C’est un scandale de mourir à cause du travail ou de l’impossibilité de bien faire son travail, c’est un autre scandale de ne pas avoir de statistiques précises sur ce sujet… et la reconnaissance d’une causalité liée à l’organisation du travail reste aujourd’hui, en cas de suicide, une course d’obstacles… car il y a là un tabou que d’aucuns ont intérêts à ne pas lever.
Il n'existe pas de données nationales qui permettent de suivre l'évolution du nombre de suicides sur le lieu de travail et à fortiori liés au travail.
http://www2.cnrs.fr/presse/journal/2198.htm
Certaines victimes laissent une lettre, un journal, d'autres se suicident devant leurs collègues. Leurs mots accusent l'entreprise et désignent des coupables. Le ton est celui de la colère, de la honte, de la défaite. N'arrivant plus à gérer le conflit qui les opposait à une hiérarchie ou à des collègues, elles ont perdu confiance en elles et retourné cette violence contre elles. Soulignons que ces personnes étaient souvent zélées, brillantes, sociables. Elles avaient beaucoup investi dans l'entreprise et n'ont pas supporté d'être injustement déconsidérées, rétrogradées.
Les médecins du travail se heurtent à une sorte de conspiration du silence. Le suicide déclenche la culpabilité de chacun, et à tous les niveaux de l'entreprise, on préfère occulter ce qui s'est passé.
La Conservatoire National des Arts et des Métiers précise que de janvier 2008 à juin 2009, 28 suicides ont été reconnus comme accidents du travail. 1/3 des suicides déclarés concerne des personnes très qualifiées, 1/3 des professions intermédiaires/employés de bureau et 1/3 des salariés peu qualifiés.
La psychanalyste Marie Pezé dans son livre « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés » témoigne de la cruauté des rapports sociaux, de la dissolution des solidarités traditionnelles dans l’entreprise et de la nocivité de certaines formes de management. Elle y fait état d’une grande violence sociale dont sont victimes nombre de ses patients : des abîmés de l’évaluation individualisée des performances, des fracassés du harcèlement.