Voilà trente ans que les agents de l'Inspection du Travail se battent contre les "Faux stagiaires".
Entendez par là ces centaines de milliers de travailleuses et travailleurs qui exercent une profession, souvent en début de carrière, sans être rémunéré(e)s, ou bien en l'étant à coup de "gratifications" ridicules sans rapport avec le travail fourni. Ce qui correspond de facto à l'une des définitions du travail dissimulé ; voire même pire, à la qualification pénale de "fourniture de services non rétribués ou en échange d'une rétribution manifestement sans rapport avec l'importance du travail accompli" (art. 225-13 du code pénal).
Traditionnellement, les services du ministère du travail (comme d'autres) recourent l'été - du fait du départ en congé d'une partie du personnel (déjà réduit à peau de chargin en temps normal) et en vue de l'accomplissement de tâches telles que classement, rangement, archivage, etc. - à des vacataires embauchés pour un ou deux mois. Mais, restrictions budgétaires oblige (pas pour tout le monde), même cette main d'oeuvre estivale devient trop onéreuse pour le gouvernement.
Non contente de se satisfaire des classements sans suite ou des condamnations ridicules obtenues lorsque les agents de l'inspection dressent procès-verbal dans des affaires de travail dissimulé, la hiérarchie du ministère du travail - aussi décomplexée que la Ministre elle-même vis-à-vis du droit du travail - encourage le recours aux faux stagiaires au sein même de ses services.
Pour preuve, un compte-rendu de réunion de la direction du Rhône du 1er juillet 2016 (extrait de la page 3) :
"Pour information, il est vivement recommandé de faire appel à des stagiaires (durée maximale de 2 mois) pour contourner cette difficulté à recourir à des mois de vacation."
Le meilleur est qu'il ne s'agit pas d'une instruction secrète, réservée au seul cercle des médiocrates locaux, mais d'une instruction donnée à "tous les agents" de la région.
Rassurons-nous, pendant ce temps, ces mêmes hiérarques auront tout mis en place pour s'assurer que les inspecteurs du travail remplissent les objectifs chiffrés en matière de travail illégal, l'une des très rares faisant l'objet d'une attention des institutions (et encore...).
La rapide et affligeante décadence des services de l'Inspection - il y a peu qualifiée de "dernière digue" contre l'offensive patronale, avant que le Parti prétendument socialiste ne revienne aux affaires - ne connaît plus aucune limite, si ce n'est celle de l'imagination de ses chefs.