L’émancipation par le travail
Du matin au soir, il tire, frappe, pilonne, pousse et tire encore.
Mais aussi du soir au matin car ses horaires changent sans cesse à en user son corps.
Le bruit qui l’encercle, qui l’enserre en permanence
Martèle ses tempes comme les tambours des galères qui donnaient autrefois la cadence.
Les journées sont interminables mais passent en un éclair,
Il rentre alors épuisé, perclus de douleurs à ne plus savoir qu’en faire.
On lui dit pourtant que la Compagnie s’occupe d’eux et fait preuve d’éthique,
Car dorénavant est à leur disposition un conseiller en troubles musculosquelettiques.
On lui parle de la magie du travail à l’usine, de la fierté qu’il devrait ressentir
A enrichir la France ou du plutôt ses actionnaires véritables satyres.
Le travail rend libre, émancipe, grandit, représente le salut de la classe prolétarienne ;
Il dirait surtout qu’il l’écrase, l’opprime et l’aliène
Si seulement sa ligne lui laissait le temps de lire et connaître ces mots et leur définition
Que les gens de là-haut lui assènent, ultime humiliation.
Comment pourrait-on se grandir ainsi
Quand les journées se répètent et harassent aussi bien le corps que l’esprit ?
N’y voyez aucune fatalité ou malheur d’un monde qui s’acharnerait
Le capital sait très bien qu’ainsi l’ouvrier reste à sa place sous le couperet.
Trouver du sens, de la convivance pour ces hommes et ces femmes
Ne sera possible qu’au jour où la domination ne brûlera plus leurs âmes.
06/10/2022