
Agrandissement : Illustration 1

Comment vous êtes vous intéressés aux expulsions de locataires ?
Alberto
L’idée du film trouve son origine dans le mouvement des 15 M, l’occupation des places le 15 mai 2011. Les gens ont occupé la “Puerta del sol” à Madrid pendant plusieurs mois, ainsi que d’autres places dans d’autres provinces espagnoles.
Irène
C’était comme une révolution citoyenne, les gens ont formé des assemblées massives, et ont débattu de diverses questions. En particulier de questions sociales qui nous préoccupent le plus, le chômage, la privatisation des services publics ou les hypothèques de santé. C’était un soulèvement populaire, sans violence, très pacifique. Nous nous sommes intéressés aux expulsions en lisant la presse et en écoutant ce qui se passait dans notre quartier, puis nous avons commencé à tourner fin 2012.
Alberto
Avec la tentative de prendre des espaces publics, l’idée était de créer une démocratie directe. Et ça a eu comme résultat des mois plus tard la lutte contre les expulsions. Ce phénomène d’expulsion était une conséquence directe de la crise. Nous parlons de centaines de milliers d’expulsions, c’était organisé. Cette lutte était plus visuelle que les discussions dans les assemblées à la «puerta del sol». Dans le film nous voyons comment les familles se sont organisées pour mettre en place des actions directes contre les violations des droits de l’Etat. C’était quelque chose d’historique en Espagne, de nombreux médias du monde entier venaient filmer ce qui se passait, parce que c’était l’expression la plus symbolique de la crise. Expulser les gens de chez eux et les laisser avec leur dette. À La Grieta, il s’agissait de logements publics, ce qui était encore plus choquant. Le conseil municipal vend des logements sociaux, des propriétés municipales à des fonds de placement et en même temps évince des gens à bas revenu.
Comment s’est passée la rencontre avec Dolores et Isabel?
Irène
La lutte pour un logement décent n’est pas seulement symbolique, mais elle est aussi très physique. Pour stopper une expulsion, une des techniques est de se mettre devant la porte et d’y rester tranquillement, afin que les autorités ne puissent pas entrer dans la maison sans passer par la violence. Nous avons rencontré les protagonistes du film via des associations de voisins et la plate-forme qui réunit les personnes touchées par l’hypothèque. Après les 15 M, plein de petites assemblées de quartier ont fleurie un peu partout pour lutter contre les expulsions. Quand nous sommes arrivés devant ces bâtiments à l’architecture typique des logements publics, nous avons constaté qu’il y avait des expulsions de familles sans ressources tous les jours. Nous avons rencontré Dolores et Isabel en passant par les voisins et en voyant leur bravoure, la force avec laquelle elles se battaient malgré la situation dans laquelle elles étaient, nous avons eu envie de les accompagner dans leur lutte. Les médias ont beaucoup relayé les expulsions, mais on ne voyait jamais l’avant et l’après. Nous, nous voulions montrer ce qu’on peut ressentir quand on vous retire ce qu’il y a de plus privé chez vous.
Comment s’est passé le tournage, combien de temps avez vous filmé?
Irène
C’était assez intense, toute l’histoire d’Isabel a été tournée en une dizaine de jours, nous avons dormi là, ils nous ont prêté leurs appartements, ils ont fait ce qu’ils ont pu pour partager ces moments.
Chaque jour, il y a eu des expulsions, des centaines de milliers d’expulsions en un an et demi ou deux. D’une manière ou d’une autre, nous savions ce que nous devions faire pour pouvoir saisir l’histoire de l’intérieur, il fallait être là avec eux.
propos reccueillis par Ai Lin Mu et Davidsillo Hurtado