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Billet de blog 9 novembre 2018

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Entretien avec Neary Adeline Hay à propos de son film ANGKAR

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Illustration 1
Angkar, Neary Adeline Hay, 2018

Pourquoi était-il important de filmer cette histoire, de ne pas la laisser vivre dans ses souvenirs, dans son oralité ? Quelle était l’importance de la caméra ?

J’ai vu beaucoup de films sur la question mais aucun ne faisait écho à mes propres questionnements, c’est à dire de savoir précisément comment les choses s’étaient passées. D’autant plus, aucune œuvre ayant pour sujet l’homme directement face à ses anciens bourreaux. Et c’est une volonté commune aux descendants des victimes du génocide de questionner le silence du traumatisme. Il y a systématiquement eu un refus de la question, nous encourageant vivement à s’interroger.

Comment se place-t-on en tant que réalisatrice et fille du protagoniste ?

Ce ne fut ni un inconvénient ni un avantage mais il était important de s’instaurer dans le partage d’une expérience avec mon père. Il y avait une nécessité en moi de comprendre ce qu’il était, découvrir le cœur de son identité, celle que j’ignorais complètement.
Sur le tournage, il était complètement absorbé, dans un état cathartique, il m’oubliait complètement, replongé dans un état passé. Je me contentais de le suivre, il était possédé et ne m’attendait pas.

Lors des interviews avec les bourreaux, il était évidemment compliqué de se consacrer au cadre sans être d’un point de vue humain, offusquée. Je devais m’imposer de ne pas rompre le dialogue sans m’empêcher de trouver inacceptable les postures prises par les bourreaux. Seulement, il me fallait respecter la démarche de mon père, celle que je voulais retranscrire, cette espèce de calme et de volonté de paix très étonnante face à ces hommes qui lui mentaient.

Il y a malgré tout de courts instants où l’on sent volontairement votre présence. Quand le premier bourreau demande de ne pas répandre ses propos, et précisément quand les postes clés des hommes interrogés remplissent l’écran de leur couleur rouge.

Il y avait tout de même la nécessité d’une condamnation. Nous étions en plein cœur d’un principe d’immersion assez fort. Il était difficile d’être dans ce village, dans cette atmosphère de silence où l’on cache les identités des uns et des autres et où nous venions tout remuer. Je ne voulais pas faire d’interviews arrangées, ne pas prendre les choses solennellement.

Dans le choix de ces extraits, j’avais une volonté non pas de les accuser mais de confronter le discours pacifique de mon père à leur déni. Celui de leur propre responsabilité, de leur culpabilité.

Il y avait tout de même une volonté de conserver presque tout au long du film une inconnue vis-à-vis des rôles précis de chacun des hommes. Cela nous empêche de juger les personnes interrogées dès le début de chacun des dialogues. C’est seulement à la toute fin que leur rôle est placé, évidemment il ne m’était pas permis de ne pas mettre en lumière leurs responsabilités, leurs postes clés dans ce village. Sans être une sanction, il s’agissait de ramener les faits, concrètement et radicalement, à ce qu’ils étaient.

propos recueillis par Pierre Chablin

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