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Billet de blog 2 février 2015

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Théorie du genre et école

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis quelques années, et surtout dernièrement en lien avec les revendications liées au mariage pour tous,  ce qui est appelé par erreur, nous allons le voir, ‘Théorie du Genre’ fait énormément débat dans la société Française, au point qu’elle est soit dénoncée, soit adorée voire revendiquée, disons-le aussi, par des militants extrêmement divers, des associations LGBT l’utilisant pour une légitimation de l'égalité entre toutes les identités et orientations sexuelles, jusqu’aux associations de familles croyant reconnaître dans cette « théorie » un destructeur de structure familiale et de culture, par eux énoncée comme commune et de l'ordre d'une tradition de société. Elle sert aussi de catalyseur d'angoisse pour certains, voire d’attrait de peur contre la démocratie.

 Pourtant, cette théorie n’existe pas. Au plus le « genre » est un concept analytique qui est un instrument de construction de données plus précises que la simple différenciation basée sur le sexe biologique. Loin d’être une théorie, Il s’agit en fait d’un outil d’analyse construit depuis plusieurs dizaines d’années dans de multiples champs universitaires, qui permet aux chercheurs d’étudier divers phénomènes sociaux notamment, et leur permet de chercher et de mieux comprendre comment s’articulent les identités d’homme et de femme. C’est ce que l’on appelle les études de genre ou Gender studies.

A l’heure actuelle, Les études de genre recouvrent un champ scientifique soutenu par le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur et le CNRS.  La dernière enquête de recensement de 2011 témoigne de plus de 2000 initiatives universitaires sur des champs très larges : sociologie, histoire, chimie, droit, neurosciences, écologie, archéologie, médecine, sciences de l’éducation, anthropologie, biologie, sciences économiques...  Leurs utilités sont, aussi, nombreuses dans l’éducation et la lutte contre les discriminations et des séances de sensibilisation aux questions d’égalité entre les sexes font partie du parcours de formation des enseignants du primaire et du secondaire.

De manière très affligeante, l'inexistante théorie du genre est souvent expliquée comme un fait spécifique, quelque chose d'inconnu et de révélé mais suffisamment caché pour relever du complot, qui aurait montré et prouvé que le sexe biologique n'intervient pas dans la construction de l'individu, mais que la société crée les identités de femmes et d'hommes en répartissant les rôles et les tâches de manière arbitraire au moyen de catégorisation et de construction de stéréotypes.

Disons-le tout net, tout est mélangé dans cette affirmation et la vulgarisation facile, surtout dans un contexte de haine,  n'apporte comme souvent qu'effroi, extrémisme, dogme. Tout sauf la vérité, et tout sauf le vivre ensemble. Si l’on prend les choses de manière si simpliste cette théorie du genre sert soit à attiser la peur en surfant sur la notion de complot social, soit à attirer les humanistes en leur faisant miroiter une notion un peu abstraite mais égalitaire, ce qui ne peut que leur plaire. En bref cette vision ne crée que conflit duel sans base de réflexion

Pour mieux comprendre, Je vous propose d'abord de relever trois grandes périodes historiques de la construction du concept de genre :

 1) 1860-1940 : on assiste à une dissociation graduelle entre des structures anatomiques, des fonctions physiologiques, l'identité sexuée, le désir sexuel et le rôle social. 

Les anthropologues commencent à observer l'existence d'une grande variabilité des rôles et des comportements sexuels, des définitions des identités sexuées, et ils se rendent compte que d'autres cultures permettent de dépasser les divisions binaires strictes.

 La sexologie, elle, s'aperçoit et décrit la très grande variété des comportements sexuels humains dans les sociétés occidentales. Elle  démontre que la richesse et la complexité des différences entre les comportements sexuels des hommes et des femmes sont difficilement réductibles à une simple dichotomie entre « masculin » et « féminin ».

 Parallèlement, les études sur les hormones complexifient la vision simpliste de la « masculinisation » et de la « féminisation ».  Pendant cette période le sexe biologique se révèle progressivement comme composé de multiples caractéristiques pouvant se définir à plusieurs niveaux — anatomique, physiologique, hormonal, cellulaire, chromosomique. Cette complexification de la notion de sexe biologique (les traits sexuels sont des entités complexes qui résistent à une vision dualiste) a ouvert ainsi à la possibilité d’un questionnement plus large de la définition des rôles sexués considérés jusqu’alors comme ancrés dans la biologie.

 Sur cette première période nous assistons, du fait des recherches en anthropologie, en sexologie et médicales,  à la prise de conscience que la notion de sexe biologique n'est pas simplement binaire et que l'être humain, suivant sa culture, les rôles dévolus, peut adopter des comportements sexuels très variés, et que le sexe biologique recèle encore énormément de mystères.

 2) 1940-1960 : C'est vraiment la période charnière de la naissance de la définition « scientifique » du genre comme une « identité profonde » de l'individu.

 La « genèse du genre » est liée à la production industrielle des hormones sexuelles et à leur utilisation en tant que médicaments, notamment pour soigner les troubles de genre. Bien évidemment les nazis utilisèrent les découvertes hormonales, les sécrétions internes,  pour soigner la plaie homosexuelle dans la population et renforcer la virilité, on n'en attendait pas moins d'eux.

 D'autres observent cependant que certains utilisent le « sexe en flacon » (bottled sex), c'est-à-dire des préparations à base d’hormones sexuelles, vendues en pharmacie, pour modifier radicalement leurs caractères sexuels secondaires. Les « transsexuels » (le terme fut proposé à cette époque) ont ainsi été définis comme des personnes souffrant d'un « trouble de genre », soit un désaccord profond entre l'identité sexuée inscrite dans leur corps et celle inscrite dans leur psychisme.

 Pour information les caractères sexuels secondaires chez l'être humain sont notamment : une plus grande capacité musculaire, la pomme d’Adam marquée, la tessiture de voix plus grave, les seins développés, le rapport taille hanche etc...

 Cette période se termine par  des conceptions très médicales du concept de genre mais, bien que de manière lointaine, toujours  en liaison avec les rôles sociaux. Ainsi, Le sexologue et psychologue néo-zélandais John Money, très controversé (Brian-Brenda-David) parle  pour la première fois des "gender rôles" en 1955 afin d'appréhender le cas des personnes dont le sexe chromosomique ne correspond au sexe anatomique. En 1968, le psychiatre et psychanalyste Robert Stoller utilise quant à lui la notion de "gender identity" pour étudier les transsexuels, qui ne se reconnaissent pas dans leur identité sexuelle.

 Par contre, malgré ces recherches, l’existence de deux sexes restant la condition nécessaire et suffisante de la reproduction sexuée, la bi catégorisation est justifiée (celle du sexe comme celle du genre en tant qu’identité sexuée), quitte à cataloguer les exceptions à la règle.

3) À partir des années 1970 : l'émergence du concept féministe de genre comme relation de domination.

 Margaret Mead déjà dans les années 1930, disait que « les traits du caractère que nous qualifions de masculins ou de féminins sont, pour nombre d’entre eux, sinon en totalité, déterminés par le sexe de façon aussi superficielle que le sont les vêtements, les manières et la coiffure qu’une époque assigne à l’un ou l’autre sexe ».  En disant cela elle préparait le concept du genre porté vers le féminisme et le libre arbitre.

Simone de Beauvoir, elle aussi, a donné bien avant les années 1970 une définition du genre lié à la construction sociale en déclarant qu' "on ne naît pas femme, on le devient", elle avait ainsi posé les fondements d'une conception féministe du genre. L'analyse développée dans Le Deuxième sexe (1949) a anticipé la distinction ultérieure entre sexe et genre : on peut la définir tout de suite ainsi : " distinction entre le sexe comme caractéristique physiologique et le genre comme ensemble de traits comportementaux et de conventions sociales arbitrairement construites sur la base de la différence sexuelle".

Mais c'est vraiment à partir des années 1970, que les chercheuses féministes américaines et françaises s’interrogent concrètement sur le "gender", et notamment car elles avaient déjà à leur disposition tout une terminologie qui donnait sens à leur orientation théorique — et politique — en fonction des concepts, des méthodes, des sources, de leurs disciplines respectives : sexe social en anthropologie, rapports sociaux de sexe en sociologie, masculin/féminin en littérature, femmes/hommes en histoire, différence des sexes en philosophie... Et toutes les recherches médicales antécédentes, notamment les recherches sur les hormones.

 Elles travailleront à faire aboutir une définition du genre sur le terrain politique, et le rendront populaire bien que mal vu car jugé parfois trop idéologique, trop militant.

 Ces recherches vont d’abord mettre en évidence les multiples modifications des rôles et des identités masculines et féminines dans des périodes, des cultures et des lieux différents. Nous revenons ici sur la distinction entre sexe et genre donnée juste avant.

 Cette vision est encore actuelle comme nous pouvons le lire en 2014 dans la déclaration d'universitaires de Strasbourg "On n’est pas homme ou femme de la même manière au Moyen-Âge et aujourd’hui. On n’est pas homme ou femme de la même manière en Afrique, en Asie, dans le monde arabe, en Suède, en France ou en Italie. On n’est pas homme ou femme de la même manière selon qu’on est cadre ou ouvrier. Le genre est un outil que les scientifiques utilisent pour penser et analyser ces différences".

 Mais  d’autres recherches féministes insistent en parallèle sur l'historicité du « sexe biologique » : c’est-à-dire que notre compréhension des différences biologiques entre hommes et femmes n'est ni éternelle, ni immuable ; elle dépend souvent des concepts et des pratiques scientifiques en vigueur, elle est influencée par le développement des technologies de la médecine.

Enfin on peut distinguer une quatrième période :

 Entre 1970 et 2000, où l'avènement des méthodes d'assistance médicale à la procréation bouleverse de nouveau la définition du « sexe biologique » et la distinction sexe/genre. Ces techniques permettent aux hommes « stériles » de devenir les pères biologiques de leurs enfants, elles séparent dans le temps et l'espace la fécondation et la gestation, elles rendent possible le découplage entre maternité gestative et maternité génétique. Elles bousculent de ce fait les attributs « immuables » des corps masculins et féminins.

A l’heure actuelle

 Les féministes qui s’étaient emparées de ce concept de genre ont elles gagné sur cette prise en compte des rôles sociaux imposés ? Oui et non.

 Oui : elles ont contribué à faire  prendre conscience des rôles sociaux imposés culturellement et sont parvenues à faire émerger la notion d’égalité pour les sexes et à imposer le terme de genre comme symbole sémantique de la complexité du sexe biologique et de sa construction sociale.

 D’ailleurs, les recherches des féministes sur le concept de genre sont maintenant quasi unanimement reconnues comme validées par les recherches en neurobiologie qui démontrent l'extraordinaire plasticité du cerveau.

 Avant, on savait qu'après des lésions dans le cerveau, des récupérations étaient possibles. On pensait que cette plasticité cérébrale opérait dans des cas extrêmes, comme des accidents vasculaires cérébraux. Aujourd'hui, on se rend compte qu'elle est à l'œuvre tous les jours, en permanence, dans notre vie quotidienne. Notre cerveau ne cesse de se modifier toute notre vie, en fonction de nos apprentissages et de nos expériences vécues.

 Les neuro biologistes osent même dire que grâce à la plasticité de son cerveau, l'Homo sapiens peut court-circuiter le déterminisme génétique et hormonal. L'être humain n'est pas une machine programmée par des gènes et des hormones. Il a un libre arbitre qui lui permet une liberté de choix dans ses actions et ses comportements.

Non : car les  études à portée féministe se sont vues taxer de réductionnisme,  c'est-à-dire une vision de la parcelle face au tout, une déduction des propriétés du tout à partir de celles des parties. Cette vision est certes nécessaire pour prôner et défendre le libre arbitre et la liberté de chaque individu, surtout des femmes victimes d'oppression, mais porte un risque : celui de prôner un dogme d'une "intelligence parcellaire qui brise le complexe du monde en fragments disjoints, fractionne les problèmes, sépare ce qui est relié, unidimensionnalise le multidimensionnel". En clair il fut et il est toujours reproché aux féministes de n'aborder que la question de l'individu et de son libre arbitre, et que cette vision ne peut être que limitative en termes de recherches.

 Ce sont principalement les recherches avec une vision holistique qui se sont opposées aux féministes, car l’Holisme, appliqué aux systèmes humains, par essence complexes, consiste à expliquer les faits sociaux par d’autres faits sociaux, dont les individus ne sont que des vecteurs passifs. Les comportements individuels sont socialement déterminés : la société exerce une contrainte sur l’individu qui intériorise (ou « naturalise ») les principales règles et les respecte. Le libre arbitre individuel n'est pas pour autant totalement éliminé, mais statistiquement ce qu'un individu choisit de ne pas faire, un autre le fera, pour un résultat social identique.

  Le holisme est lui combattu car témoignant d’une vision qui dilue chaque élément dans une globalité molle et rend incapable de penser précisément le distinct, qui réduit toute pluralité et gomme toute différence en une vision unitaire, uniforme. Qui rend l'action imprécise et conduit à l'impuissance et au totalitarisme.

 On perçoit bien dans ce cadre tout l'éloignement de ces analyses d'un quelconque féminisme ou d'une quelconque prise en compte de l'orientation sexuelle de quiconque, ou de sa transsexualité, encore moins sa bisexualité, l'individu est totalement indifférent aux yeux de ces conceptions qui raisonnent sur une notion d'efficience globale, bien loin parfois de l'humanisme.

 A ce propos il est important de noter les visions de plus en plus holistiques des programmes internationaux de développement : Prenons un exemple en termes de développement : L’Agence Française de Développement (AFD) et le Programme Solidarité-Eau sont impliqués dans le développement de programmes d'accès à l'eau avec des visées humanitaires. Cette agence Intègre le genre dans les actions  car il est devenu primordial dans un programme de développement de savoir : qui dans une famille finance l’eau ? Quelle est la part du mari et celle de la femme ? Y’a t’il risque de transfert de charges en défaveur des femmes ?

 La prise en compte du genre doit donc être effectuée dès la conception du projet, y compris dans les appels d’offre et les cahiers des charges. La mise en œuvre d’équipements plus faciles d’utilisation en ce qui concerne l'eau a pu, par exemple, conduire à un surcroit de travail et une déscolarisation de filles, à qui leur mère surchargée par ailleurs de tâches domestiques, confie désormais une partie de la corvée de l’eau. Souvent, ces impacts sociaux ne sont pas anticipés par les concepteurs techniques des projets et là entre l'utilité des études de genre en discernant les rôles, les tâches, les représentations des genres masculins ou féminins. Nous sommes vraiment sur une analyse qui n'est pas sexuée mais de genre car dans une autre communauté ou un autre pays peut être que ce rôle sera confié aux jeunes garçons et que le risque sera sur une déscolarisation des jeunes garçons, il est donc restrictif de s'interroger uniquement sur les sexes car la dimension culturelle la fait disparaître et que l'analyse devra porter sur les rapports sociaux de sexe.

Alors oui il y'a analyse,  mais non il n'y a pas soucis de l'homme ou de la femme, donc pas de visée égalitaire. La visée humaniste se fera dans ce cas-là plus sur le fait que les analyses de genre vont aboutir à une installation de point d'eau s'intégrant dans les normes culturelles repérées qui bénéficiera donc à tous, femmes ou hommes, mais respectera aussi, dans ce cadre la condition des filles ou des garçons permettant à d'autres initiatives de développement, par exemple d'école, d'apporter eux aussi leur aide.

Pour rappel avant d'aller plus loin, quelques chiffres importants, non sujets à polémique car issus des ONG :

 Nulle part dans les sociétés les femmes, comme catégorie, ne sont traitées aussi bien que les hommes. Les femmes constituent les deux tiers des analphabètes dans les sociétés non industrialisées. Sur 1,3 milliard de personnes vivant sous le seuil de pauvreté absolue (moins de $1/jour), les femmes sont 900 millions. Pour ces femmes, l'exploitation inclut, souvent, les abus sexuels et d'autres violences. Une femme sur trois, dans le monde, sera victime de violences. En France, 600 000 femmes sont victimes de violences conjugales, ont subi des violences sexuelles ou physiques au sein de leur couple. 150 femmes meurent chaque année en France sous les coups de leur compagnon... Plus globalement, en France, entre 2010 et 2011, 200 000 femmes âgées de 18 à 75 ans ont été victimes de violences sexuelles hors ménage, 9 femmes battues sur 10 ne portent pas plainte souvent par soucis de protéger les enfants, du fait de l’absence de logement ou tout simplement par peur. Et parmi celles qui franchissent la porte du commissariat, 50% n’iront pas au bout de leur plainte. D’après le site de l’ONU, chaque année, entre 500 000 et 2 millions de personnes sont « vendues », « à des fins de prostitution, de travail forcé, d’esclavage ou de servitude, selon les estimations ». Sur l’ensemble des victimes, 80% sont des femmes de tous âges.

En conclusion

 Le terme « genre » s’est s'imposé, notamment parce qu’il est devenu le mot-clé des institutions européennes pour promouvoir l’égalité des femmes, et au niveau international pour l’étude des rôles sociaux économiques. L’apparente neutralité du terme est d’ailleurs rassurante pour des institutions d’enseignement et de recherche qui ont d’abord dévalorisé, voire ignoré, des recherches jugées trop idéologiques ou militantes quand elles contestaient concepts et méthodes. 

Les études de genre ont été nourries dans le champ politique par des travaux sur la domination sociale de la femme, qui a toujours été et est toujours un représentant du genre humain victime de toutes les discriminations, y compris dans les sociétés dites évoluées, mais ces études de genre même si un pan d'entre elles sont dirigées vers l'égalité des genres et montrent et luttent contre les stéréotypes de nos sociétés, ces études sont aussi basées sur des analyses des logiques de réseaux, du travail, de la place de chacun dans la société et sur une recherche parfois de l'efficience économique des sociétés qui n'a rien à voir avec le respect de l'homme, homme appréhendé dans ses deux composantes primaires que sont la femme et l'homme.

Les homosexuels, bi, trans, lesbiennes seront donc bien tristes d'apprendre que le concept de genre ne les aidera pas à être mieux acceptés. Pour mémoire en 1978, une recherche américaine a démontré pour la première fois, que les risques suicidaires étaient plus élevés au sein des adolescents homosexuels et bisexuels avec un taux treize fois plus important que les hommes hétérosexuels. Cette étude prend une plus grande importance, lorsqu’en 2003, le Dr Marc Shelly vient à faire le même constat sur le sol français. Enfin,  Toutes les études sont d’accord pour dire que ce n’est pas le fait d’être homo qui amène la personne à se suicider, mais bien les attitudes d’agressivité et/ou d’exclusion des homophobes, car elles amènent l’adolescent à se remettre en question et à douter de sa réelle place sur Terre.

Nous appréhendons donc bien ici que la notion de genre même si elle reflète tout un pan d’études portées vers l’égalité ne remplacera jamais la tolérance et le respect du libre arbitre.

Au final on peut bien analyser une chose : les études sur le genre sont un simple outil d'analyse et de recherche. Et lorsque l'analyse porte sur de l'efficience celui qui est esclave économique dans une société le restera. Comme pour toute action humaine c'est la volonté de celui qui conduira l'analyse qui pourra être vectrice d'égalité pour celui qui est opprimé ou stigmatisé, nous sommes donc sur le plan des politiques.  Si l'analyse porte sur le rôle de la femme et démontre que celle-ci est mauvaise en mathématiques du fait des stéréotypes assumés et reproduits par l'école contre le genre féminin, peut-être que les choses pourront changer (Analyse Pisa 2013). Mais si l'analyse est basée sur l'efficience d'une pompe au milieu d'un village, oui elle aura de l'eau mais cela ne gênera pas le rôle d'esclave sexuelle que les femmes assument dans la communauté analysée. Au contraire peut être même que les réseaux de prostitution sortiront renforcés car ces femmes seront en meilleure santé.

Alors finalement quel est le bénéfice d’entretenir le flou autour de ce concept, et d’utiliser le terme de théorie ?

D’abord la sémantique : une théorie peut être dénoncée comme vraie ou fausse, un instrument d’analyse très difficilement sans argumentaire. Il serait donc plus angoissant, plus inquiétant,  de faire croire à une théorie dénoncée comme  imposée et fantasmée comme un complot qui viendrait fracturer une identité culturelle et sociale plutôt que de s’expliquer sur un concept. Nous sommes sur le terrain du flou de la notion, une utilisation sémantique du terme à des fins de terreur.

Ensuite le complot et le flou : en entretenant le flou autour de la notion de genre et en l’utilisant de manière ambiguë et simpliste les détracteurs de l’Egalite de choix et les opposants aux dernières lois entretiennent un climat de peur autour de la famille en militant pour leur vision personnelle de celle-ci. Ils utilisent la notion de genre avec toutes les ficelles d’une propagande bien acérée avec messages simplistes, peur pour la vie intime de chacun, état s’immisçant dans la vie privée etc…

Ce sont donc des mouvements politiques qui se placent à l'heure actuelle sur un plan revendicatif. Il n'est pas ici important de juger l'opportunité de leur intention ou de leur vision. Il est simplement important de dire que seule la démocratie donne corps à l'expression populaire par le biais de lois votés par les représentants du peuple. Comme chaque citoyen, ces mouvements peuvent devenir politiquement actifs en suivant les méthodes mises en place par la Démocratie Républicaine et notamment par la constitution.

Pour clôturer ce premier chapitre : D'un côté,  le concept du genre est utilisé par de nombreux chercheurs  mais ceux-ci sont parfois bien éloignés de l'humanisme dans leurs analyses au profit de recherches d'efficience ou d'efficacité financière d'investissements. Malgré tout certains d'entre eux utiliseront aussi leurs recherches pour montrer la voie de l'évolution de nos sociétés vers une répartition des rôles plus égalitaire. Mais ceci est dépendant des volontés et visions de chaque chercheur.

De l'autre côté les féministes, ou les nouvelles revendications en termes d'identité ou d'orientation sexuelle,  eux se retrouvent bien seuls, et les concepts de genre s'ils ont pu aider à une vision plus humaniste du libre choix dans l'orientation sexuelle, n'aideront en rien à une résolution du conflit entre revendications réductionnistes ou holistiques. La seule voie de l’égalité comme toujours prendra socle sur les valeurs et sur la démocratie.

Quant à ceux qui militent ils ne font finalement de cette soi-disant théorie du genre rien de plus qu'un étendard, soit à porter soit à bruler au choix de chacun.

Mais qu’en est il de l’école, la théorie du genre, comme dénoncée, y est elle présente propagée malicieusement par des enseignants avec la complicité de syndicats qui fournissent des listes de manuels subversifs, en lien avec la loi Taubira autorisant le mariage homosexuel, loi distillée subtilement au moyen de films complaisants et qui viennent miner les fondements de la famille traditionnelle et pervertir les enfants ?

Nous allons tenter d'apporter quelques réponses sur ce que fait l'école.

L’Education nationale est entrée dans la question du genre par la politique de santé dans les années 70 : éducation sexuelle reposant sur une approche physiologique pure. La thématique de l’égalité filles garçons est, elle, plus récente et date des années 90, elle englobe plus largement la vie affective et sexuelle. Ces questions sont aussi traitées au fil de la scolarité dans les programmes disciplinaires, du sport aux langues vivantes.

Il est intéressant de noter au passage qu’en 2008 la Halde pointe les manuels scolaires du doigt en interpellant sur les stéréotypes et leur omniprésence : femmes moins représentées, stigmatisées dans l’espace domestique, peu présentes politiquement et intellectuellement…

Et que l’étude PISA mentionne qu’en plus d’être inégalitaire en fonction de l’origine sociale l’école Française l’est aussi en fonction du sexe. Comme quoi l’éducation à la sexualité et son cadre juridique bien compliqué, bien touffu, n’auront pas aidé l’école à se remettre en question en profondeur, on pourrait même dire sur les fondamentaux qui sont d’apporter instruction et donc liberté aux femmes, notamment. Pauvre aussi ce serait encore mieux. On a l'habitude de dire d'origine modeste actuellement, il est à mon sens plus clair de dire que les femmes pauvres sont plus discriminées que les autres.

Le cadre de référence de l’éducation à la sexualité est l’article L 312-16 du code de l’éducation, la loi du 4 juillet 2001, spécifiée dans la circulaire 2003-027. C’est habituel dans l’éducation nationale que le ministre dise comment comprendre la loi. On appelle cela la séparation des pouvoirs.           

Chaque intervenant doit signer une charte académique qui cadre l’intervention, en rappelant notamment l’obligation de formation, la nécessité de distance par rapport à sa sexualité personnelle, l’obligation de respect de l’intimité de chacun, la nécessité de s’appuyer sur la laïcité, la neutralité et le respect des convictions religieuses de chacun. Les intervenants possibles sont déclinés dans la loi et dans le cas d’appel à des associations partenaires un cadre législatif est appliqué avec notamment l’agrément de ces associations académique ou ministériel. Chaque agrément donne lieu à une publication dans le JO.

La circulaire de 2003 rappelle notamment que « cette éducation qui se fonde sur les valeurs humanistes de tolérance et de liberté ; du respect de soi et d’autrui, doit trouver sa place à l’école sans heurter les familles ou froisser les convictions de chacun ».

Concrètement pour faire une séance d’éducation á la santé et à la sexualité d’une heure, sur des thèmes aussi divers que la prévention du sida, la puberté, la contraception, il existe une loi, une dizaine de décrets, deux rapports, quatre circulaires, une convention interministérielle, une charte nationale, des chartes académiques toutes similaires et bizarrement toutes différentes. Les juristes nous diront si les chartes possèdent une base légale. Mon Deug de droit étant vieillissant je peux me tromper mais à mon sens non. Etrangement toutes rappellent la loi mais toutes contraignent encore plus la loi.

Malgré tout ce beau cadre réglementaire ou légal, et toutes les précautions ainsi prises pour que l’école puisse satisfaire à sa mission, on assiste depuis quelques années à des contestations :

La première contestation de ces missions, inscrites dans le code de l’éducation, date de 2005 avec la contestation du sujet du baccalauréat littéraire portant sur l’IVG.

Le sujet qui faisait polémique présentait un article du Monde rédigé à l'occasion des 30 ans de la loi Veil et demandait aux élèves de "dégager des arguments en faveur de l'autorisation légale de l'IVG en France" et "d'argumenter l'idée selon laquelle l'avortement n'est pas considéré comme un moyen de contraception".

En 2012 la publication de manuels de svt lance une polémique du fait de l’entrée de la notion d’orientation sexuelle en complément des chapitres sur la fécondation humaine. 80 députés UMP demandent le retrait de ces ouvrages, Luc Chatel soutien la démarche des programmes de SVT en soulignant que la condition nécessaire des gamètes homme et femmes pour engendrer un fœtus reste développée et apprise aux élèves.

Je vous passe le mariage pour tous, tout le monde connait le déroulement des évènements. Mais plus récemment une autre contestation atteint l’école : celle des ABCD de l’égalité. Ces programmes font suite à la convention interministérielle pour l’égalité filles garçons 2013-2018, et au fait que l’éducation nationale se saisit enfin de la lutte pour l’égalité á l’école, légitimité de la préoccupation renforcée par les résultats PISA qui mettent en valeur comme je l'ai dit les discriminations flagrantes envers les jeunes filles au sein même du système scolaire, dans la classe et les ruptures de chances qui en découlent.

Ces programmes utilisent des séquences éducatives qui font réfléchir les élèves  sur la notion de préjugés et de stéréotypes, ils utilisent des techniques de formation usuelles : groupe-débat, blason, abaque de Régnier, le photo langage etc..

Il y’a plusieurs pistes pour expliquer la remise en question de cette mission éducative de l’école et toutes ne tiennent pas aux extrémistes dont il faut dénoncer malgré tout les tactiques inadmissibles pour faire taire les missions de l’école.   

La première raison est légale, eh oui, le législateur a prévu trois informations annuelles d’éducation á la sexualité mais le ministre dans sa circulaire l’a privé de substance pour le premier degré, je cite ‘ aussi à l’école, le nombre de trois séances annuelles fixé par la loi doit il être compris plutôt comme un ordre de grandeur que comme un nombre rigide’. Autant dire ne faites rien, vous l’aurez compris vous-même.

Ensuite la raison est structurelle, les écoles sont petites,  le maitre est seul et le directeur aussi face à des problèmes, les collèges et les lycées sont de grosses structures difficiles à harceler. Une petite école de quartier sensible qui lutte au quotidien avec 4 maitres et un directeur contre un maire FN et une adjointe de la petite enfance représentante de la manif pour tous, sera plus en difficulté. Quand au nombre de maires FN vous les connaissez c'est récent. Surtout que là aussi la circulaire leur a bien fait comprendre qu’ils étaient seuls : je cite ‘a l’école primaire c’est aux maitres qu’incombe la mise en œuvre avec le tact qui s’impose, le cas échéant ils pourront solliciter conseils et assistance auprès de l’infirmière ou du médecin scolaire’. En clair si vous le faites,  car la circulaire leur a précisé que en gros si ils peuvent c’est bien sinon tant pis, vous serez seuls sur la glace, et si ça Pete on vous reprochera votre manque de tact. Ils sont forts ces ministres pour bien faire comprendre leur point de vue.

Ensuite la dernière raison est conjoncturelle : des médecins scolaires et des infirmières sont de plus en plus rares car l’école n’en recrute plus suffisamment, une infirmière scolaire est peu présente sur les écoles, qui font partie d’un secteur d’intervention dont souvent fait aussi partie un ou deux collèges. Il est donc très difficile  d’étayer un vrai projet éducatif pour un maitre, même si beaucoup le font contre vents et marées.

Toutes ces raisons, et d’autres que j’oublie surement, font que les ABCD de l’égalité mal compris et mal expliqués, détournés par des partisans d’une école qui retransmette cordialement les rôles sociaux dévolus á chaque sexe plutôt qu’une instruction libératrice qui profite á tous les sexes et dans toutes les couches sociales, ces ABCD ont été mis à l’index ainsi que toutes les initiatives dans lesquelles le terme genre avait le malheur de se trouver. On attend une circulaire avant gardiste qui nous dira de ne plus le prononcer ou alors avec tact…

Mais heureusement l’administration de la République vient enfin au secours des femmes en 2013 avec l’abandon de la mention mademoiselle, relent des âges anciens ou le nom de la femme était affublé d’une particule sociale stipulant explicitement son état marital.

On attend la circulaire du ministre pour nous dire si á l’école la loi doit bien s’appliquer sur ce point.

Si les partisans de l’obscurantisme social, de la relégation des sexes dans des rôles de domination, du refus de l’instruction des filles et du caillassage de pd voulaient un soutien ils ne peuvent qu’en trouver un dans l’administration régalienne de l’école, encore plus politisé qu’avant et de moins en moins nationale. Il est heureux que les fonctionnaires sur le terrain aient encore les valeurs de l’école républicaine á l’esprit et dans les actes. En tout cas ceux qu’ils peuvent encore se permettre dans le contexte actuel.

Enfin au milieu de toutes les missions assumées par l’école au gré de toutes les sollicitations, sécurité routière, sexe en sécurité, développement durable, lutte contre les drogues, l’alcoolisme, promotion du sport, hygiène, lutte contre le tabac, éducation á la solidarité médicale, découverte professionnelle, etc.. L’école ne doit jamais oublier de former d’abord des citoyens éclairés, libre dans leur conscience, en capacité de faire avancer notre monde.

Hannah Arendt dénonçait en son temps l’éducation au savoir vivre, c’est á dire á même de satisfaire l’ordre du monde existant, et non á donner aux futurs citoyens la possibilité de créer un monde différent, meilleur par l’expérience des erreurs qu’ils auront tirés du monde ancien.

A un moment je me pose la question si nous ne faisons pas cette erreur. Mais ce sont les enfants qui nous le diront.

Plaise à qui voudra qu’ils respectent notre retraite et qu’ils la considèrent comme méritée.

Je citerai pour terminer l’association des bibliothécaires de France sur les attitudes de ceux qui essaient de bruler l’existence de certains livres car c’est bien ce qu’ils souhaitent dans leur démarche : « Leur entêtement est  le signe d’un attachement idéologique à une vision du monde reposant sur un réductionnisme naturaliste qui, s’il n’est pas scientifiquement fondé, leur convient tellement qu’ils ne peuvent accepter sa remise en question. Ce sont les mêmes qui ont défilé contre le mariage pour tous au nom d’une pseudo-nature censée nous prescrire « une » forme obligatoire de vie familiale et qui refusent aujourd’hui les études qui déconstruisent les stéréotypes. On connaît la chanson : en  expliquant tel ou tel comportement, telle ou telle situation, par la « nature » on entend la justifier et bien évidemment disqualifier d’avance toute tentative d’y remédier »

Je rappelle pour mémoire que les nazis se sont eux aussi appuyés sur le concept de nature pour justifier l’opération T4 qui a vu 70000 handicapés mentaux, homosexuels, blessés de la première guerre, euthanasiés au motif que la nature prévoit elle aussi l’élimination des plus faibles. Nous savons tous ou ont mené ces concepts ineptes d’hygiénisme racial, au génocide.

  • Jules Ferry, Lettre aux instituteurs, circulaire  du 17 novembre 1883 :

"Si parfois vous étiez embarrassé pour savoir jusqu'où il vous est permis d'aller dans votre enseignement moral, voici une règle pratique à laquelle vous pourrez vous tenir : avant de proposer à vos élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s'il se trouve, à votre connaissance, un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu'il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez hardiment, car ce que vous allez communiquer à l'enfant, ce n'est pas votre propre sagesse, c'est la sagesse du genre humain, c'est une de ces idées d'ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l'humanité."

Oui mais la manif pour tous oublie ceci : Vous êtes l'auxiliaire et, à certains égards, le suppléant du père de famille ; parlez donc à son enfant comme vous voudriez que l'on parlât au vôtre ; avec force et autorité, toutes les fois qu'il s'agit d'une vérité incontestée, d'un précepte de la morale commune ; avec la plus grande réserve, dès que vous risquez d'effleurer un sentiment religieux dont vous n'êtes pas juge.

Alors OUI, les programmes scolaires invitent à réfléchir sur les stéréotypes de sexe, car l’école, le collège, le lycée sont les lieux où les enseignants promeuvent l’égalité et la tolérance, où les enfants apprennent le respect des différences (culturelles, sexuelles, religieuses).

Le problème par contre c'est Est-ce que la liberté de l'individu est une vérité incontesté ? Est-ce que la Laicité est une vérité incontestée ? Est-ce que l'école a encore le droit d'apprendre la liberté et la liberté de conscience est elle encore enseignable ?

Finalement le genre est un questionnement permanent sur la liberté des hommes dans leur être et dans leur âme. Liberté de Foi comprise.

 « Vati liest die Zeitung im Wohnzimmer. Mutti ist in der Küche. » (Papa lit le journal au salon. Maman est à la cuisine).

Voilà comment des élèves de collège et les petits allemands apprenaient l’allemand, à travers les aventures de Rolf et Gisela, dans les années 1980.

Réfléchir sur le genre, c'est réfléchir sur les effets de ce type de messages. 

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