“Michael Flynn is out”, se réjouissaient les journalistes américains le lundi 13 février. À la veille de la Saint Valentin Donald Trump terminait sa courte, mais intense, "relation" avec son conseiller à la Sécurité Nationale. La cause de la rupture? Le manque de confiance. Cet ancien général trois étoiles a menti sur le contenu de sa conversation avec l'ambassadeur russe à Washington Sergeï Kislyak, en décembre dernier. Revenons un peu en arrière, car il convient de rappeler les événements.
Quelques semaines avant de quitter la Maison-Blanche, Barack Obama annonçait une série de mesures à l'encontre de la Russie, suite au piratage présumé des serveurs du Parti Démocrate pendant la campagne électorale. La riposte du Kremlin surprenait le monde entier. Aucune mesure ne serait prise en représailles aux sanctions américaines. Pourquoi? Le sujet ferait débat pendant des semaines chez les journalistes de l'autre côté de l'Atlantique.
Finalement, des révélations de la presse ont fait la lumière sur l'affaire. Michael Flynn avait discuté avec le diplomate russe à propos des sanctions imposées par les Américains, alors que le président Barack Obama était encore en fonction. Mise en cause pour des contacts inappropriés, l'ancien général aurait assuré le représentant du Kremlin que l'administration Trump serait “moins sévère” avec Moscou. Il est illégal, pour un citoyen privé de parler au nom du gouvernement des États-Unis.
"La conversation n'a pas porté sur les mesures imposées par les États-Unis à l'encontre de la Russie", assurait le futur vice-président Mike Pence dans une interview à CBS, le 15 janvier. Pence reprenait ainsi les déclarations de Flynn. Mais ce dernier est finalement revenu sur ses propres dénégations le 10 février. Dans sa lettre de démission, l’ancien général a reconnu avoir "par inadvertance trompé le vice-président élu et d’autres personnes” avec "des informations incomplètes" sur ses discussions téléphoniques avec l’ambassadeur de Russie.
Ces révélations embarrassantes autour de l'affaire Flynn ont renforcé la thèse d'une éventuelle administration pro-russe à l'ère de Donald Trump. D'autant plus qu'une semaine avant la démission forcée de Flynn, le conseiller à la sécurité nationale aurait reçu une feuille-de-route pour lever les sanctions contre la Russie. Dans un article publié le 19 février, le New York Times a affirmé que l'avocat personnel de Donald Trump, Michael D. Cohen, avait présenté un plan de paix pour l'Ukraine. Le document, serait une proposition mise au point par Andrii Artemenko (un législateur de l'opposition en Ukraine) et Paul Manafort (ancien directeur de campagne de Trump), lui aussi forcé à démissionner en plein campagne électorale pour ses liens "trop étroits" avec la Russie.
Donald Trump a répété, à maintes reprises, que normaliser les relations avec Moscou, "ça serait une bonne chose". Cependant, Washington, n'est pas de cet avis. Un éventuel rapprochement avec la Russie provoque une vive polémique, non seulement chez les Démocrates mais aussi chez les leaders les plus conservateurs du Parti Républicain.
Fidèle à son style, quelques jours après l'élection de Trump, John McCain n'a laissé aucune place à la confusion sur son opinion à propos du leader du Kremlin. D'après le sénateur républicain Vladimir Poutine est "un ex-agent du KGB qui a plongé son pays dans la tyrannie, assassiné ses adversaires politiques et envahi ses voisins". Dans une interview à CBS, le 11 décembre, McCain s'est fait l'écho des préoccupations des leaders démocrates à sujet de l'ingérence présumée de Moscou dans l'élection américaine, "c'est clair que la Russie est intervenue", a-t-il martelé.
Dans une interview à CNN, le 14 février, Lindsey Graham, un autre poids-lourd républicain, précisait les priorités de son agenda politique : “Je vais lutter jusqu'au bout pour empêcher cette administration de lever les sanctions contre la Russie pour l'invasion de l'Ukraine et l'annexion de la Crimée, et pour toutes les choses qu'ils sont faites depuis, y compris, l'ingérence dans notre processus électoral. Ils méritent d'être punis".
McCain et Graham ont lancé une enquête au sein de la Commission des Services Armés du Sénat. En plus des investigations du FBI, d'autres enquêtes sont menées parallèlement par les Commissions sur le Renseignement du Sénat et de la Chambre des Représentants. Le président de la commission sénatoriale Richard Burr, encore un républicain, a affirmé que l'investigation portera non seulement sur "l'ingérence russe dans l'élection de 2016, mais sur tout contact entre les membres de l'équipe de campagne (de Trump) et des représentants du gouvernement Russe".
Qui veut prendre du poisson ne doit pas agiter l'eau...
La moitié des Américains s'opposent fermement à la politique menée par le président Trump. Des manifestations, parfois violentes, se multiplient tout au long du pays. De même, la guerre ouverte a été déclarée par les législateurs démocrates et les médias libéraux. Sur le front intérieur; la lutte fratricide (John McCain à la tête) pourrait bien s'intensifier dans le cas où un événement ouvre la voie à des défections importantes dans les rangs trumpistes. De son côté, la Justice a suspendu le décret très controversé sur l'immigration, surnommé "Muslim Ban", rappelant que, aux États-Unis, le président ne peut pas prendre les décisions en solitaire dans l'Oval Office.
Dans ce contexte, s'attaquer à la politique antirusse, aussi ancrée dans les mentalités du grand vainqueur de la guerre froide, semble être une entreprise virtuellement irréalisable. De ce fait, le premier geste politique de l'administration Trump dans l'arène internationale laisse entendre que, du moins pour le moment, un rapprochement avec la Russie ne fait pas partie des priorités du leader de la Maison-Blanche.
Dans sa première intervention au Conseil de Sécurité, la nouvelle ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, n'a pas hésité à défier la position du Kremlin dans le conflit ukrainien. "Je dois condamner l'agression russe... nous (les États-Unis) voulons améliorer notre relation avec la Russie, cependant, la terrible situation à l'est de l'Ukraine exige une claire et forte condamnation des actions russes", a-t-elle affirmé, ajoutant que Washington demande "un arrêt immédiat de l'occupation russe de la Crimée" car "la Crimée fait partie de l'Ukraine". À ce propos, Haley n'a pas mâché ses mots, “les sanctions devront continuer jusqu'à ce que la Russie redonne le contrôle de la péninsule à l'Ukraine".
Le candidat rebelle, est-il devenu un président docile? Peut-être. Mais, Il est aussi possible que l'auteur de "The Art Of The Deal", ait décidé d'attendre le moment opportun pour s'attaquer à une constante de la politique étrangère américaine: la russophobie. Quoi qu'il en soit, une chose est certaine, le rapprochement avec Moscou n'est pas pour demain. En conférence de presse, le 17 février, le leader de la Maison-Blanche déclarait que "c'est possible que Poutine pense maintenant qu'il ne peut pas négocier avec moi, parce que ça serait un suicide politique (pour Trump)". Cette réflexion laisse entendre qu'il est peut être lui, qui considère qu'un rapprochement avec le leader russe serait "un suicide politique".
Le temps nous dira si "l'artiste de la négociation" aura de bonnes relations avec l'ex-agent de la KGB. En tout cas, l'enthousiasme russe suite au triomphe du candidat républicain a déjà commencé à s'affaiblir. "Les médias russes ont consacré quatre fois moins d'espace au président américain les deux dernières semaines", a affirmé The Moscow Times. Il devient ainsi de plus en plus évident que les tensions entre Moscou et Washington pourraient bien continuer dans les années à venir...