Après chaque élection les candidats, les partis et les médias se posent la même question : « Mais qu'est-ce que les électeurs ont voulu dire ? » Ils ont alors recours aux sondages, ces pis-aller dont la faiblesse n'est plus à démontrer depuis les élections de 2002. Il est tout de même stupéfiant que la réponse à une question aussi importante pour une démocratie ne soit pas là où elle devrait être : dans les résultats du vote ! En 2007 plusieurs groupes de chercheurs ont mis en cause le mode de scrutin et ont menés plusieurs expériences de scrutin alternatif lors des élections présidentielles.
J'ai trouvé très surprenant que ces expériences n'aient pas eu plus d'écho dans les médias à l'époque. L'abstention record des dernières élections européennes rendent ces travaux encore plus d'actualité. Quatre nouveaux types de scrutin ont été testés :
- Le vote par note
- Tous les candidats sont présents sur le bulletin. Les électeurs notent chaque candidat indépendamment.
- Le vote par approbation
- Tous les candidats sont présents sur le bulletin. Les électeurs entourent le nom de tous les candidats qu'ils approuvent.
- Le jugement majoritaire
- Tous les candidats sont présents sur le bulletin. Les électeurs choisissent pour chaque candidat indépendamment l’une des réponses suivantes : « Très bien », « Bien », « Assez bien », « Passable », « Insuffisant », « À rejeter ».
- Le vote préférentiel transférable
- Les électeurs classent tous les candidats, ou une partie d’entre eux, par ordre de préférence.
Ces quatre modes de scrutin sont présentés sur le site gouvernemental du centre d'analyse stratégique. Je ne présenterais pas ici le vote préférentiel transférable car il me semble trop compliqué mettre en œuvre à la fois au moment du vote et au moment du dépouillement. De plus il est plus difficile à un électeur d'établir le lien entre son bulletin et le résultat final.
Les trois modes restant sont en fait des variantes. Ainsi un vote par approbation est simplement un vote par note où les notes possibles sont 0 ou 1. Le jugement majoritaire remplace la note chiffrée par une mention, un peu comme dans les notations scolaires américaines (de A à F). Mais cela ne change rien sur le principe. Les chercheurs qui ont présentés le vote par note signalent eu-même ces variations et d'autres (note de 0 à 2, à 5, de -2 à +2...) L'effet est plus psychologique que réel, mais c'est vrai qu'un « -2 » exprime bien le rejet que peut inspirer un candidat (enfin pour moi qui suis scientifique).
Qu'apporte le vote par note ?
D'abord beaucoup plus d'expressivité. Les électeurs peuvent donner leur opinion de façon beaucoup plus fine que le simple : « c'est lui le meilleur ! (ou le moins mauvais) » Les électeurs peuvent donner le degré d'affection ou de répulsion que lui inspire chaque candidat.
Ensuite les notes sont indépendantes les unes des autres. Pour avoir une bonne note, il ne suffit pas de « descendre » ses petits camarades, il faut en plus présenter une candidature qui soit soutenue pour elle-même. Pour faire simple le vote par note tue le vote utile. Si un électeur pense que Besancenot est le meilleur, il lui donne la meilleur note. Indépendamment de cela cet électeur peut aussi donner une bonne note (mais peut-être un peu moins bonne) au candidat du PS pour éviter le scénario de 2002. Ainsi la volonté d'avoir un président à gauche ne masque pas l'opinion encore plus à gauche de l'électeur. Ce même électeur peut aussi exprimer une sensibilité écolo sans qu'il ait à abandonner ses autres préférences. Aux élections présidentielles de 2007, un électeur Modem aurait pu utilisé ce scrutin pour se montrer centre-gauche ou centre-droit.
Il me semble aussi que ce scrutin favoriserait le taux de participation. En effet actuellement ni l'abstention, ni le vote blanc ne change quoi que ce soit aux pourcentages obtenus par les candidats. Avec le vote par note ce n'est plus le cas. Ceux qui pensent que tous les candidats sont aussi bons les uns que les autres se sont échappés de l'asile – euh non – peuvent mettre la note maximum à tout le monde – c'est mieux :-). Ceux qui pensent qu'ils sont tous nuls, peuvent mettre la note minimum et faire baisser la note moyenne des candidats ! L'abstention, elle, est sans effet sur la note moyenne, ce n'est plus un acte de contestation. Certes cela ne change pas l'ordre d'arrivée, mais un élu avec une note négative (dans le cas des notes -2 à +2) est bien moins légitime et tout le monde le saurait.
Derniers avantages, bénins ceux-là, les élections sont à un seul tour et on utilise moins de papier pour les bulletins. À titre de comparaison ce système aurait nécessité deux feuilles A4 pour les européennes (une expédiée, l'autre dans les bureaux de vote) contre au moins 16 feuilles A4 pour le système actuel.
Les inconvénients
Il faut choisir le système de notation. Personnellement le -2 à +2 me plaît bien mais peut-être n'était-il pas parlant pour tout le monde. Dans ce cas il faut choisir le système des mentions. Tout cela reste du détail. Par contre il faut que le système adopté ne complique pas trop le dépouillement. Dans ce cas la notation « 0, 1, 2 » ne bouleverse pas les feuilles de décompte. Par contre pour le contrôle je ne vois pas de système simple, la règle qui veut que « total des voix = nombre de bulletin » ne fonctionne plus, il n'y a plus de relation simple entre le total des points et le nombre de bulletin. La méthode de contrôle reste à inventer.
Les élections européennes
Le vote par note, inventé pour des élections uninominales, peut-il être adapté à des élections proportionnels par liste comme par exemple les européennes ? Il me semble que oui tant que que le panachage de liste ou rayer certains noms restent interdit. La répartition des sièges ne se feraient plus proportionnellement au nombre de voix mais à la note obtenu.
De plus ce système ouvrirait la voie à des élections véritablement européenne. Ainsi certains partis, comme newropeans, proposent qu'une partie des députés européens soient élus sur des listes présentées à l'identique dans tous les États membres (avec le même programme évidement). Ce genre de propositions a toujours été refusé jusqu'à présent par les États faiblement peuplés de crainte de se voir « diluer » par les grands pays. Le vote par note permettrait d'apaiser cette crainte en donnant plus de points aux électeurs des petits pays. Par exemple un allemand pourrait attribuer une note de -2 à +2, un tchèque de -5 à +5 et un maltais de -10 à +10.
Ce système stimulerait la participation. En effet avec le système actuel, chaque État a un nombre garanti de députés. Alors que le vote par note pénaliserait les pays abstentionnistes puisqu'ils distribuerait moins de point que leur part. Les abstentionnistes prendraient ainsi le risque d'être moins bien défendu.
Tous les systèmes fédératifs sont confrontés à la nécessité d'équilibrer la représentation des États et des citoyens. Les États-Unis ont choisi un système à deux chambres, l'une ayant deux représentants par États, l'autre ayant un nombre de représentants à peu près proportionnel à la population de chaque États. Le vote par note est une autre solution, plus simple, qui peut être adapté à l'Union Européenne.