Depuis environ trois ans, le silence se brise en France autour des violences systématiques et de l’internement de la minorité majoritairement musulmane ouïghoure dans la région du Xinjiang en Chine. Au fil des révélations et des témoignages terrifiants qu’on pu délivrer certains rescapés ouïghours, des voix ont pu s’élever pour dénoncer publiquement et invoquer une mobilisation générale. La parole s’est notamment libérée grâce au travail de l’eurodéputé Raphaël Glucksmann qui s’est attelé depuis son élection à alerter les citoyens français et à imposer le sujet au sein de l’hémicycle européen.
La République Populaire de Chine est en effet accusée de commettre des crimes contre l’humanité à l’encontre de ce peuple tels que des enfermements, des violences sexuelles, des viols mais également de la torture. En décembre 2021 à Londres, un « Tribunal ouïghour » a tâché de qualifier ce que subit cette minorité en s’appuyant sur plusieurs travaux d’Organisations Non-Gouvernementales et d’experts des droits humains. En considérant les stérilisations forcées (ablations d’utérus, avortements et poses de stérilets forcés) subies par les femmes ouïghoures, le tribunal a admis que les actes du gouvernement de Pékin pouvaient être qualifiés de « génocide intentionnel ».
Sept pays tels que les États-Unis, le Canada et l’Irlande ont déjà reconnu le caractère génocidaire des actes réalisés par le gouvernement chinois. Plusieurs ont d’ailleurs récemment décidé de boycotter diplomatiquement les Jeux Olympiques d’hiver se tenant à Pékin au début du mois de février, en réponse aux exactions commises par le gouvernement chinois.
Malgré l’irruption de la cause ouïghoure dans le débat public, la France faisait quant à elle profil bas en refusant de reconnaître et de condamner officiellement ce génocide. Emmanuel Macron avait simplement dénoncé un « système de répression institutionnalisé » en février 2021. Or, l’Assemblée nationale a réussi un tour de force symbolique en adoptant le jeudi 20 janvier une résolution portée par le député socialiste Alain David visant à la reconnaissance et la condamnation du « caractère génocidaire des violences politiques systématiques ainsi que des crimes contre l’humanité actuellement perpétrés par la République populaire de Chine à l’encontre des Ouïghours ». Avec 169 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions le texte a été bien accueilli par les députés français.
Cette résolution appelle également le gouvernement français à admettre officiellement que la population ouïghoure est victime d’un génocide et à agir pour le faire cesser, au nom des droits humains. Selon Alain David, le blocage provient du fait que « l’Elysée et le ministère des Affaires étrangères ne veulent pas froisser le partenaire chinois ». Ainsi il semblerait que notre gouvernement ne soit apte à faire triompher le respect des droits fondamentaux sur les partenariats économiques. Emmanuel Macron, interpellé à ce sujet par les députés Yannick Jadot et Raphaël Glucksmann lors de son discours au Parlement européen dans le cadre du début de la présidence française du conseil de l’Union européenne, a simplement dit être favorable à l’interdiction de l’importation de produits issus du travail forcé au sein de l’Union. Alors accusé d’avoir à nouveau « ignoré le pire crime » par l’eurodéputé Glucksmann, il semble que l’exécutif français ne soit apte à répondre aux demandes des députés français.
Même si le texte adopté par l’Assemblée nationale est un texte non-contraignant et paraît plus symbolique qu’offensif, il peut représenter une pression politique considérable sur l’exécutif français. Si ce dernier se résout à suivre la tendance politique du pouvoir législatif, il rejoindra un mouvement qui commence à se vouloir international et émettra ainsi une pression diplomatique sur la Chine. Ainsi, la reconnaissance du caractère génocidaire paraît être une prise de position politique essentielle pour agir sur le plan diplomatique contre toutes les exactions commises par Pékin.