Quand les marchés sanctionnent ce que le peuple subit depuis huit ans
En octobre 2025, les agences de notation ont de nouveau abaissé la note de la France.
Standard & Poor’s et Fitch ont justifié leur décision par une “trajectoire budgétaire non crédible”, un déficit hors de contrôle et une dette publique jugée insoutenable à moyen terme.
Autrement dit : le modèle économique imposé depuis 2017 atteint ses limites.
Et ironie du sort : c’est au moment même où le gouvernement Lecornu soumet — un budget 2026 prétendument “vertueux”, censé baisser le déficit à moins de 5%”, que les agences ont constaté la perte de confiance. Le sérieux budgétaire invoqué à chaque réforme n’a pas résisté à la réalité des chiffres.
La sanction des marchés est la traduction financière de ce que les citoyens ressentent depuis longtemps : la promesse d’efficacité du macronisme n’a accouché que d’injustice et d’impuissance. Ils sanctionnent ce que le peuple subit depuis huit ans.
Les critères des agences : un miroir impitoyable
Les agences de notation évaluent un État selon plusieurs grands axes :
- La situation budgétaire : dette et déficit publics, crédibilité des plans de redressement.
- La croissance économique : productivité, emploi, capacité à créer de la richesse durable.
- Les facteurs monétaires et financiers : inflation, taux d’intérêt, stabilité du système bancaire.
- La gouvernance et la stabilité politique : cohérence de l’action publique, capacité à faire appliquer les réformes.
- Les facteurs externes : dépendance énergétique, balance commerciale, vulnérabilité géopolitique.
- Les perspectives : crédibilité des annonces, cohérence entre les discours et les actes.
Autant de critères qui, un à un, mettent en lumière la faillite politique des gouvernements Macron successifs.
Un sérieux budgétaire de façade
Entre 2017 et 2025, la France a connu une hausse continue de sa dette publique, passée d’environ 98 % du PIB en 2017 à près de 112 % en 2025, malgré la reprise post-Covid.
Le gouvernement a justifié cette trajectoire par des crises exceptionnelles (pandémie, guerre en Ukraine, inflation énergétique). Mais au-delà des conjonctures, aucune politique structurelle de redressement durable n’a été mise en œuvre.
Les engagements répétés de retour sous les 3 % de déficit (repoussés de 2022 à 2027) ont perdu toute crédibilité. Les agences (S&P, Fitch) ont d’ailleurs souligné en 2024 le “manque de discipline budgétaire et de stratégie cohérente de réduction de la dette”.
Les baisses d’impôts sur le capital (ISF, flat tax, CVAE) et la suppression de postes publics n’ont pas amélioré les comptes : elles ont surtout aggravé le déséquilibre social et fiscal.
Le budget 2025, adopté à la hussarde via le 49.3, en est la caricature : présenté comme “sérieux” et “responsable”, il s’appuie sur des hypothèses de croissance irréalistes et sur des coupes aveugles dans les services publics.
Derrière les discours de rigueur, le pouvoir continue de financer la rente plutôt que l’avenir.
Une économie à l’arrêt, des citoyens sous pression
Le “plein emploi” promis repose sur des artifices statistiques : radiations, temps partiels subis, contrats précaires.
La productivité stagne, les salaires réels reculent, et la pauvreté progresse pour la première fois depuis vingt ans.
Les politiques du “quoi qu’il en coûte” n’ont pas transformé l’économie : elles ont masqué l’absence de stratégie industrielle, écologique et sociale.
Quand les taux d’intérêt ont remonté, le château de cartes budgétaire s’est effondré.
C’est l'incapacité du gouvernement à transformer le modèle productif, préférant la flexibilité du travail et les cadeaux fiscaux au capital plutôt qu’un investissement stratégique dans l’innovation, la transition écologique et la formation.
Un pouvoir isolé, sans légitimité démocratique
Depuis 2022, le gouvernement gouverne sans majorité, usant du 49.3 comme d’un réflexe autoritaire. La réforme des retraites, imposée contre l’avis du peuple, a brisé le lien de confiance. Les budgets successifs sont devenus des exercices technocratiques, déconnectés du réel.
Les agences de notation ne se trompent pas lorsqu’elles évoquent un “manque de cohérence politique et de capacité à appliquer les réformes” : cette paralysie vient d’un pouvoir qui ne gouverne plus, mais qui impose.
Une dépendance structurelle
Sur le plan extérieur, la France affiche un déficit commercial abyssal, dépendante de ses importations énergétiques et industrielles. Malgré la rhétorique de la “souveraineté économique”, le pays produit de moins en moins et dépend de plus en plus.
Les annonces de relocalisations sont des mirages, les grands groupes engrangent les aides publiques sans créer d’emplois durables.
Les investisseurs étrangers voient une économie sous perfusion, sans vision d’avenir.
Le verdict politique : huit ans d’aveuglement libéral
Le déclassement de la France n’est pas le fruit du hasard, ni d’une fatalité internationale. Il est le résultat direct de choix politiques :
- privilégier la rente financière plutôt que la production réelle,
- affaiblir les services publics et les collectivités,
- s’en remettre au “marché” pour réguler les inégalités,
- gouverner contre la majorité sociale au nom d’une “responsabilité” que plus personne ne croit.
En 2025, la dégradation de la note n’est qu’un symptôme économique d’un échec politique total. Car ce que les agences traduisent en notation, les Français le vivent au quotidien : l’austérité pour les uns, les dividendes pour les autres.
Une autre lecture du sérieux
Le vrai sérieux budgétaire, ce n’est pas de comprimer les dépenses sociales ou de maquiller les chiffres. C’est de mettre les richesses au service du bien commun, d’investir dans l’éducation, la santé, la transition écologique et la réindustrialisation. C’est de cesser de confondre la confiance des marchés et la confiance du peuple.
Car à force de gouverner pour les premiers, le macronisme a perdu les seconds — et désormais, il perd même les deux.