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Billet de blog 6 juillet 2011

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Le courage politique? Défendre les intérêts de son peuple.

Que devrait faire le gouvernement grec? La réponse est assez simple lorsque l'on sait mettre les choses dans l'ordre.

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Que devrait faire le gouvernement grec? La réponse est assez simple lorsque l'on sait mettre les choses dans l'ordre.

La Grèce en est à devoir payer 20 milliards d'euros d'intérêt de ses emprunts. La France va bientôt (si ce n'est pas déjà le cas) y engloutir la totalité de l'impôt sur le revenu. Ceci est largement dû à l'interdiction des banques nationales, puis de la banque centrale, de prêter aux Etats, lesquels doivent donc emprunter aux marchés, selon la confiance que leur accorde les Agences de Notations. Victoire du capitalisme mondialisée (qu'on appelle libéralisme) qui date de 1973 en France (sacré Giscard) et qui fut gravé dans le marbre de Maastricht (sacré Mitterand et sacré euro) puis de Lisbonne (fin de la démocratie française, puisque le vote du peuple est devenu simplement consultatif).

Vous me direz : "oui, oui, bon, ton petit résumé historique, c'est très bien, mais c'est l'avenir qui compte. Alors que faudrait-il faire?"

Bon d'abord pour bien enfoncer le clou, je ferai remarquer que, de plus en plus, lorsque l'on demande aux experts : "mais comment en sommes-nous arrivés là?", ils répondent, l'air sûr d'eux, en répétant les éléments d'analyse que présentaient depuis longtemps les comment déjà? Ah oui, les eurosceptiques, les "souverainistes", ces arriérés.

Le peuple grec n'est plus souverain. La politique de la Grèce se décide presque totalement désormais sur les marchés et par des étrangers. Il se passe pour elle exactement ce qui se passe dans certaines de nos anciennes colonies, soit dit en passant. Et ce n'est que le début, qu'une première étape. Il n'y a pas de raison que ce qui a si bien marché (du point de vue des investisseurs dans le Pirée) en Grèce ne fonctionne pas au Portugal, en Espagne, en Italie et en France.

Alors imaginons : un nouveau premier ministre vient d'être nommé. Il va faire sa première déclaration à l'attention de ses concitoyens, mais aussi de ses collègues européens, et voici ce qu'il dit :

"Mes chers compatriotes, on me demande à nouveau de dépecer notre beau pays. Les ports, l'électricité, les trains, les aéroports ne leur ont pas suffi. Mais cette fois-ci, je vous l'assure, c'est terminé. L'entreprise de privatisation des revenus de l'Etat est finie.

Car nous ne sommes pas les seuls responsables de cette situation, contrairement à ce que l'on a voulu nous faire croire. Je n'ai pas oublié. Je n'ai pas oublié toutes les promesses qui nous avaient été faites lors de notre entrée dans la zone euro, je n'ai pas oublié que l'UE nous a poussé à emprunter, à investir, à recevoir des investissements étrangers sous prétexte de stimuler notre croissance - alors même qu'ils connaissaient notre réelle situation. Mais elle s'en est moqué : il faut "faire l'Europe", peu importait le prix. Et surtout peu importait le destin réel des peuples.

Désormais, nous sommes soumis à la dictature des féodalités privés. Eh bien, l'heure de la résistance est venue!

Nous n'attendons plus rien de l'UE, qui n'est qu'une administation hyperbolique, au service des intérêts économiques mondialisés. Quel étrange renversement lorsque le discours libéral s'allie avec une bureaucratie de type soviétique, qui a vraiment tout pour plaire : institution complexe, langage plus que jargonnant, présidents multiples et inconnus de la marjorité. Et tout cela décide de 80% de nos lois! Et tout cela nous donne des leçons de politique et d'économie!

Alors non, nous ne chercherons plus de conciliation : tout sacrifice a ses limites, même au nom des plus belles idées.

Puisque, comme nous l'avons vu, les banques ne peuvent plus faire faillite, je ne vois pas pour quelle raison on se mettrait à croire qu'un Etat, désormais, le peut. Un Etat ne le peut pas. Ce n'est pas une entreprise. Il ne faut plus avoir peur. Il faut seulement se demander comment sortir de la situation, et donc de quels moyens politiques nous disposons.

Eh bien la Grèce, comme tout pays de l'UE, a de grands moyens : et ce moyen, c'est l'euro, précisément parce qu'il nous enchaîne et permet, de ce fait, de renverser le chantage. N'est-ce pas merveilleux?

Voici donc ce que je dis à mes camarades européens : nous ne rembourserons pas cette dette. Vous avez voulu vous rendre et nous rendre dépendants des marchés, vous avez voulu être « investis » par les finances mondiales, libres à vous.

Désormais, la Grèce réinvente la démocratie et pour cela s’appuie sur vos faiblesses. Nous ne paierons pas, mais vous paierez pour nous. Car vous n’avez pas le choix si vous voulez que votre système persiste.

Evidemment, vous pourriez nous menacer de nous sortir de l’euro. Et cela serait terrible, n'est-ce pas? Parce que si l'on sort de l'euro, notre petit drachme ne vaudra rien et notre dette, qui fut contractée en euro, se multipliera d'autant.

Ainsi, il faut tous sortir ou tous rester! Belle idée, vraiment, que cet euro qui nous enferme dans les catastrophes qu’il produit !

Mais non, nous ne payerons pas - et ce serait trop facile pourtant de nous abandonner dans la misère! Désormais, chers amis, il va falloir payer pour vos réveries imbéciles et européennes (puisque c'est manifestement compatible). Les peuples et la démocratie ont assez payé.

Alors je vous assure que nous ne sortirons pas seuls de l’euro. Car si vous ne payez pas notre dette, nous payerons. Oui, nous payerons… avec de jolis billets nouveaux, des euros que nous allons nous faire un plaisir de produire. Dans le même temps, d'ailleurs, il est possible que nous rétablissions le drachme et viviont ainsi avec deux économies parallèles : l’une intérieure (en drachme), l’autre extérieure (en jolis euros). La mafia y arrive. Un gouvernement devrait savoir se débrouiller.

Ah, cela fera une sacrée dévaluation générale, je vous le promets. Et lorsque j’aurai ainsi réglé ma dette en bouts de papier. Hop, on repassera définitivement au drachme.

Je vous vois pâlir. Mais le choix est vôtre désormais. Vous payez ou vous abandonnez l’euro. La réalité s'impose à nous de temps en temps... mais pour une fois que ce n'est pas aux peuples qu'on veut l'imposer, avouez que c'est une nouveauté.

Vous pouvez aussi prévenir tout cela et créer vous-mêmes, avec la banque centrale, les petits billets. Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai l'impression que cela serait au-dessus de vos forces. Ce serait une épreuve psychologique trop lourde pour vous. Alors je le ferai à votre place.

Bon, évidemment, il resterait possible que vous nous fassiez la guerre. Ce serait l’occasion de affirmer avec force votre conception de la démocratie et de voir jusqu’où vous voulez aller pour sauver l’Euro, l’Europe et.. (que devait apporter l’Europe dejà ? La prospérité et.. ?) Ah oui, la paix !

Dans des périodes comme celles-ci, la question n'est pas de savoir comment éviter la crise, mais quelle crise nous choisissons. Personnellement, plutôt que de laisser encore mon pays exposé aux vautours, je préfère la crise de l'Euro.

A vous de voir ce que vous préférez."

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