en particulier à toute ma grande famille.

Léa Filoche

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