L'église était au centre de la société féodale. Clercs et milites venaient du même milieu. L'aristocratie dominante avait deux visages, était laïque ou ecclésiastique. L'aristocratie ecclésiastique -les évêques- était issue de l'aristocratie laïque, qui se reproduisait plus facilement, quoiqu’en cercle assez fermé.
Jerôme Bascher précise que le clergé et l'aristocratie laïque, complices dans l’œuvre de domination, sont alliés face aux dominés. Mais ils sont concurrents. (Je ne mets pas de guillemets, car je n'ai pas la citation exacte).
La société féodale en trois ordres, ceux qui prient, ceux qui combattent, ceux qui travaillent s'installait, idéologiquement, en outre. Cette tripartition était justifiée par une élite. Elle ne l’était pas socialement, où on ne voit que deux catégories : dominants et dominés.
Bascher, encore (cette fois, je risque les guillemets) : "L'église a fourni à l'aristocratie les plus solides justifications de sa domination sociale et l'un des meilleurs ciments de sa cohésion".
Comment ? En s'occupant de tout. En étant partout.
Le destin de chaque chrétien de la naissance à la mort, sous la menace brandie d'un Au-delà non moins structuré est sous la tutelle de l'église. La vie de chacun, de la conception à la résurrection, est également encadrée, par l'appropriation de l'horloge nouvelle, interprétée en heures canoniales, de matines en complies, les fêtes et le calendrier : le temps est chrétien. Par le type d'aliment à manger, le vendredi, les jours de carême. Les relations sexuelles, encadrées et limitées à la reproduction, l’habillement, les activités, tout est contrôlé, les changements de statuts, les rites sont sacralisés. Nous en avons encore des restes.
Le destin de la collectivité, qui devient la France, et qui n'est que de rejoindre la Cité céleste, ou de s'en approcher, sous la conduite d'un roi dont ce sera le seul but.
Le soutien des dominés est constant et parfois même violent à l’encontre de ceux qui ne sont pas chrétiens, sont hérétiques, lépreux, homosexuels ou barbares et ne méritent pas de vivre, ou au loin.
L'argent est au centre de la société contemporaine, le profit. De quelques-uns. Pas plus nombreux que n'étaient les aristocrates. Ils forment un groupe assez clos, d'îles et de fiscalités paradisiaques, de comptes en banques et d'exploitations mondialisées.
Une classe moyenne relativement importante soutient l'idéologie dominante : libéralisme économique, démocratie représentative, sacralisation de l’argent et du profit. Cette idéologie fournit aux dominants « les plus solides justifications de sa domination sociale et l'un de ses meilleurs ciments de sa cohésion".
De corruptions en financements d'élus qui le sont par ailleurs de moins en moins, de lois pré-écrites par les multinationales aux traités secrets, ils s'occupent de tout, sont partout. La « privatisation », entendez la mise sur le marché, c’est-à-dire la possibilité d’en tirer profit, de la vie de chacun est en perspective : pour se déplacer, se nourrir, boire de l’eau, s’instruire : il faut payer. Pour respirer, ce sera bientôt le cas.
Mais déjà, au préalable, avant de remplir nos obligations de consommation, nous nous cotisons, par le biais d’impôts détournés du bien public, pour les subventionner : aides diverses que leurs chargés de politique inventent, subventions aux médias de milliardaires, sécurité sociale qui finance les actionnaires des groupes pharmaceutiques … (Le déficit de la Sécu : qui apporte l'argent, qui s'enrichit ?).
La télé, la presse, l'agroalimentaire, les médicaments, les transports leur appartiennent.
Nous mangeons ce que la télé nous dit de manger. Nous nous soignons comme les laboratoires le désirent. Il s’agit de penser comme les médias disent de penser, qui d’ailleurs ne pensent pas. Il s’agit de ne plus penser pour ne pas critiquer. Ils nous disent de manger cinq fruits ou légumes aux pesticides par jour, du bœuf et du cochon aux antibiotiques, mais on peut abandonner le poisson du vendredi, sauf pané, à Macdo. On ne va plus à la messe mais on va au foot ou à l’hypermarché. Les jouets des enfants sont choisis par la télé, et l’enterrement ce sera 5000 euros.
La réussite de l’emprise dominante, se mesure alors que la classe moyenne - les dominés contents de leur sort- devient le premier défenseur du système organisé. Avec défilés et grands principes, tels processions et canon d’évangiles.
Cette classe moyenne qui n’a pas conscience d’appartenir à celle des dominés, n’a pas peur de l’Au-delà, du moins collectivement, mais de la mort, individuellement, surtout sur la fin. Elle n’a pas peur du haut, mais du bas : chacun a peur de tomber failli, expulsé, SDF, RSA ou autres lépreux. Alors ceux-ci deviennent têtes de turcs, même si kurdes. Ils sont le repoussoir, sont repoussés, parqués, bombardés. Cette attitude dictée par les dominants permet à ceux-ci de disposer d’une armée-tampon face à l’éventuelle adversité. Cette armée-tampon a pour mission essentielle de soutenir mordicus la structure imposée où prospèrent les dominants.
Dominants bienfaiteurs qui, au Moyen-Age bâtissaient églises et monastères, et aujourd’hui musées-monuments et stade Et se décorent.