Le meeting de Jean-Luc Mélenchon au Mans a fait, comme celui de Tourcoing, l’objet d’un relais médiatique relativement important. Relais pour le moins justifié compte tenu de la participation : plus de deux mille participants, du jamais vu pour une réunion politique dans cette contrée. Elle témoigne, du reste, d’une indéniable dynamique autour de cette campagne.
Pour l’auteur – pour l’heure sans parti – de ces lignes, qui assistait à cette réunion publique, celle-ci fut riche d’enseignements.
Il ne s’agit guère de commenter la forme, à laquelle l’on souscrit ou non (je serai honnête : plutôt non me concernant) : mise en scène justement qualifiée de « One-man show » par les journalistes de France 2 ; ton tantôt inspiré, tantôt badin ; figurants plantés derrière le tribun, entrée à l’américaine sur la scène…
Il s’agit d’analyser le fond. Plus particulièrement, ici, ce que révèle ce meeting des évolutions concrètes que connaît « la gauche de la gauche ».
Les partisans d’une transformation radicale (peut-elle ne pas l’être ?) des rapports sociaux en sortiront agréablement surpris par quelques points programmatiques intéressants (mise sous tutelle publique de l'ensemble de l'industrie pharmaceutique et même de l'exercice de la médecine ), malheureusement blasés par les impasses patrio-réformistes classiques (« nous pouvons changer le monde par les urnes parce que nous sommes la France ») ou franchement déçus par d’autres (retraite à 60 ans à taux plein… à condition d’avoir 40 annuités : c’est donc la retraite à 65 ans – au moins – pour bon nombre d’entre nous).
Plus, ceux qui sont quelque peu accoutumés aux pratiques des organisations politiques auront relevé que les hommages rendus à celles-ci – qui le soutiennent pourtant – ont un curieux arrière-goût : M. Mélenchon évoque la proposition de loi abrogeant la Loi El Khomri faite le jour-même par les sénateurs communistes, en concédant un mérite à ces sénateurs comme il l’aurait fait à propos de toute bonne chose réalisée par des adversaires, fussent-ils de droite, par honnêteté intellectuelle. Les nombreux communistes présents dans la salle le prennent comme un hommage. D’autres le prendront pour ce que c’est : le signal d’une irréversible distanciation. Même le rôle de figuration est refusé aux militants communistes : ils ne comptent pas parmi les acteurs invités aux tables servant de fond à l’intervention du tribun. Il ne sera d’ailleurs plus fait allusion au parti communiste et à ses militants pendant les deux heures que dureront le discours.
Aucun parti n’est représenté en tant que tel dans l’organisation du meeting : c’est une réunion sans parti. C’est ouvertement celle d’un homme s’adressant à une foule désorganisée. Les partis politiques ne sont pas les bienvenus. A des organisations de plusieurs milliers de citoyens partageant un objectif politique, on substitue la foule scandant le nom d’un seul, autour de quelques axes sommairement énoncés.
En ralliant un candidat qui ne les appelait pas, et en se soumettant à l’exercice – ô combien périlleux – de faire la campagne d’un homme providentiel qui n’a pour eux que dédain, les militants du PCF ont offert la plus parfaite illustration de ce que signifie l’expression « fuir en avant ». Au lieu d’essayer de trancher les vraies questions qui leur sont posées (Quel programme ? Réformisme et institutionnalisation ou rupture et Révolution ? Quelles positions tenir face à l’aggravement annoncé de la crise économique ?), les membres du PCF se retrouvent donc unis face à leur fossoyeur. Au mieux le Parti Communiste Français semble-t-il voué à jouer les Sancho Panza dans cette aventure. On n’en plaindra pas le PCF lui-même, qui travaille plus ou moins consciemment à sa propre perte depuis longtemps. On en plaindra nombre de ses militants sincères, et le monde ouvrier dont il aura été l’outil politique, en dépit son dévoiement quasi-originel.
Il est probable que les militants et sympathisants du PCF ne s’attendaient pas à un tel manque de considération. Il est tout aussi probable néanmoins, faute de repères politiques, qu’ils continueront à se laisser embarquer jusqu’au bout de cet acte pathétique, signé de leur propre plume.
C’est sans beaucoup forcer le trait qu’il peut être écrit que l’on avait le sentiment d’assister au Mans aux obsèques du Parti Communiste Français.