LeHorla (avatar)

LeHorla

Professeur de SVT, écrivain d'articles dans des revues de vulgarisation, citoyen qui s'essaie engagé

Abonné·e de Mediapart

53 Billets

0 Édition

Billet de blog 16 février 2025

LeHorla (avatar)

LeHorla

Professeur de SVT, écrivain d'articles dans des revues de vulgarisation, citoyen qui s'essaie engagé

Abonné·e de Mediapart

Seul à Madrid

Voyager seul, même suite à un déplacement professionnel, est quelque chose d'étrange. Après le travail, il reste du temps, beaucoup de temps. Quoi en faire ? Que retenir d’une journée passée seul à Madrid ?

LeHorla (avatar)

LeHorla

Professeur de SVT, écrivain d'articles dans des revues de vulgarisation, citoyen qui s'essaie engagé

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Que retenir d’une journée passée seul à Madrid ?

En déplacement professionnel à Tolède, le week end de disponible est l’occasion d’en profiter pour découvrir la capitale espagnole toute proche.

Le « J’y étais », les photos partagées dans un musée traversé à 100 à l’heure où il n’y a pas de place à l’émotion ?

L’art se découvre, s’étudie, se ressent. Il doit faire l’objet d’une démarche, implique d’avoir son esprit disponible. Or ici, nous sommes dans une présence quasi obligatoire comme si notre examen de présence à Madrid nous serait refusé si nous n’allions pas dans un grand musée. J’ai choisi celui de la Reine Sofia, plus modeste que le gigantisme du Prado mais cela reste un lieu qui nécessiterait des heures pour le comprendre. Marcher ainsi dans un pas pseudo ralenti pour au moins faire semblant.

Prendre quelques photos pour partager à la famille mais ne pas supporter celles des autres. Sans parler des groupes qui mitraillent chaque œuvre, demandent qu’on les prenne devant chaque tableau. Où est l’art là-dedans ? Quelle est la fonction de l’art finalement ?

Pour prendre le raisonnement à l’envers, que faire dans ce cas ? Ne pas y aller car il faudrait des semaines pour apprécier une telle ville ? Se dire que pour quelques heures, je n’aurais pas dû prendre le train pour m’y rendre ? Cette foutue rentabilisation du temps, cette productivité jusque dans le tourisme.

Il reste la marche dans les parcs pour moi qui, au quotidien préfère marcher dans mes champs et forêts seine et marnais avec mon chien. La nature domptée de ces poumons verts des villes a le mérite d’apporter une atmosphère plus légère malgré la foule qui s’y presse. Ils permettent de prendre son temps, comme on le ferait chez soi, mais ailleurs. C’est pareil mais en même temps si différent.

D’ailleurs, le prend-on ce temps de profiter quand on est happé par une liste de choses à faire qui sans cesse recommence ? Ici, personne ne m’attend, le temps n’a plus la même signification. Cela me donne une impression de vertige moi qui minute chaque moment de ma journée habituellement entre les tâches professionnelles, les sorties de l’école, les activités des uns, mes sorties de course pour moi.

Ici, le temps s’étire et la crainte de gâcher cet espace me tétanise. Que dois-je faire pour « vraiment profiter » de ces moments de solitude rare ? Il faut que je lise, que je visite, que je me détende, que je regarde les séries que je n’ai jamais le temps de regarder etc etc etc. Cette crainte de perdre du temps me hante. Pourtant je devrais m’inspirer de cette vie à l’espagnole où les horaires sont si différents.

Alors dans ce parc gargantuesque du Retiro, je prends le temps de lire au soleil, d’écouter ces sons et ces voix qui sont différents de chez moi. Les oiseaux, les accents venus du monde entier ou les rires des enfants qui sonnent même différemment, je tiens peut-être là l’essence du voyage. Ne pas prétendre découvrir ou comprendre une culture, des vies, un pays en quelques heures. Passer inaperçu, sentir, voir, respirer. L’écrire bien sûr pour ne rien oublier.

2h de marche dans ce parc immense m’ont plongées au milieu des familles madrilènes aux mêmes espérances que les nôtres : tenir la main tremblante de sa jeune fiancée, courir au côté de son enfant hilare qui poursuit les canards.

Je me rends compte que ce qui manque surtout lorsqu’on voyage seul, c’est le partage.  Personne à qui parler. Personne à qui demander ce qu’il souhaite faire, où il souhaite aller. Personne à qui raconter ce qu’ont vit, décrire ce qu’on a goûté. Personne avec qui se mettre d’accord sur le temps de la pause qu’il faut s’accorder.

On est alors une sorte d’automate qui cherche à justifier sa présence, celle d’un faux habitant de la ville ou celle d’un vrai touriste qui rentabilise son séjour.

Le 15 févr.-25

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.