Cela fait deux ans, jour pour jour, que l'Accord de Minsk-2 a vu le jour. Après une nuit marathon de négociations dans la capitale biélorusse, le 12 février 2015, les dirigeants de la France, l'Allemagne, la Russie et l'Ukraine trouvaient un accord visant mettre fin aux combats dans la région du Donbass. Il prévoyait notamment un cessez-le-feu, une zone démilitarisée sur la ligne de contact, et un appel au dialogue et la création d'un statut spécial pour les régions en conflit de Donetsk et de Lougansk.
Nonobstant, deux années se sont écoulées, et l'arrêt des hostilités, pourtant le premier point de l'accord, est loin d'être assuré sur le terrain. Ce qui est pire encore, les combats des derniers jours près d'Avdeïevka (à 6 km du fief rebelle de Donetsk) sont les plus acharnés depuis l'instauration de la dernière trêve fin 2016.
L'escalade du conflit a coïncidé avec la visite à Berlin du président ukrainien la semaine dernière. Dans la capitale allemande, Piotr Porochenko a rencontré Angela Merkel dans le but de renouveler le soutien de la première puissance européenne dans la lutte contre ce que Kiev qualifie d' "agression russe".
De ce fait, le leader ukrainien a demandé à la chancelière allemande de maintenir les sanctions européennes à l'encontre de Moscou jusqu'à la mise en œuvre complète des Accords de Minsk. Principale responsable de l'échec, selon Kiev, la Russie n'est pourtant pas mentionnée dans le protocole signé en Biélorussie. Qu'est-ce qu'il dit exactement l'accord de 2015?
Un accord en 13 points
Le premier point du document fait un appel à un “cessez-le-feu immédiat” dans la région de Donetsk et Louhansk à partir du 15 février 2015. C'est-à-dire 72 heures suite à la signature du document. Force est de constater que l'arrêt des hostilités envisagé par ce premier paragraphe du Protocole ne fait pas mention des parties en conflit. De ce fait, la présence des forces russes sur le territoire ukrainien n'est pas officiellement reconnue par les parties signataires.
Le deuxième point est consacré à la mise en place du cesse-le feu. Il stipule la création d'une "zone tampon" de 50 kilomètres sur la ligne de contact et précise le mécanisme pour le retrait des armes lourdes. Cette étape, devait prendre un maximum de quatorze jours. Cette fois-ci, les parties belligérantes sont finalement citées dans le document, à savoir, "les troupes ukrainiennes" et "les groupes armés de certaines régions des provinces de Donetsk et de Lougansk". Encore une fois, l'accord signé par Kiev ne fait aucune mention à la présence de l'armée russe. De même, il ne fait pas, non plus, allusion à un soutien militaire, direct ou indirect, de la part de Moscou. Comme on pourra le constater dans cette article, la participation supposée de "little green men" ou la livraison d'armes russes est entièrement absente tout au long du document. Cela ne fait que renforcer la position russe qui, du début du conflit, a systématiquement nié toute implication.
Le troisième point se limite à mentionner le responsable de la surveillance et la vérification du cessez-le-feu et du retrait des armes lourdes, celui étant l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE).
Une fois cette étape achevée et la sécurité de la population assurée, les parties en conflit sont invitées à entamer un dialogue ayant pour but la recherche d'une solution politique en accord avec la législation ukrainienne. À ce propos, le quatrième point de l'Accord précise la nécessité de créer un "régime spécial" donnant plus d'autonomie aux régions concernées. Dans le but de consolider l'autonomie régionale, le Document précise que, trente jours après la signature du contrat, le Parlement Ukrainien devait adopter une résolution déterminant le territoire exacte concerné par le nouveau régime.
Le cinquième point, exige à Kiev une amnistie totale, sans conditions ni exceptions, pour les personnes ayant participé aux affrontements contre l'armée ukrainienne. Le Pardon doit faire l'objet d'une loi votée par le Parlement et doit inclure "toutes les personnes en lien avec les événements". Le gouvernement renonce ainsi formellement à la possibilité de poursuivre en Justice ceux qui auraient pu participer à des actes susceptibles d'être qualifiés de “crimes de guerre”.
En accord avec l'amnistie sans conditions ni exception quelconque, le gouvernement de Kiev, ainsi que les rebelles de la région du Donbass, sont appelés à libérer tous les prisonniers, basé sur le principe de "all for all". À ce sujet, le sixième point établit un délai d'à peine cinq jours pour la libération des détenus, à compter une fois le retrait des armes achevé.
Le septième et huitième points du Protocole de Minsk met en valeur la nécessité de reconstruire le lien socio-économique de la population affectée par les combats. Dans ce but, les parties signataires s'engagent à assurer l'assistance humanitaire, ainsi que le paiement de salaires et des prestations sociales.
Le neuvième point appelle à la souveraineté territoriale de l'Ukraine. Dans ce but, le gouvernement doit "reprendre le contrôle total de ses frontières extérieures". Encore une fois, l'administration de Porochenko a raté ici une opportunité d'introduire dans le document une quelconque allusion au rôle de la Russie, accusée par Kiev de livrer des armes et des combattants à travers la frontière-est, contrôlée par les rebelles.
Le dixième point est sans doute le plus déconcertant pour ceux qui défendent la position de Kiev dans le conflit du Donbass. Il appelle au retrait du territoire ukrainien de tous les "groupes armés étrangers" et "des mercenaires". Se limitant à l'expression "étrangers" le document libère la Russie de toute accusation directe d'une implication active dans le conflit, puisque dans les bataillons de volontaires, côté ukrainien, ils se trouvent également des combattants étrangers.
Finalement, l'onzième point de l'accord fait appel à une réforme constitutionnelle dans le but de fixer à jamais "la décentralisation comme élément-clé" de la forme de gouvernement en Ukraine. Une fois cette étape achevée, le douzième point prévoit des élections régionales dans les territoires concernés en accord avec la loi ukrainienne.
Le treizième point met en valeur l'importance du groupe de contact trilatéral de Minsk, intégré par l'OSCE, les représentants de Kiev et des régions rebelles de Donetsk et de Lougansk, dans le but de favoriser l'implémentation de la feuille de route accordée par les parties signataires.
Entre les accords et les déclarations médiatiques
L'implication de la Russie dans le conflit armée en Ukraine s'avère une réalité incontestable. Outre les nombreux témoins attestant de la présence de combattants russes dans la région du Donbass, il semble évident qu'une "province rebelle" n'est pas en mesure de mener une résistance armée efficace contre une armée nationale (soutenue par la communauté internationale) sans compter sur l'aide extérieure. Dans un conflit, qui entrera bien tôt dans sa quatrième année, force est de constater que la livraison d'armes dans l'est de l'Ukraine et un soutien logistique, résultent indispensables pour faire face aux opérations militaires menées par le gouvernement de Porochenko. Aucun autre acteur régional, en plus de la Russie, semble intéressé à jouer un tel rôle.
Cela étant dit, le document signé à Minsk en 2015, n'accorde aucune responsabilité à la partie russe. L'ingérence de Moscou dans la guerre du Donbass n'est pas reconnue dans l'accord signé par Kiev. Des expressions telles que "Russie", "Moscou", "Kremlin", voire "rebelles pro-russes", sont absentes tout au long du protocole. De ce fait, les accusations à l'encontre du géant slave, face à l'échec de la mise en œuvre de la feuille de route, semblent incohérentes.
Dans les semaines précédant les négociations, les forces ukrainiennes se trouvaient affaiblies, tandis que les rebelles gagnaient rapidement du terrain. Cela pourrait bien expliquer l'empressement de Porochenko d'accorder un cesse-le-feu immédiat, quelles qu'en soient les conséquences. Cependant, il n'est pas raisonnable pour un homme d'État de signer un accord international qui ne demande absolument rien à Moscou, et par la suite accuser le Kremlin de “violer” les conditions de l'accord.
En conséquence, deux possibilités s'offrent au président ukrainien, soit il met fin aux accusations à l'égard de la Russie et entame un dialogue direct avec les leaders des régions rebelles de Donetsk et de Lougansk, comme le prévoit l'accord, soit il renonce à Minsk-2, qui ne défend pas les intérêts nationaux de l'Ukraine, tels qu'ils sont présentés par le gouvernement de Piotr Porochenko.-