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Billet de blog 30 novembre 2011

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Intouchables? Pas complètement

J'ai attendu que la première grosse vague soit passée. Et je me suis résignée à aller voir le film qui fait fureur en cet automne 2011. Je comprends le succès, la rencontre improbable d'un mec de banlieue et d'un univers de luxe et tout ce qui va avec : ses réactions devant la musique classique ou l'art contemporain.

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J'ai attendu que la première grosse vague soit passée. Et je me suis résignée à aller voir le film qui fait fureur en cet automne 2011. Je comprends le succès, la rencontre improbable d'un mec de banlieue et d'un univers de luxe et tout ce qui va avec : ses réactions devant la musique classique ou l'art contemporain. On caresse le spectateur, de préférence issu des quartiers comme on dit pudiquement, dans le sens du mauvais poil. Lui aussi il trouve que Berlioz c'est surtout le nom d'une cité, que l'opéra c'est chiant et que mettre de la thune dans une croute ça frise la débilité.


Mais ce qui m'a gênée dans le film est ailleurs. On comprend que Cluzet, cloué dans son fauteuil ait besoin d'acheter non pas seulement les bras de ce grand noir qui rigole, mais sa force vitale. Ce qui lui manque fondamentalement. C'est presque du vampirisme. Ça tombe bien les films de vampire ont la cote auprès des jeunes.
Quant à Omar ou Fred lui, il ne connait que les rapports de force. Il va régler les petits problèmes de son patron avec sa méthode à lui, apprise dans les cités et peaufinée en prison : le voisin qui met sa voiture devant l'hotel particulier, le copain de la fille de cluzet en font les frais. Ils sont sans doute du bon côté du manche, friqués, mais devant les muscles d'un type aussi baraqué, ils s'écrasent. Succès assuré dans la salle. Ouaf! ouaf! Gout de revanche et lutte des classes. A bas les petits blancs riches et qui ont perdu leur force vitale.
Est-ce le meilleur message à faire passer?
Si on veut y réfléchir, allez, montons d'un cran dans l'analyse. Tout le monde vous dira que ce n'est pas la force qui doit prévaloir dans nos rapports entre êtres humains civilisés. Mais on doit reconnaitre (trompettes et cymbales) cette vérité déplaisante: Le droit procède de la force (Conseil de sécurité de l'ONU)

C'est ce qu'explique le philosophe Pascal. Dans l'histoire, le droit a toujours été instauré par la force. Car en lui-même le droit est sans force. C'est particulièrement probant en ce qui concerne les institutions internationales. Et si les équilibres issus de 1945 changent, ce sera que les rapports de force auront changé.

« Justice, force. Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante : la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu'il y a toujours des méchants ; la force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force ; et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste.

La justice est sujette à dispute, la force est très reconnaissable et sans dispute. Ainsi on n'a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et a dit qu'elle était injuste, et a dit que c'était elle qui était juste. Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste ».

Pascal. Pensées. (298)

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