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Billet de blog 4 novembre 2013

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Bonnets rouges et bricoles.

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26 janvier 1789 : la journée des Bricoles. (Bricole : "lanière de cuirà l'usage de ceux qui portent des fardeaux suspendus". Mais aussi, dans un des sens  figurés où le mot est employé, "Jouer de bricoles, n'aller que par bricoles, user de moyens détournés"  Le nouveau Littré).

Les émeutes se succédaient depuis plusieurs années; le plus souvent frumentaires, et sévérement réprimées. Les Parlements contestaient les réformes royales. Les nobles bretons, qui comme toute l'aristocratie française refusent de payer l'impôt, défendent "les libertés bretonnes", qui sont des privilèges accordés au pays d'Etat qu'est la Bretagne, car la France n'est pas unifiée. Les privilèges bretons sont ceux...des privilégiés. Les paysans bretons payaient redevances et corvées, étaient soumis au droit seigneurial.

La moindre crise alimentaire avait des conséquences retoutables.A l'hiver s'ajoutait la spéculation sur le blé. Des émeutes éclataient un peu partout.

En Bretagne, les Etats (provinciaux) se tenaient, avec difficultés , conflictuels, en vue des Etats généraux, prévus en mai. La noblesse bretonne allait alors tenter de dresser la population affamée contre les bourgeois. La noblesse bretonne, défendant ses "libertés" (ses privilèges), rejettait les ambitions bourgeoises, qui étaient celles de prendre le pouvoir pour aboutir à une monarchie à l'anglaise. Cela passait, dans un premier temps, par le doublement des effectifs du Tiers, ce que les nobles bretons ont toujours refusé, jusqu'à en faire un point de rupture en refusant d'aller aux Etats généraux.

Se déterminant pour la ruse, les nobles bretons tentèrent d'ameuter la population contre les bourgeois : ce fut "la journée des bricoles": à Rennes, sur l'actuelle place du champ de Mars, plusieurs centaines de personnes se rassemblèrent. Il s'agissait essentiellement de domestiques envoyés par leurs maîtres et de gagne-petits, porteurs d'eau qui se faisaient un peu d'argent en transportant ces messieurs en chaises à l'occasion des Etats. Ils les transportaient à l'aides de "bricoles". La veille, de l'argent avait été distribué pour les inciter à venir. Le rassemblement avait pour vocation de lutter contre le prix du pain (cherté dénoncée comme causée par les commerçants et spéculateurs bourgeois), mais aussi -et surtout- de lutter pour le maintien du régime en place et des privilèges (libertés bretonnes). Les cris de "Vive la Noblesse" se mélaient à "Du pain". Au passage, des étudiants patriotes sont agressés. Ceux-ci, avec, à leur tête le jeune Moreau, le futur général dont ses adversaires de l'époque disent qu'il est plus souvent au bistro qu'à l'université, réagissent vivement dès le lendemain.

Chateaubriand (François-René), siégeant avec la noblesse raconte (extraits) :

"Un journal "La sentinelle du Peuple", rédigé à Rennes par un écrivailleur arrivé de Paris, fomentait les haines.(...) Les Etats se tinrent dans le couvent des jacobins (!!!), sur la place du Palais(le Parlement).(...) nous n'y fûment pas plus tôt établis que le peuple nous assiégea. (...) L'école de droit de Rennes, à la tête de laquelle était Moreau, avait envoyé quérir les jeunes gens de Nantes. (...).Las d'être bloqués dans notre salle, nous prîmes la décision de saillir dehors, l'épée à la main; ce fut un assez beau spectacle (...) au cri de "Vive la Bretagne". Parvenu à grand peine à nous dégager, chacun regagna son logis. (...) Du moins la noblesse bretonne ne succomba pas sans honneur. Elle refusa de députer aux Etats généraux, parce qu'elle n'était pas convoquée selon les lois fondamentales de la constitution de la province; elle alla rejoindre en grand nombre l'armée des princes, se fit décimer à l'armée de Condé, ou avec Charette dans les guerres de Vendée (...). Le jeune Boishue et Saint-Riveul (...)avaient péri (...). Lecteur, je t'arrête : regarde couler les premières gouttes de sang que la Révolution devait répandre. (...) Passe maintenant, lecteur, franchis le fleuve de sang qui sépare à jamais le vieux monde dont tu sors, du monde nouveau à l'entrée duquel tu mourras".  (Mémoires d'outre-tombe).

La journée des "Bricoles" n'était qu' une journée de dupes, préfigurant la contre-révolution, où la noblesse faisait manifester violemment ses obligés. Cette même noblesse qui refusait de partager le pouvoir avec les bourgeois (...avec le peuple, ni la bourgeoisie, ni la noblesse ne le voulaient), choisira l'émigration, le guerre contre son pays ou l'isolement dans ses terres.

Les bonnets rouges de 2013 : une bricole ?

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