UNE MATINÉE AU PRIMAIRE :
Rodrigue était toujours installé derrière Fabien et le chamaillait encore comme on chamaille quand on a sept ans en classe élémentaire, pendant que Jacquot le maitre au tableau faisait grincer sa craie, et que certains élèves faisaient la grimace en se bouchant les oreilles. Rodrigue senti le moment propice pour chourer le beau stylo que Fabien avait eu pour son anniversaire et dont il se vantait parfois qu'il était le plus beau de la classe.
Le temps d'une nouvelle grimace et le beau stylo disparu de la table de Fabien. Celui-ci se senti frustré et désemparé. Il regarda par terre, mais non, il n'y a pas eu de bruit, ni de chute !
"Chu-ut" fit à cet instant maître Jacquot par dessus son épaule. La nonchalance du maitre ne lui permettait que d'effleurer les choses et sans doute la caresse d'une pétale de doute lui donna-t-il la sensation d’être dérangé par une classe pourtant guère chahuteuse. Par contre Fabien entendit derrière sa propre épaule, dans son dos, le rire étouffé de Rodrigue. Ses soupçons se jetèrent immédiatement sur lui et alors, dans un élan spontané il se retourne pour réclamer son bien. Si grossièrement que le crissement de craie s'interrompt et que maitre Jacquot se retourne et l'interpelle.
"Que fais-tu Fabien, pourquoi ce vacarme ?
--- Maître, gémit Fabien en désignant Rodrigue, il m'a prendu mon stylo.
--- Comment, que veux-tu dire ?
--- C'est Rodrigue, il m'a prendu mon stylo" !
Le maître Jacquot se pose des questions et se tourne vers Rodrigue :
"Rodrigue, qu'est-ce qui se passe avec le stylo de Fabien ?
--- Je sais pas maitre, répondit Rodrigue en haussant les épaules et en ouvrant ses mains".
Le maître se méfie des jeux d'enfants. Il repose le regard sur Fabien et le requestionne :
"Oui. Il m'a prendu mon stylo". S'entend-il de nouveau répondre.
Alors le maitre se tait et sans un mot regagne son bureau. Il s'y assoit et commence à écrire un mot. Le silence revient dans la classe. Un lourd silence comme savent parfois faire les maîtres. A la fin il se lève, appelle Fabien qui sort de son rang, et lui donne le mot en disant:
"Tiens Fabien, va porter ce mot au proviseur et attends ses ordres".
Fabien s'en va en faisant la moue car son stylo "a toujours été prendu pendant que c'est maintenant" se dit-il, mais il part confiant car il sait le récupérer quand ce sera plus tard !
Le voici dans le bureau du proviseur à qui il tend le mot du maître Jacquot.
Le proviseur est gentil, et il sourit à Fabien qui reste bien droit. Il prend le papier plié que lui remet l'enfant, le déplie lentement et le lit consciencieusement. Le papier relatait ceci:
"Cher proviseur et confrère, je vous adresse le petit Fabien que je voudrai corriger d'une faute grossière de conjugaison sur le verbe prendre. Il s'agit de lui montrer que ce qu'il dit est incompréhensible, et ainsi de l'amener à réfléchir que l'expression ne doit pas déroger aux règles communes sans courir le risque de s'isoler de ses camarades. Merci de le tenir à l'écart de sa classe, dans votre bureau, pour la fin de l'heure. Je viendrai le récupérer sitôt la fin du cours. Merci et bien confraternellement. Signé Mr Jacquot."
Le proviseur est un homme posé. Il fixe un moment Fabien qui le regarde:
"Alors mon enfant que c'est-il passé ?
--- Maître Jacquot m'a demandé de vous apporter ce mot.
--- Oui mais pourquoi toi ? As-tu été distrait pendant le cours ?
--- C'est Rodrigue. Il arrête pas de m'embêter !
--- Ah oui, qu'est-ce qu'il a fait ?..
--- Ben...
--- Oui?..
--- Ben, il a... Il a prendu mon stylo", expulsa Fabien avec clarté et sans effort.
Le Proviseur lève et baisse la tête lentement comme un hochet lent et accepte lentement :
"Ah, je vois..." Puis, après avoir marqué une pause il conclut :
"Bien! Tu vas t'assoir ici et on va attendre que ton maitre Jacquot revienne te chercher pour la fin du cours".
A la fin du cours le maitre frappe au bureau du proviseur. Il est accompagné du père de Fabien. Un homme charmant, réservé et discret, qui parle peu et même souvent par signe. Ici à l'école on le comprend pas très bien. Il a, à la main, le stylo de Fabien, et explique que l'enfant se plaint que son camarade lui a taquiné son cadeau d'anniversaire. Le maitre et le proviseur répondent d'une seule voix qu'on le savait bien mais que le petit Fabien s'exprimait plutôt mal, et qu'on se souciait plus de son éducation que de son stylo. Le père assura que ses devoirs étaient bien fait tous les soirs et qu'il y veillait personnellement. On lui répondit que c'était bien ce qui inquiétait les instituteurs ! Ce que le père ne compris pas. Mais par quel miracle en aurait-il été autrement ?
On continue à parler beaucoup, on fait des grands signes en riant. On semble s'entendre. On fini par se congratuler en se tapant sur le ventre et on fait friser ses moustaches. "Les grands sont bien curieux" se dit Fabien qui se tient la tête inclinée. A un moment il voit même les Space-Girls passer en catimini derrière eux... Enfin, le père emmène l'enfant.
Sur le chemin du retour, ils croisent Bernard un marchand de friandises foraines qui campe sous les fanions. Ils s'y arrêtent et se mangent une grosse barbe à papa. L'enfant regarde son père d'un grand sourire approbateur et rempli d'admiration. C'est alors que le père dit à l'enfant, " A l'avenir mon fils, faudra que tu retiendre mieux ce que je t'ai apprendu".
FIN
Réf : "Fabien au Primaire" est tiré de "Le Grand MashMallow", oeuvre originale et inédite. Auteur L. Castelluci (alias leapoline, alias frankieflamme, alias ledocleo, alias zadiechloé).